Quel avenir pour l'agriculture et l'alimentation bio ?
Introduction
Un secteur d’activité né sous le signe de la politique et de l’idéologie
Un retour à la nature
La lutte contre les pesticides et les OGM renouvelle le discours écologique
Une scission syndicale qui se transforme en débat national
Un marché dynamisé par l’alliance de tous les acteurs
Le marketing de la peur alimentaire crée le besoin d’assurance
Des consommateurs enclins à acheter bio malgré une montée des doutes
La grande distribution compte se refaire une santé avec la manne du bio
Un État très engagé
La dynamique du marché va-t-elle durer ?
L’alimentation bio est-elle meilleure pour la santé ?
Doit-on avoir peur des résidus de pesticides dans notre alimentation ?
Les cultures bio sont-elles meilleures pour l’environnement ? 53
Les aliments bio sont-ils meilleurs en qualité et au goût ? 58
Un nouveau contexte concurrentiel : la troisième voie
Une promesse de résultat : zéro résidu de pesticides détecté
Une promesse de moyens : zéro traitement avec des pesticides
Les promesses de l’agro-écologie avec la certification « Haute valeur environnementale »
Les nouvelles biotechnologies au service de la transition écologique
L’attraction du local
La montée en puissance des filières industrielles du bio
La banalisation du label bio en marche ?
Les conséquences d’une banalisation du label AB
Doit-on envisager un nouveau label AB français plus exigeant que le label européen actuel ?
Les prix élevés sont-ils tenables sur le long terme ?
Perspectives
Le rôle futur de l’État
Conclusion
Artiste sur la couverture
Résumé
L’agriculture dite « biologique » est née au début du siècle dernier. Plus qu’un modèle de production, elle prônait le retour à la nature. Pendant longtemps, elle n’a intéressé qu’un nombre très restreint d’agriculteurs et de consommateurs. Il faut attendre 1980 pour que l’État inscrive officiellement l’agriculture biologique dans la loi d’orientation agricole. Puis la succession de crises sanitaires dans les années 1990 (vache folle, scandale des lasagnes au cheval, oeufs contaminés…) opère un changement profond au sein de l’opinion publique vis-à-vis de l’alimentation. Les consommateurs n’ont plus peur de manquer, mais s’inquiètent dorénavant de ce qu’ils mangent. Les critiques d’une agriculture « productiviste » prennent de l’ampleur. Sont-elles pour autant justifiées ? En toute hypothèse, ces critiques ont sans doute su convertir un nombre croissant de consommateurs aux bienfaits avancés par les promoteurs de l’agriculture et de l’alimentation biologiques.
À présent, le bio est devenu un véritable marché de masse. Cette dynamique est en train de transformer en profondeur l’écosystème de ce secteur d’activité. L’environnement concurrentiel des filières bio est en grande mutation, avec l’émergence de nouveaux acteurs. Le monde agricole ne reste pas sans réagir et s’engage dans la transition écologique en prenant de multiples initiatives. Encouragée à s’industrialiser et à s’internationaliser au risque de mettre en péril ses fondamentaux, la filière bio est néanmoins contrainte de se remettre en question.
Gil Kressmann,
Économiste et consultant, membre de l’Académie d’agriculture de France.
Devrions-nous manger bio ?
L'agriculture bio et l'environnement
Reconquérir la biodiversité, mais laquelle ?
Des plantes biotech au service de la santé du végétal et de l'environnement
Des outils de modification du génome au service de la santé humaine et animale
OGM et produits d'édition du génome : enjeux réglementaires et géopolitiques
Les biotechnologies en Chine : un état des lieux
Glyphosate, le bon grain et l'ivraie
L'Affaire Séralini l'impasse d'une science militante
Introduction
Voir Commission européenne, « De la ferme à la table. Notre alimentation, notre santé, notre planète, notre avenir », ec.europa.eu, s.d.
Voir Agence Bio, « La consommation bio en hausse en 2019 stimule la production et la structuration des filières françaises. Les chiffres 2019 du secteur bio », dossier de presse, 9 juillet 2019
Ibid., p. 9.
O.W.N. News Network, « The global market for organic food surpassed 100 billion », Organic & Wellness News, 12 février 2020.
« Global Food and Beverages Market Forecast to Grow to $6111.1 Billion in 2020 at a CAGR of 2.9% from 2019 », Research and Markets, 20 octobre 2020.
Voir Commission européenne, « Organic farming in the EU. A fast growing sector », EU Agricultural Markets Briefs, n° 13, mars 2019, p.8.
Voir Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, in « Agriculture bio : le gouvernement “mettra 1,1 milliard d’euros” », propos recueillis par Odile Plinchon et Émilie Torgemen, leparisien.fr, 24 juin 2018.
Philippe Henry, in Agence Bio, « La consommation bio en hausse en 2019…», art. cit., p. 5.
Agence Bio, « La consommation bio en hausse en 2019…», art. cit., p. 8.
Commission européenne, « Organic farming… », art. cit., p. 9.
Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL)–IFOAM – Organics International, « La surface biologique mondiale ne cesse de croître – Plus de 72,3 millions d’hectares de surface agricole sont cultivés en bio », communiqué aux médias, 17 février 2020.
L’évolution du modèle agricole conventionnel vers l’agriculture biologique et le rapide développement de la consommation alimentaire de produits biologiques porteurs du label « Agriculture biologique » (AB) sont des sujets d’actualité qui font débat. Le « bio » est-il le seul avenir de notre agriculture et de notre modèle alimentaire ? Faut-il passer à 25% des terres agricoles consacrées à l’agriculture bio en 2030 comme le propose la Commission européenne 1 ? La dynamique du marché du bio est-elle durable ?
Au sein de la population française, les avis sur le bio ont tendance à être très polarisés, si bien que l’on peut même avancer l’idée qu’ils constituent un nouveau clivage. Or celui-ci repose souvent sur des idées fausses, voire fantasmées, qui ont pu se répandre facilement du fait des connaissances agricoles généralement restreintes du grand public, les liens entre les consommateurs et les agriculteurs ayant pratiquement disparu. Ces idées sont également entretenues par certains discours politiques, notamment ceux promouvant une idéologie de la décroissance, ainsi que par des individus ou organisations bénéficiant d’une pérennisation de la consommation du bio. Par ailleurs, les intérêts financiers en jeu sont devenus considérables. En effet, c’est tout autant l’avenir du bio que l’avenir de l’agriculture conventionnelle et de la sécurité alimentaire dont il est question.
Après une longue période de croissance lente, le marché français du bio alimentaire connaît une expansion de 13 à 20% par an depuis 2015 2. En 2019, ce marché était estimé à 11,9 milliards d’euros, soit 6,1% de la consommation alimentaire, ce qui représente 178 euros par an et par habitant 3. À l’échelle mondiale, le marché du bio atteignait les 100 milliards de dollars 4. À titre de comparaison, le marché alimentaire mondial est estimé à 6.000 milliards de dollars 5.
Les produits bio sont essentiellement consommés dans les pays occidentaux riches, notamment aux États-Unis (47% du marché) et en Europe (37%), avec l’Allemagne et la France en tête 6. Les produits bio, compte tenu de leurs prix de vente et de leur positionnement marketing, sont perçus comme des produits haut de gamme.
En France, si la production agricole bio a du mal à suivre cette dynamique de la demande, quelque 37.000 exploitations agricoles s’étaient néanmoins converties au bio fin 2017 7 et les nouvelles conversions d’exploitations vers l’agriculture biologique battent des records : plus de 5.500 exploitations agricoles se sont converties au bio en 2019 8. Aujourd’hui, 8,5% des surfaces agricoles utiles sont engagées dans l’agriculture biologique 9, ce qui place la France en position moyenne dans l’Union européenne, loin derrière l’Autriche (23%), l’Estonie (20%) et la Suède (19%) 10. À l’échelle de la planète, selon l’Agence Bio, le bio ne représente qu’un peu plus de 1,5% des terres cultivées 11.
Quelles sont les raisons de cet engouement pour le bio en Europe ? Sont-elles justifiées ? La crise sanitaire que nous vivons va-t-elle donner une nouvelle impulsion à ce système alimentaire ? Quelles sont les menaces qui pourraient néanmoins contrarier la dynamique de ce marché et les stratégies des filières qui en dépendent ? Autant de questions auxquelles nous tenterons d’apporter quelques éléments de réponse dans cette étude.
Un secteur d’activité né sous le signe de la politique et de l’idéologie
Un retour à la nature
Bernard Le Buanec (dir.), Le tout bio est-il possible ? 90 clés pour comprendre l’agriculture biologique, Éditions Quæ, 2012, p. 11.
Pour comprendre l’écosystème du bio, il est utile de se rappeler le contexte historique dans lequel il s’est créé et développé. Cette conception originale de l’agriculture et de l’alimentation plonge ses racines dans un terreau philosophique et idéologique qui remonte à plusieurs décennies. Ceci explique en partie la fracture bien réelle qui divise aujourd’hui les agriculteurs et les consommateurs pro-bio et anti-bio.
Le concept de l’agriculture biologique est né dans les années 1930 sous l’influence du britannique Albert Howard, agronome et botaniste, et de l’Allemand Rudolf Steiner, un philosophe tourné vers l’ésotérisme dont les idées sont à l’origine de la biodynamie. L’agriculture biologique est une méthode de production agricole qui, principalement, exclut le recours aux produits chimiques de synthèse mais s’autorise l’utilisation de produits chimiques dits « naturels ». À l’origine, c’est une vision du monde plutôt réactionnaire avant de devenir un nouveau modèle agricole positionné progressiste, puis un véritable marché de grande consommation.
Dans l’Hexagone, l’agriculture biologique émerge au niveau de la production seulement dans les années 1950, en particulier « sous l’impulsion de la société commerciale Lemaire-Boucher qui approvisionne les agriculteurs en semences et en lithothamne, une algue calcaire fossile destinée à activer de prétendues transmutations biologiques dispensant de l’emploi d’engrais. Cette théorie a été ensuite abandonnée sous l’effet de publications de l’Académie d’agriculture de France 12 » et de chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). C’est aussi au début des années 1950 que naît le premier point de vente de produits bio, premier pas vers la croissance de la filière. L’une des valeurs clés qui porte ces producteurs de l’agriculture biologique est celle de l’autonomie : ils ne veulent pas dépendre d’un fournisseur pour leur approvisionnement en engrais ou en semences, et entendent développer une agriculture qui les rapproche de la nature et des consommateurs. Plus profondément, ce modèle agricole s’inscrit dans une vision de la société différente de la société de consommation qui domine la période de l’après-guerre.
Restée pendant une vingtaine d’années très marginale, l’agriculture biologique commencera à émerger dans les années 1970, avec la montée de nouvelles valeurs dans la société sous l’impulsion d’un certain nombre d’intellectuels (Bernard Charbonneau, Jacques Ellul ou Yvan Illich, par exemple) qui inspireront quelques leaders du mouvement écologiste, tel José Bové, et leurs idées : remise en cause du progrès technique, contestation de la société de consommation, mise en question de la croissance économique ou encore dénonciation des dégâts du productivisme de l’agriculture « industrielle » sur l’environnement.
La lutte contre les pesticides et les OGM renouvelle le discours écologique
C’est également à la même époque que l’on assiste à la création d’une multitude d’associations antinucléaires et environnementalistes, d’où émergera quelques années plus tard le mouvement écologiste. Un certain nombre de ces associations sont d’origine étrangère, souvent anglo-saxonnes, comme le Fonds mondial pour la nature (World Wide Fund for Nature, WWF), Les Amis de la Terre ou Greenpeace. Côté français, Nature et Progrès est créée dès 1964. European Network for Ecological Reflection and Action (Ecoropa), née à Bordeaux en 1975, est la première association écologique européenne. Elle regroupe des intellectuels et des personnalités politiques d’horizons et de pays différents, comme Edward Goldsmith, fondateur de la revue The Ecologist, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau ou encore Jacques Delors. Ecoropa a joué un rôle fondamental dans la mobilisation de l’opinion publique contre les organismes génétiquement modifiés (OGM) en lançant un appel pour un moratoire sur les OGM en Europe en 1996. L’association France Nature Environnement (FNE) rassemble 204 associations ; elle a une vocation environnementaliste mais se mobilise particulièrement pour lutter contre les OGM et les pesticides et mettre en avant les mérites de l’agro-écologie. Il faut aussi citer le Collectif des faucheurs volontaires, né lors du rassemblement du Larzac en 2003, à l’initiative de Jean-Baptiste Libouban de la Confédération paysanne, puis transformé en association. Son objectif est de lutter contre les OGM, accusés d’être le fer de lance de l’agro-industrie qui voudrait mettre les agriculteurs sous sa dépendance. La très médiatique association Générations futures, créée en 1996 par François Veillerette, a évolué pour être perçue comme un centre d’expertise ou de contre-expertise sur les pesticides. Le Mouvement des coquelicots a été lancé en septembre 2018 dans ce même but de double dénonciation de l’utilisation des pesticides et des OGM. Ces organisations non gouvernementales (ONG) ont saisi l’opportunité de régénérer leur discours en prônant une agriculture exclusivement bio.
Parallèlement à l’émergence de ces ONG environnementalistes s’est créé un mouvement politique puissant mettant l’écologie au coeur de ses préoccupations et qui s’est appuyé sur l’expertise et le militantisme de ces ONG pour dérouler son programme. On peut dater l’entrée de l’écologie en politique à l’élection présidentielle de 1974, marquée par la candidature de René Dumont, un ingénieur agronome, professeur à l’Institut national agronomique (INA).
Une scission syndicale qui se transforme en débat national
Voir Confédération paysanne, « Notre histoire », confederationpaysanne.fr, s.d.
Loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole, art. 14 III, Journal officiel, 112e année, n° 156, 5 juillet 1980, p. 1673.
Décret n° 81-227 du 10 mars 1981 relatif à l’homologation des cahiers des charges définissant les conditions de production de l’agriculture n’utilisant pas de produits chimiques de synthèse, Journal officiel, 113e année, n° 59, p. 750-751.
Règlement (CEE) n° 2092/91 du Conseil du 24 juin 1991 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires et Règlement (CE) n° 1804/99 du Conseil du 19 juillet 1999 modifiant, pour y inclure les productions animales, le règlement (CEE) n° 2092/91 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires.
Le développement du bio et l’émergence de ces associations militantes dans les années 1970 s’accompagnent d’une scission au sein du syndicalisme agricole : la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), à vocation unitaire, ne réussit pas à empêcher en 1970 la création du mouvement des Paysans travailleurs, positionnée à gauche et qui entend défendre les « petits paysans ». Sous l’impulsion de son leader Bernard Lambert, ce mouvement jouera un rôle important dans la remise en question de l’agriculture industrielle. La Confédération paysanne, qui lui succédera en 1987, affirme lutter « pour une agriculture paysanne et la défense de ses travailleurs 13 ». Son rôle et son influence politique ont cependant pris une nouvelle dimension lorsque cette organisation de défense syndicale a élargi son positionnement avec la remise en cause de la mondialisation et la défense de la paysannerie dans les pays du tiers monde. Elle a ainsi participé à la fondation du mouvement paysan international Via Campesina (« Voix paysanne ») et de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac). La Confédération paysanne fait de la politique sous l’impulsion de José Bové mais elle conquiert véritablement une notoriété nationale, voire internationale, en dénonçant la « malbouffe », les OGM, les pesticides ou encore les multinationales de l’agribusiness. C’est dans ce contexte qu’elle a joué un rôle très important pour attirer l’attention de l’opinion publique sur l’agriculture biologique, présentée comme « la » réponse à toutes ces critiques. Ce modèle a alors fracturé le monde agricole entre les pro-bio, plutôt de gauche, emmenés par la Confédération paysanne, et les anti-bio, plutôt du centre ou de droite, emmenés par la FNSEA. À présent, cette fracture politico-syndicale du monde agricole sur cette thématique du bio semble dépassée, la FNSEA ayant fini par accueillir les agriculteurs bio en son sein.
Certains grands distributeurs ont compris assez vite qu’ils pourraient tirer profit du développement du bio en l’associant au « sans-OGM », pour ainsi obtenir un bénéfice au niveau de leur image, dans un premier temps, et pour leurs marges, dans un second temps. Le groupe Carrefour a été incontestablement le pionnier en ce domaine. Il est aujourd’hui le numéro un français de la distribution du bio.
Du côté des pouvoirs publics, il faut attendre 1980 pour que l’agriculture biologique – qui s’apparentait plutôt jusqu’alors à un courant de pensée, à un style de vie ou à une démarche syndicale, voire idéologique – devienne une démarche agricole reconnue officiellement par la législation française. Ainsi, la loi d’orientation agricole de 1980 reconnaît une agriculture « n’utilisant pas de produits chimiques de synthèse 14 » et, en 1981, un décret précise les cahiers des charges correspondants 15. En 1991, un règlement européen est venu se substituer à la réglementation française en définissant des cahiers des charges pour les productions végétales d’abord, puis pour les productions animales 16. En 1985, la création du logo AB a marqué l’acte de naissance officiel du marché du bio. L’agriculture biologique se différencie de l’agriculture conventionnelle essentiellement par l’absence d’utilisation d’intrants à base de chimie de synthèse, l’absence d’OGM, la limitation du recours aux antibiotiques et l’impératif du lien au sol.
Un marché dynamisé par l’alliance de tous les acteurs
Michael Waintrop, « Alimentation, la grande défiance des consommateurs », lacroix.fr, 6 février 2020.
Agence Bio, L’Agriculture biologique. Chiffres clés 2009, 2009, p. 88.
Id., « La consommation bio en hausse en 2019…», art. cit., p. 9.
Ibid.
Nielsen FMCG and Retail, « L’herbe est-elle toujours plus verte sur le bio ? », nielsen.com, 4 septembre 2020.
Ibid.
Voir Clément Fournier, « Santé, écologie : les habitudes de consommation n’évoluent pas, arrêtons de nous mentir », youmatter.world, 31 janvier 2020.
Le marché du bio est longtemps resté très marginal, avec des acteurs de marché relativement discrets et des consommateurs souvent perçus comme des originaux, voire des marginaux. Représentant jusqu’à la fin des années 1990 autour de 2 % du marché de l’alimentaire avec une croissance très lente, le bio n’avait pas de quoi intéresser les investisseurs, à savoir les agriculteurs, les coopératives, les transformateurs et les distributeurs.
À la suite de la maladie de la vache folle, de la fraude sur les lasagnes de cheval, et du scandale des oeufs contaminés et autres crises alimentaires, les consommateurs ont pris peur (en 2020, selon une enquête de l’Obsoco, 68% des Français se disent inquiets des effets possibles de leur alimentation sur leur santé 17) et les ventes de bio ont alors vraiment décollé avec une croissance de 10% par an. Selon l’Agence Bio, en 2008, les ventes au détail en bio s’élevaient à 2,6 milliards d’euros 18 et, onze ans plus tard, en 2019, le marché français du bio (alimentation) atteint 11,9 milliards d’euros 19. Cela représente près de 6,1% de la consommation alimentaire des ménages 20. À noter que, selon la société d’études Nielsen, les « gros acheteurs », des consommateurs plutôt aisés, seniors, cadres et parisiens, consacrent 12% de leurs dépenses alimentaires au bio 21. De plus, deux achats de produits bio sur trois restent concentrés sur 20% des Français 22. Environ 3% des Français déclarent se nourrir essentiellement de produits biologiques, ce qui relativise l’importance de ce marché créé il y a trente-cinq ans 23.
Le marketing de la peur alimentaire crée le besoin d’assurance
Quel est le secret de la réussite du bio auprès de cette minorité de consommateurs ? La stratégie marketing adoptée par les acteurs du bio – producteurs, organisations professionnelles, industries agroalimentaires et distributeurs – est claire : faire dire par d’autres, en particulier par les ONG et les médias, que l’agriculture conventionnelle constitue un grave danger non seulement pour la santé de l’être humain mais aussi pour la planète. Il faudrait, par voie de conséquence, changer de modèle agricole et alimentaire. Ces ONG sont très écoutées par l’opinion publique et les médias car, comme le souligne l’agronome Patrick Lesaffre, « elles prétendent représenter l’intérêt général. La grande force de certaines ONG écologiques est de se faire passer pour le chevalier blanc qui se bat contre le lobbying alors que leur propre métier est de faire du lobbying 24 ».
Bénéficiant de l’appui de différents acteurs du bio et mobilisant tous les ressorts du marketing de la peur, ces ONG recourent à la manipulation et à la désinformation pour faire passer leurs messages, critiques envers l’agriculture conventionnelle et positifs vis-à-vis de l’agriculture bio. Il faut savoir que les ONG qui dénoncent et dénigrent les pesticides sont souvent activement soutenues, voire financées, par le dynamique lobby du bio 25. Les tâches sont ainsi parfaitement bien réparties entre les acteurs des différents maillons de la filière bio, depuis le financement des actions de communication jusqu’aux médias en passant par les actions militantes sur le terrain qui créent les événements.
Comme l’explique le journaliste Gil Rivière-Wekstein, leur stratégie de communication est toujours la même : alerter l’opinion publique en publiant des enquêtes ou des études dont l’objectif est de « démontrer une présence généralisée des pesticides dans notre alimentation », et avertir les journalistes des dangers que représenteraient ces pesticides pour la santé des consommateurs (molécules cancérigènes possibles, contamination généralisée, préoccupation majeure des consommateurs). Mais les éléments transmis à la presse ne permettent pas de justifier ces propos 26. Les dénégations des scientifiques et des agences d’évaluation sur les risques réels de la consommation d’aliments produits en agriculture conventionnelle – le risque mesure le niveau d’exposition au danger – semblent, quant à elles, n’avoir aucune prise sur les journalistes et les politiques, sensibles à l’opinion publique.
Part de citoyens européens préoccupés par « les résidus de pesticides dans les aliments* » (en %)
Source :
European Food Safety Authority (Efsa), « Eurobaromètre 2019 : Sécurité des aliments dans l’UE ».
* Sur la base d’une liste de 15 sujets liés à la sécurité alimentaire
Voir European Food Safety Authority (Efsa), « Sécurité alimentaire dans l’UE. France », avril 2019, p. 4 et « Eurobaromètre 2019 : sécurité des aliments dans l’UE », efsa.europa.eu.
Générations futures, États des lieux des résidus de pesticides dans les fruits et les légumes en France, juin 2019.
Cité in « Nouveau rapport sur les résidus de pesticides dans les fruits et les légumes en France », generations-futures.fr, 6 juin 2019.
Voir Catherine Regnault-Roger, « Sécurité alimentaire et risque pesticide », in Catherine Regnault-Roger (dir.), Idées reçues et agriculture. Parole à la science, Presses des Mines, 2018, p. 92.
Frédéric Denhez, « Attention aux malentendus autour du bio », propos recueillis par Anne Bréhier, La France agricole, n° 3800, 22 mai 2019, p. 13.
Emmanuelle Ducros, « Faut pas prendre les clients du bio pour des canards sauvages », lopinion.fr, 26 mars 2019.
Cité in Camille Harel, « La consommation de produits bio continue de se démocratiser » (en accès réservé), lsa-conso.fr, 21 février 2019.
Agence Bio-Spirit Insight, « Baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France », dossier de presse, février 2019, p. 10.
Sachant que 57% des Français se disent préoccupés par les résidus de pesticides présents dans les aliments 27, les contenus médiatiques portant sur cette thématique sont quasiment assurés d’avoir un bon écho au sein du public. L’étude annuelle de l’ONG Générations futures sur les résidus de pesticides dans l’alimentation apparaît donc comme une véritable aubaine pour les médias 28. Cette étude est perçue d’autant plus crédible qu’elle apparaît désintéressée, alors qu’elle est constituée le plus souvent de simples interprétations de statistiques existantes ou créées pour l’occasion en vue de renouveler l’argumentaire contre les pesticides. François Veillerette, le directeur de Générations futures, dit ainsi de l’étude de 2019 : « Nous souhaitons que ce rapport permette de prendre conscience de la nécessité de changer les pratiques agricoles en sortant de notre dépendance à ces polluants dont certains présentent un danger pour notre santé et notre environnement 29. »
Il faut par ailleurs souligner que ce rapport n’analyse pas la présence de résidus de pesticides dans les fruits et légumes bio, alors qu’elle existe aussi, même si ces résidus y sont moins présents que dans ceux cultivés de manière conventionnelle 30.
Comme l’explique très bien l’ingénieur écologue Frédéric Denhez : « Dans ce contexte anxiogène, le bio rassure. Il est devenu synonyme de “meilleur” et de fiable. Aux yeux de nos contemporains, le label AB incarne une pureté. Il est vécu comme une promesse de vie saine, longue et plus propre 31. » Cependant, comme le rappelle la journaliste Emmanuelle Ducros : « L’alimentation bio apparaît désormais comme une réassurance. Mais à grandes attentes, grandes responsabilités : elle ne doit pas décevoir, sous peine de sévère retour de boomerang 32. »
Des consommateurs enclins à acheter bio malgré une montée des doutes
Des consommateurs enclins à acheter bio malgré une montée des doutes
« Le bio n’est plus un effet de mode mais de société », se félicite Florent Guhl, ancien directeur de l’Agence Bio, commentant les chiffres records de la consommation de produits alimentaires bio 33. Mais pourquoi les consommateurs achètent-ils des produits bio avec autant d’enthousiasme alors que ceux-ci sont pourtant vendus à des prix beaucoup plus élevés que les produits issus de l’agriculture conventionnelle ? Quels bénéfices les consommateurs y trouvent-ils ?
Selon un sondage effectué par l’Agence Bio, les raisons motivant la consommation de produits AB sont, dans l’ordre : « préserver sa santé » (opinion de 59 % des Français consommant bio au moins une fois par mois), « la qualité, le goût des produits » (51 %), « préserver l’environnement » (45 %), « la plus grande disponibilité des produits bio dans les lieux d’achat habituels » (34 %) et « le bien-être des animaux » (34 %) (voir graphique 1). À noter que, par rapport à février 2019, moins de consommateurs de bio mentionnent le fait de vouloir préserver sa santé parmi les raisons de consommer bio (59 % contre 69 %, soit une diminution de 10 points) 34.
Graphique 1 : Les principales raisons de consommer des produits bio (janvier 2020)
Source :
Agence Bio-Spirit Insight, Édition 2020 du baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France, janvier 2020, p. 81.
Note : Autres raisons citées : « prix proche d’un produit non bio », « produit que l’on ne trouve qu’en bio », « en faisant son jardin/son potager » et « travaille dans un magasin bio »
Selon le même sondage, les principaux freins à la consommation de bio sont les prix élevés (81% des Français non-consommateurs de produits bio et 80% de ceux qui consomment bio de façon non quotidienne) et les doutes sur le fait que le produit est totalement bio, c’est-à-dire sans pesticides et sans OGM (63% des Français non-consommateurs de produits bio et 66% de ceux qui consomment bio de façon non quotidienne) (voir graphique 2).
Graphique 2 : Les principaux freins à la consommation de produits bio (janvier 2020)
Source :
Agence Bio-Spirit Insight, Édition 2020 du baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France, janvier 2020, p. 85.
La grande distribution compte se refaire une santé avec la manne du bio
Amélie Dereuder, « Un lancement européen sur cinq se fait sous label bio », processalimentaire.com, 30 septembre 2019.
Agence Bio, « La consommation bio en hausse en 2019…», art. cit., et calculs de Gil Kressmann.
Ibid.
Si les consommateurs sont plus nombreux à acheter des produits bio, c’est aussi parce que ces produits sont maintenant beaucoup plus disponibles dans les points de vente. À présent, aucun magasin ne peut se permettre de ne pas proposer des produits bio. La grande distribution est devenue particulièrement dynamique, en allongeant les linéaires consacrés au bio, en créant de nouveaux points de vente spécialisés, en multipliant les références et en créant ses marques de distribution. Plus d’un nouveau produit alimentaire sur cinq (22%) lancé en France est un produit bio 35. Notre pays est champion en la matière.
La grande distribution a ainsi conquis 55% du marché et a pris le dessus sur les chaînes spécialisées en bio (telles que Biocoop ou La Vie claire) qui ne possèdent plus que 28% du marché. La vente directe représente 11% des achats alimentaires bio 36. Ce leadership de la grande distribution sur le marché du bio a des conséquences importantes sur la dimension du marché et la répartition de la valeur créée. Cette forte implication de la grande distribution explique en partie le succès des produits bio transformés.
En effet, le marché ne se limite pas aux fruits et légumes frais. Il est même constitué maintenant en majorité de produits transformés. Selon l’Agence Bio, les produits d’épicerie, de crémerie, de boulangerie, de traiteur ou de surgelés représentent 60% du marché du bio. Le secteur de l’épicerie, le plus important en chiffres d’affaires, représente à lui seul 29% des achats bio et un marché de 3,5 milliards d’euros, alors que celui des fruits et légumes, qui vient au deuxième rang (17%), s’élève à 2 milliards d’euros 37.
Graphique 3 : Répartition des achats des ménages par famille de produits bio en 2019 (en % et en milliards d’euros)*
Source :
Fondation pour l’innovation politique et Agence Bio, « La consommation bio en hausse en 2019 stimule la production et la structuration des filières françaises. Les chiffres 2019 du secteur bio », dossier de presse, 9 juillet 2019 ; calculs de Gil Kressmann.
* Le total n’atteint pas 11,9 milliards d’euros en raison des arrondis.
Voir Nielsen FMCG and Retail, art. cit.
Les distributeurs non spécialisés en bio sont cependant en train de découvrir que, dans le cas des hypermarchés, la rotation des produits en agriculture biologique sur les linéaires est inférieure à celle des produits en agriculture conventionnelle du fait du prix élevé du bio et du nombre de références qui devient excessif 38. La rentabilité du bio rêvée par la grande distribution risque donc d’être décevante.
Un État très engagé
Voir Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Programme Ambition bio 2022. Plan d’actions des acteurs de l’agriculture et de l’alimentation en France, juin 2018. Ce programme est jugé trop ambitieux dans le Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les financements publics consacrés à l’agriculture biologique, présenté le 29 janvier 2020 par les sénateurs Alain Houpert et Yannick Botrel.
Voir Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Les Mesures de la loi EGalim concernant la restauration collective, janvier 2020.
Les importants investissements en communication de l’Agence Bio et des distributeurs de bio, la multiplication d’articles de presse, d’émissions de télévision (Cash Investigation, par exemple) ou de films documentaires (tels que Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent) critiques de l’agriculture conventionnelle dite productiviste ont été très efficaces pour attirer les consommateurs vers le bio, à tel point que la production n’a pas toujours réussi à suivre le rythme de la demande. Plus que la dynamique du marché, c’est l’État qui a joué un rôle important pour inciter de nouveaux agriculteurs à développer la culture de produits agricoles bio.
Une série de mesures ont notamment été prises pour encourager le développement de la production bio. Les pouvoirs publics ont ainsi développé les aides à la conversion des exploitations agricoles vers le bio, accordées pendant cinq années, aides qui viennent s’ajouter aux autres aides délivrées par la Politique agricole commune (PAC). L’État, estimant que les agriculteurs qui avaient terminé leur période de conversion pouvaient se rémunérer suffisamment sur le marché compte tenu des prix pratiqués, a cependant supprimé récemment les aides au maintien de l’agriculture bio qui venaient compléter les aides à la conversion. Ces aides au maintien peuvent en revanche continuer à être octroyées par les régions.
L’État s’est aussi engagé à mettre 1,1 milliard d’euros sur la table pour permettre à la France de passer de 6,5 à 15% de surfaces agricoles exploitées en bio d’ici à 2022 39. La restauration collective est également encouragée à mettre du bio dans ses menus pour créer des débouchés supplémentaires à la production de bio 40. Du côté des femmes et des hommes politiques, pratiquement tous sont d’accord pour que l’État encourage le bio, perçu comme une solution vertueuse. C’est probablement le seul domaine où il y a un consensus entre la droite et la gauche.
La dynamique du marché va-t-elle durer ?
La dynamique du marché du bio se poursuivra tant que les promesses de différenciation des aliments en agriculture biologique resteront crédibles et spécifiques par rapport à celles des concurrents. Dans le cas où le bio perdrait certains de ses signes distinctifs, le marché du bio connaîtrait des difficultés pour prolonger son rythme de croissance.
L’alimentation bio est-elle meilleure pour la santé ?
Voir Léon Guéguen, Devrions-nous manger bio ?, Fondation pour l’innovation politique, mars 2021.
Voir « La moitié des Français ignore que l’agriculture bio utilise des phytos », lafranceagricole.fr, 24 mars 2016.
Citée in Erwan Seznec, « Traitements bio. Toxiques naturellement », UFC Que choisir, 19 août 2016, p. 3.
Cité in Hervé Thys, Le Grand Livre de notre alimentation, Odile Jacob, 2019, p. 361.
Voir Géraldine Woessner, « Y a-t-il des pesticides dans le bio ? », europe1.fr, 27 février 2018.
Voir Marc Mennessier, « Deux pesticides augmentent le risque de Parkinson », lefigaro.fr, 16 octobre 2011.
Voir Géraldine Woessner, « Pesticides : comment démêler le vrai du faux ? », lepoint.fr, 4 octobre 2019.
Voir Géraldine Woessner, « Y a-t-il des pesticides dans le bio ? », art. cit.
Comme nous l’avons vu, la préservation de leur santé est la motivation numéro un de 59% des Français qui consomment bio au moins une fois par mois (voir graphique 1). Pourtant, le label AB, pas plus que le label européen, n’offre quelque garantie que ce soit que ces produits sont meilleurs pour la santé 41. Cette conviction repose principalement sur la croyance des consommateurs que l’agriculture bio n’utilise aucun pesticide. Cette croyance est issue d’une communication trompeuse, voire mensongère par omission, de la part des acteurs du bio qui pendant longtemps se sont bien gardés de dire clairement que les agriculteurs qui cultivent en agriculture biologique utilisent, eux aussi, des produits chimiques. Aujourd’hui, ils précisent que les produits chimiques qu’ils utilisent sont d’origine « naturelle » mais les consommateurs sont encore très nombreux à penser que les produits bio sont cultivés sans aucun pesticide, chimique ou naturel. Selon un sondage réalisé en 2016, « un Français sur deux ignore que l’agriculture biologique utilise des pesticides ». Les 50-64 ans sont la classe d’âge la moins au fait de cette pratique (56%), tandis que 60% des 25-34 ans déclarent le savoir 42.
Une agriculture sans pesticides est un mythe. Les plantes ont besoin d’être protégées contre les insectes, les maladies ou les virus. Que ce soit en agriculture biologique ou en agriculture conventionnelle, « il n’y a pas d’agriculture sans traitement et il n’y a pas d’efficacité sans inconvénients », explique ainsi Catherine Regnault-Roger, membre de l’Académie d’agriculture et de l’Académie nationale de pharmacie 43. D’ailleurs, les plantes se protègent grâce aux pesticides naturels qu’elles produisent elles-mêmes pour se défendre. C’est ainsi qu’elles peuvent survivre aux attaques de leurs agresseurs. Selon le toxicologue américain Bruce Ames, 99,99 % des pesticides de notre alimentation sont d’origine naturelle 44.
Mais naturel ne veut pas dire sans danger pour la santé. Selon l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques (Itab), vingt et une substances homologuées bio ont un facteur reconnu de toxicité 45. Ainsi, le spinosad, insecticide d’origine bactérienne utilisé en bio, est toxique pour les polinisateurs, abeilles et bourdons. La roténone, un pesticide d’origine naturelle extrait de plantes, a été utilisée très longtemps par l’agriculture biologique, avant d’être interdite il y a quelques années à cause de ses dangers prouvés pour la santé des utilisateurs (son utilisation est notamment liée à la maladie de Parkinson 46). L’huile de Neem, qui a remplacé la roténone, possède des propriétés insecticides mais il s’agit d’un perturbateur endocrinien avéré. Quant au cuivre, utilisé abondamment par l’agriculture bio, il présente un risque de toxicité aiguë en cas d’ingestion ou d’inhalation. C’est pourquoi des limites maximales de résidus (LMR) présents dans les produits alimentaires, que les agriculteurs doivent respecter, sont aussi établies pour les produits de l’agriculture biologique.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) recense 305 pesticides utilisables en France pour l’agriculture biologique, soit un pesticide sur six 47. Sur 68.000 tonnes de produits phytosanitaires vendus en France en 2016, 27% étaient également autorisées pour l’agriculture biologique et utilisées par l’agriculture conventionnelle 48. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes entreprises chimiques qui fabriquent ces pesticides d’origine naturelle et ces pesticides de synthèse.
Doit-on avoir peur des résidus de pesticides dans notre alimentation ?
Voir Pierre Médevielle, Pierre Ouzoulias, Philippe Bolo et Anne Genetet, « Évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences : trouver le chemin de la confiance », rapport au nom de l’OPECST, Sénat-Assemblée nationale, 2 mai 2019, et « Évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences – Examen du rapport », comptes rendus de l’OPECST, senat.fr, 2 mai 2019.
Voir Catherine Regnault-Roger, art. cit., p. 92.
Voir Paula Medina-Pastor et Giuseppe Triacchini, « The 2018 European report on pesticide residues in food », EFSA Journal, vol. 18, n° 4, 2 avril 2020.
Ibid.
Les pesticides, qu’ils soient d’origine chimique ou d’origine naturelle, ne sont autorisés à la commercialisation que s’ils ont été validés par les pouvoirs publics selon une procédure rigoureuse. Dans un récent rapport, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) souligne la sévérité de ces examens en Europe 49. Notre législation est certainement la plus rigoureuse au monde. Alors pourquoi tant de peurs chez les consommateurs ? On peut trouver des éléments de réponse dans les opérations, souvent largement relayées par les médias, menées par des groupes minoritaires hostiles aux pesticides et à l’agriculture conventionnelle de façon générale, visant à faire croire que les produits chimiques utilisés pour protéger les cultures généreraient des cancers, des malformations ou d’autres problèmes de santé, et ce indépendamment de la quantité absorbée. Or, selon le principe de Paracelse, « tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison ».
La science a ainsi déterminé que les aliments commercialisés sont sans danger si les résidus de produits chimiques qu’ils peuvent contenir ne dépassent pas les LMR autorisées. Très protectrices pour le consommateur, les LMR sont calculées à partir des doses journalières admissibles (DJA), c’est-à-dire les doses de résidus qu’un consommateur peut absorber journellement sans risque pour sa santé. Consommer ponctuellement (donc sans régularité) un aliment qui aurait une LMR légèrement dépassée ne signifie pas pour autant qu’on sera forcément malade ensuite. Les LMR s’inscrivent dans une démarche de prévention 50. Cette législation est très bien respectée puisque le dernier rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) conclut que 98,6% des échantillons d’aliments sont conformes aux limites légales autorisées pour les résidus, dont 58% le sont sans résidus quantifiables (87,8% pour les produits animaux) et 40,6% le sont avec résidus quantifiables mais en dessous ou au niveau de la limite maximale de résidus (LMR). Seuls 1,4% des échantillons dépassent la LMR 51.
Qu’en est-il des produits issus de l’agriculture bio ? L’EFSA a observé que 84,8% étaient sans résidus quantifiables et que 13,8% contenaient des résidus quantifiables en dessous ou au niveau de la LMR, la plupart non nécessairement liés à l’utilisation de pesticides agricoles (substances naturelles ou polluants persistants). Seuls 1,4% des échantillons bio analysés par la France contenaient des traces de pesticides au-dessus de la limite de détection 52.
Au total, pour l’EFSA, les aliments que nous consommons, qu’ils soient issus de cultures en agriculture conventionnelle ou de cultures en agriculture biologique, respectent les LMR et ne présentent donc pas de risques pour notre santé. On notera que plus de 50% des aliments ne contiennent aucun résidu chimique, une performance de l’agriculture conventionnelle ignorée par les consommateurs et qui incite plusieurs filières agricoles en agriculture conventionnelle à valoriser cette performance technique.
Les cultures bio sont-elles meilleures pour l’environnement ? 53
Voir Bernard Le Buanec, L’agriculture bio et l’environnement, Fondation pour l’innovation politique, mars 2021.
Benoit Sophanor et al., « Protection phytosanitaire et biodiversité en agriculture biologique », Innovations agronomiques, 4 janvier 2009, p. 217.
Didier Andrivon et al., Peut-on se passer du cuivre en protection des cultures biologiques ? Synthèse du rapport d’expertise scientifique collective, Inra, janvier 2018, p. 3.
Cité in Gil Rivière-Wekstein, « Le cuivre sur la sellette », agriculture-environnement.fr, 7 mars 2018.
Bernard Le Buanec, L’agriculture bio…, op. cit., p. 27.
Nous avons vu que l’une des autres raisons invoquées pour la consommation de produits bio, choisie par 45 % des Français consommant bio au moins une fois par mois, était la préservation de l’environnement (voir graphique 1) et que la moitié des consommateurs ignoraient que les plantes bio sont protégées par des pesticides d’origine « naturelle » qui sont loin d’être inoffensifs pour l’environnement. Les pesticides naturels étant moins efficaces que les pesticides chimiques de synthèse, les agriculteurs en agriculture biologique doivent traiter plus souvent leurs plantes pour obtenir des résultats équivalents. Ainsi, « la quantité de produits phytosanitaires épandue en termes de matière active (exprimée en kg par hectare) est en moyenne de 37,2 en conventionnel et de 92,1 en bio 54 ».
Autre exemple, le cuivre, largement utilisé comme pesticide par l’agriculture bio, est connu pour être très nuisible à la biodiversité en tuant la vie dans le sol, notamment les vers de terre au bout de quelques années. « Si la plupart des utilisations du cuivre sont justifiées par son efficacité biologique, elles posent des problèmes écotoxicologiques (risques avérés pour les populations microbiennes du sol, les vers de terre, certains organismes aquatiques et des auxiliaires des cultures) », reconnaît une étude de l’Inra 55. La logique serait donc de l’interdire. Bien que ce soit déjà le cas dans certains pays (Danemark et Pays-Bas), les producteurs en bio s’opposent à cette interdiction au motif qu’ils ne disposent pas de solutions alternatives viables : « Si demain on interdit le cuivre, il n’y a plus de viticulture bio », affirme ainsi Olivier Huchette, responsable certification chez Demeter France 56. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) ont confirmé qu’il serait difficile de se passer totalement de cuivre sur les cultures bio à court terme. Comme l’analyse Bernard Le Buanec, « globalement, l’impact de l’agriculture biologique sur l’environnement n’est pas sensiblement meilleur que celui de l’agriculture conventionnelle 57 ». Les produits en agriculture biologique restent néanmoins perçus par nos concitoyens comme meilleurs pour la préservation de l’environnement. Cet avantage de l’agriculture biologique pourrait progressivement s’amoindrir au fur et à mesure que l’agriculture conventionnelle est contrainte de prendre des mesures favorables à l’environnement, pour répondre à la demande sociétale et aux nouvelles contraintes environnementales imposées par la politique agricole.
Incontestablement, notre agriculture est en train de changer de modèle en s’inscrivant davantage dans des démarches agro-écologiques et de certifications environnementales. Ce changement de cap n’est pas encore ressenti par nos concitoyens mais il est craint par les acteurs du bio qui ont tendance à dénigrer ces démarches. Pour nombre de producteurs de bio, les démarches des agriculteurs en agriculture conventionnelle engagées pour préserver l’environnement (agriculture raisonnée, agriculture de précision, protection intégrée des cultures, le sans-labour…) ne sont que de simples opérations de communication, de greenwashing (lorsque des entreprises mettent en avant le respect de l’environnement à des fins de marketing). Pourtant, la nécessité de la transition écologique progresse dans les esprits et les pratiques de la plupart des agriculteurs français. C’est tout le sens de la troisième voie qui se met en route un peu partout en France (voir partie IV).
Les aliments bio sont-ils meilleurs en qualité et au goût ? 58
Voir Léon Guéguen, op. cit.
Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « Vingt-deuxième conférence régionale de la FAO pour l’Europe. Point 10.1 de l’ordre du jour. Influence de l’agriculture biologique sur l’innocuité et la qualité des aliments », Porto (Portugal), 24-28 juillet 2000, IV. 41.
Voir, par exemple, Neilson C. Conklin et Gary Thompson, « Product quality in organic and conventional produce: is there a difference? », Agribusiness, vol. 9, n° 3, mai 1993, p. 295-307, et Katrin Woese et al., « A comparison of organically and conventionally grown foods. Results of a review of the relevant literature », Journal of the Science of Food and Agriculture, vol. 74, n° 3, juillet 1997, p. 281-293.
Voir Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, « Le Label rouge, signe de qualité supérieure », agriculture. gouv.fr, 14 août 2019.
Voir, par exemple, Léon Guéguen et Gérard Pascal, « Le point sur la valeur nutritionnelle et sanitaire des aliments bio », Cahiers de nutrition et de diététique, vol. 45, n° 3, juin 2010, p. 130-143, et Léon Guéguen, Devrions-nous manger bio ?, op. cit.
Périco Légasse, « Scandale des tomates sous serre : ils ont décidé de tuer le bio » (en accès réservé), marianne.net, 16 juin 2019.
Voir Catherine Regnault-Roger, Des plantes biotech au service de la santé du végétal et de l’environnement, Fondation pour l’innovation politique, janvier 2020, et Id., Des outils de modification du génome au service de la santé humaine et animale, Fondation pour l’innovation politique, janvier 2020.
Frédéric Denhez, art. cit., p. 13.
Le label AB ne donne aucune garantie sur le goût ou la qualité des produits bio. Ceux-ci ne font pas partie du cahier des charges du label. Pourtant, pour 51% des consommateurs, la qualité et le goût sont des critères de choix pour la consommation de produits bio (voir graphique 1). Cependant, dans les différents tests à l’aveugle réalisés, aucun consommateur ou dégustateur professionnel n’est capable de déceler des différences de goût entre un produit bio et un produit non bio. Les différences pour les fruits et légumes, par exemple, proviennent d’autres facteurs : la variété, les pratiques agricoles, la cueillette à maturité ou encore la proximité. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a ainsi résumé ses conclusions sur ce point : « De nombreuses analyses sensorielles ont été réalisées pour étudier les différences d’un point de vue organoleptique entre les produits “bio” et les autres, et, dans l’ensemble, les résultats indiquent qu’il n’y a guère de différence entre les deux types de produit 59. » Déjà, par le passé, des études étaient venues confirmer qu’il n’existait pas de différences organoleptiques entre les produits bio et les produits conventionnels 60. Ainsi, les produits bio ne sont pas meilleurs au goût, même s’ils sont perçus comme tels par certains consommateurs pour diverses raisons : image, lieu d’achat ou conditionnement par exemple. Pour avoir une garantie sur le goût, le consommateur doit plutôt faire confiance au Label rouge 61.
Par ailleurs, les consommateurs avancent parfois que les productions bio auraient des bénéfices nutritionnels et qu’elles contiendraient notamment plus de minéraux, plus d’oligoéléments et plus de vitamines. Mais, comme le démontrent certaines études, ces différences ne sont pas significatives 62. En fait, les produits bio ne sont pas meilleurs pour la santé que les produits issus de l’agriculture conventionnelle. Périco Légasse, critique gastronomique réputé, déclare ainsi : « L’objectif du bio n’a jamais été d’améliorer la qualité des aliments sur le plan nutritionnel ou organoleptique 63. » En revanche, les progrès de la génétique permettent maintenant d’envisager d’améliorer les plantes sur le plan nutritionnel 64, mais les plantes biofortifiées (des variétés de plantes enrichies en micronutriments, essentiellement fer, zinc ou provitamine A) ne profiteront cependant pas à l’agriculture biologique qui les refuse par principe.
Au total, le bilan bénéfices/risques laisse apparaître que les promesses du bio ne sont nullement justifiées par les analyses scientifiques. La confiance des consommateurs dans le bio repose le plus souvent sur des fantasmes. Comme le résume l’ingénieur écologue Frédéric Denhez : « Nos concitoyens plaquent sur le bio tout ce qu’ils pensent ne plus retrouver dans l’agriculture conventionnelle : le fait de sauver la planète, de se prémunir du cancer, de payer mieux les paysans, etc. Or le cahier des charges du bio ne prétend être ni agronomique, ni socialement équitable. Il n’est en effet restrictif que sur les intrants de synthèse utilisés. Ce malentendu peut déboucher sur la déception 65. » Une prise de conscience des consommateurs du manque de contenu derrière ces promesses peut en effet être un facteur important de fragilisation pour l’image du bio.
Un nouveau contexte concurrentiel : la troisième voie
Voir FNSEA, « Le contrat de solutions, une trajectoire de progrès pour la protection des plantes », fnsea.fr, 13 septembre 2018.
Sous la pression de l’opinion publique et des pouvoirs publics et pour répondre aux campagnes de dénigrement dont elle est victime, l’agriculture conventionnelle a dû réagir. D’une part, la nécessaire conformité à une législation européenne et française de plus en plus contraignante sur le plan environnemental l’a fait progresser. D’autre part, les agriculteurs ont compris tout l’intérêt de s’engager dans des pratiques agro-écologiques qui permettent de limiter l’usage des produits chimiques pour répondre aux nouvelles attentes sociétales.
Entre les modes de production de l’agriculture conventionnelle et de l’agriculture bio émerge aujourd’hui une troisième voie, avec diverses versions, dont l’objectif est de s’inscrire dans un modèle agricole hybride entre une agriculture productive mais raisonnée et une agriculture « écologiquement intensive » qui utiliserait en même temps les bonnes pratiques de l’agroécologie et de la conservation des sols, les produits de biocontrôle, l’agriculture de précision et les avancées scientifiques majeures de l’agriculture productive, en particulier au niveau de la génétique et du numérique.
Les deux activités agricoles les plus utilisatrices de produits chimiques, la production de fruits et légumes et la viticulture, ont été les premiers à initier cette troisième voie entre le bio et le conventionnel classique. Plus récemment, les producteurs de grande culture (blé, maïs…) se sont également engagés dans ce nouveau modèle qui se décline selon différents engagements. Ainsi, au travers d’un « contrat de solutions », quarante partenaires du secteur agricole réunis autour de la FNSEA ont décidé de suivre une trajectoire de progrès pour la protection des plantes 66. Ce contrat porte sur l’ensemble des leviers qui permettront de réduire l’utilisation et l’impact des produits phytosanitaires. Bien d’autres initiatives ont émergé depuis quelques années.
Une promesse de résultat : zéro résidu de pesticides détecté
Voir « Pesticides : ces labels trompeurs », greenpeace.fr, tribune publiée le 12 mars 2018.
Une démarche « Zéro résidu de pesticides » (ZRP), rassurante pour les consommateurs, est portée par un collectif de 52 producteurs et il produit 46 espèces de fruits et légumes frais sous le label « Nouveaux Champs ». Alors que les agriculteurs en culture biologique ont une obligation de moyens, les producteurs ZRP ont une obligation de résultat : pas de résidu de pesticides dans le produit.
On retrouve cette démarche en Bretagne où, en février 2018, le groupe Saveol s’est allié avec Solarenn et Prince de Bretagne pour des produits sans résidu de pesticides. Le géant mondial du légume en conserve, Bonduelle, a quant à lui lancé trois variétés de salades en sachet et une de maïs en conserve sans résidu. Les premiers résultats de vente des produits ZRP sont prometteurs. L’objectif de ces démarches est bien de valoriser ces nouvelles pratiques, les prix de vente des produits ZRP étant situés entre le prix du conventionnel et le prix de l’agriculture biologique.
Ces initiatives sont accueillies plutôt froidement par les ONG, comme Greenpeace par exemple, qui accuse le label ZRP d’être trompeur 67. Il n’en demeure pas moins que cette démarche est susceptible de mettre en cause le monopole du bio sur le discours du non-chimique.
Une promesse de moyens : zéro traitement avec des pesticides
Armand Chauvel, « Made in France alimentaire : Sous le Pommier ne badine pas avec les traitements » (en accès réservé), lsa-conso-fr, 11 décembre 2019.
On retrouve cette « troisième voie » dans l’engagement que prennent certains agriculteurs d’éliminer les pesticides de leurs processus de production. C’est le cas de l’association de producteurs Demain la Terre, pour des productions fruitières et légumières sans traitement avec des pesticides de synthèse et vendus sans résidu de pesticides détecté. On peut également citer l’initiative « Sous le pommier », issue de la coopérative Les Celliers, qui a créé la première filière française de pommes à jus bannissant tout pesticide, démarche certifiée par Bureau Veritas. Cette proposition est séduisante. Une étude de 2018 de TMO Marketing montre en effet que, « sur 1.000 Français acheteurs ou amateurs de jus de pomme, 44% sont attirés par l’allégation “pommes non traitées”, beaucoup plus que par le sans-pesticides (36%) ou le bio (14%) 68 ».
Les promesses de l’agro-écologie avec la certification « Haute valeur environnementale »
Voir Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, « Certification environnementale, mode d’emploi pour les exploitations », agriculture.gouv.fr, 22 janvier 2021.
Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, « Les chiffres clés de la Haute Valeur Environnementale (HVE) », agriculture.gouv.fr, 19 novembre 2020.
Ibid.
De plus en plus d’agriculteurs s’engagent dans une démarche agro-écologique qui va souvent plus loin que la démarche de l’agriculture biologique sur le plan de la préservation de l’environnement. Certains producteurs diminuent leur utilisation de pesticides mais aussi diversifient leurs cultures, mettent en place des infrastructures écologiques (haies, prairies, mares…), préservent la qualité des sols et développent la biodiversité. Il en est ainsi pour les agriculteurs qui s’engagent dans la certification « Haute valeur environnementale » (HVE), le niveau le plus élevé de la certification environnementale (niveau 3), de plus en plus reconnue sur le plan professionnel mais encore ignorée des consommateurs 69. Il s’agit d’une démarche volontaire, avec des indicateurs relatifs à quatre thématiques environnementales : biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation et gestion des ressources en eau. Au 1er juillet 2020, 8.218 exploitations agricoles, couvrant 1,35% de la surface agricole utile (SAU) française, étaient certifiées HVE, au niveau 3, toutes filières confondues (contre 5 399 au 1er janvier 2020, soit une hausse de 52%) 70. Les filières végétales comptant le plus d’exploitations certifiées HVE étaient la viticulture (6.699 exploitations), l’arboriculture (644), les grandes cultures (411) et le maraîchage (340) 71.
Cette certification est certainement appelée à se développer. Le 13 novembre 2019, l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) a présenté son plan stratégique prévoyant, entre autres, quelque 10.000 exploitations certifiées HVE (niveau 3 de la certification environnementale) en 2025, tandis que l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) a défini un cahier des charges grandes cultures qui repose sur la démarche HVE et qui doit servir de socle commun aux différents labels et normes déjà existants (Lu’Harmony, CRC, McDonald’s). Une trentaine de coopératives ont une certification environnementale au niveau 2.
Le logo HVE
Source : agriculture.gouv.fr.
Cité in Catherine Gerbod, « La haute valeur environnementale en quête de notoriété », reussir.fr, 2 avril 2019.
Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, « Les chiffres clés de la Haute Valeur Environnementale (HVE) », art. cit.
Dans le secteur viticole, la démarche HVE est en plein essor, dans le Bordelais comme en Champagne. Le syndicat de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) Corbières s’est aussi engagé à ce que l’ensemble du vignoble sous appellation soit sous certification environnementale, mais pas forcément bio. L’association de protection de la biodiversité Noé est à l’initiative d’une pétition qui demande aux grandes marques agroalimentaires de s’engager dans la transition agro-écologique, avec des objectifs ambitieux de volumes de produits issus d’exploitations bio ou certifiées HVE. Côté distribution, le groupe E.Leclerc a annoncé son intention d’approvisionner ses marques propres de fruits et légumes en produits issus d’exploitations certifiées HVE.
Didier Livio, associé au cabinet Deloitte Développement durable, constate ainsi que la HVE entre désormais dans la stratégie de développement des grands acteurs de l’agroalimentaire et va devenir le grand signe de la qualité environnementale, à côté du bio, constat qui le pousse à affirmer que la HVE est « à l’aube de la massification », prédisant qu’« à horizon cinq à dix ans, la HVE prendra 50 à 55% du marché 72 ». Le gouvernement a d’ailleurs fixé des objectifs ambitieux dans son plan biodiversité, avec 15.000 exploitations certifiées de HVE en 2022 et 50.000 en 2030 73.
Les nouvelles biotechnologies au service de la transition écologique
Voir Catherine Regnault-Roger, Des plantes…, op. cit.
Cité in « Examen du projet de rapport présenté par M. Jean-Yves Le Déaut, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, sur “Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche” », Comptes rendus de l’OPECST, senat.fr, 28 mars 2017.
L’agriculture conventionnelle dispose encore de marges de progression importantes pour améliorer ses performances environnementales grâce aux avancées de la génétique issues des biotechnologies de précision. Les agriculteurs pourront cultiver des plantes « plus vertes », c’est-à-dire conçues pour être génétiquement résistantes aux insectes, aux virus, aux maladies mais aussi au stress hydrique 74. Les agriculteurs pourront ainsi utiliser moins de produits chimiques (naturels ou de synthèse) pour protéger leurs cultures. La génétique fait pleinement partie des solutions agro-écologiques pour produire de façon plus économe en intrants. Comme le souligne l’agronome Michel Griffon, « les nouvelles biotechnologies végétales offrent des opportunités très intéressantes pour consolider une agriculture ancrée dans une vision écologique de la production végétale 75 ».
Grâce à l’utilisation des biotechnologies de précision, les performances environnementales de l’agriculture conventionnelle devraient donc encore s’améliorer à l’avenir. Ce scénario est déjà en route avec, par exemple, la création au Royaume-Uni d’une pomme de terre génétiquement modifiée résistante au mildiou. Celle-ci permet de lutter contre cette maladie destructrice des cultures, en supprimant de nombreux traitements chimiques à base de cuivre, dont on connaît les effets néfastes pour la qualité des sols et la biodiversité. Le paradoxe est que les agriculteurs bio s’interdisant ces nouvelles semences devront continuer à traiter leurs pommes de terre avec du cuivre. La Chine, de son côté, a récemment créé un blé résistant génétiquement à l’oïdium, un champignon néfaste pour le rendement à la culture.
Agence Bio-Spirit Insight, Édition 2020 du baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France, janvier 2020, p. 11.
L’Europe ne dispose pas de la réglementation lui permettant de concevoir et de cultiver de telles semences avec ces nouvelles technologies. On peut en partie voir dans l’opposition des acteurs du bio au développement des plantes génétiquement modifiées une crainte que celles-ci viennent concurrencer les productions bio sur le plan des bénéfices environnementaux. Le lobby du bio soutient, notamment financièrement, les initiatives des associations dont le but est de faire interdire l’utilisation des biotechnologies en France et, de façon plus générale, en Europe. Ces nouvelles techniques pourraient pourtant largement bénéficier à l’agriculture biologique. Elles leur permettraient d’améliorer leurs performances non seulement écologiques, en supprimant de nombreux traitements réalisés avec les pesticides d’origine naturelle, mais également économiques, car seule une rupture technologique comme celle issue des biotechnologies pourrait améliorer de façon importante les rendements des cultures bio, condition nécessaire pour diminuer leurs coûts de production et donc réduire leurs prix de vente, soit le frein le plus important à l’achat du bio par les consommateurs. En définitive, ceux qui militent pour le tout bio devraient aussi militer en faveur de l’utilisation des biotechnologies, car le tout bio se heurte avant tout au mur des faibles rendements.
De plus, en l’absence de l’utilisation des biotechnologies de précision, dont l’une des vertus est l’accélération du processus de sélection, l’agriculture bio risque de perdre un temps précieux pour la création de variétés adaptées aux changements climatiques. Le bio, avec l’aide des biotechnologies, permettrait à l’agriculture française de faire un bond en avant très positif pour l’environnement et pour les consommateurs.
Ainsi, l’agriculture biologique ne représente plus le seul modèle agricole engagé dans la préservation de l’environnement mais se retrouve challengée par de nombreuses initiatives. Après une phase de forte croissance entre 2011 et 2017 (de 40 à 73%), la part de Français déclarant avoir consommé des produits bio semble désormais se stabiliser (71% en 2018 et en 2019) 76. Cette stagnation pourrait indiquer un début de doute sur les vertus de l’agriculture biologique. Au-delà du bio, la véritable attente des Français semble porter sur l’absence de risques des produits alimentaires pour la santé et la naturalité des produits, ce qui donne toutes les chances à ses concurrents.
L’attraction du local
« Les Français et la consommation en circuit local », sondage Ipsos pour E.Leclerc, octobre 2019, p. 9.
Alice Tétaz, « 63% des Français se disent prêts à consommer le plus de produits locaux possibles pour soutenir l’économie », ipsos.com, 8 juin 2020.
Ibid.
François Dartout, « La crise actuelle : un déclic pour la grande distribution ? », lsa-conso.fr, 7 mai 2020.
Cité in Véronique Yvernault, « Le local prend son essor », lsa-conso.fr, 10 avril 2019.
Pour beaucoup renforcé par la crise du Covid-19, le « consommer local » gagne du terrain auprès des Français. Déjà, en novembre 2019, 82% des consommateurs français disaient privilégier l’achat de produits d’origine française et 77% l’achat de produits proposés par des producteurs locaux 77. En avril 2020, selon une étude menée pendant le premier confinement, 45% des Français indiquaient consommer plus que d’habitude des produits d’origine France et 37% déclaraient se tourner davantage qu’auparavant vers des produits issus de circuits courts 78. Une majorité de Français disaient également vouloir continuer à faire attention, une fois la pandémie passée, aux critères suivants concernant leur alimentation en premier, l’origine (54%) puis les qualités nutritionnelles (52%) et la traçabilité (50%) 79.
Au-delà des nécessités liées aux confinements, la crise a soulevé de nouvelles questions sur nos manières de consommer, ce qui amène François Dartout, consultant chez Square, à faire l’hypothèse que « cette crise pourrait accélérer ou même achever la transformation de l’offre des acteurs traditionnels. Après la révolution du bio et du local pourrait venir celle de l’ultra-local, remettant ainsi en avant les petites villes et les campagnes 80 ».
Selon une étude parue en 2019, les produits locaux seraient d’ailleurs plus appréciés que les produits bio sur plusieurs critères : traçabilité, goût, fiabilité et qualité (voir graphique 4). Concernant les labels, ceux qui indiquent une fabrication en France (« Origine France garantie », par exemple) sont considérés comme incitatifs à l’achat pour 86% des consommateurs les connaissant, contre 79% pour le Label rouge et 62% pour le logo AB 81. En achetant des produits locaux, les consommateurs se rassurent sur l’origine des produits perçus comme plus fiables et plus appétissants. Acheter local, c’est aussi soutenir les petits producteurs, l’économie locale et créer du lien entre les gens. Reste à définir la notion très relative de proximité, qui varie selon les individus et les pays.
Graphique 4 : Les produits locaux davantage affiliés que le bio aux critères de traçabilité, de goût, de fiabilité et qualité (en %)
Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – mars 2021
Source :
Fondation pour l’innovation politique et Florence Bray, « Local : zoom sur la perception et les attentes des Français » (en accès réservé), lsa-conso.fr, 3 juin 2019 .
Cet engouement pour le local n’est certainement pas une très bonne nouvelle pour les filières bio engagées dans une démarche rigoureusement inverse du fait du changement d’échelle du marché. Le goût pour le local ne représente pas tant pour l’agriculture biologique un risque de perdre une part de marché importante que celui de subir une détérioration de son image pour le moment très idéalisée. Ainsi, on assiste à un bouleversement complet de l’univers concurrentiel du bio qui pourrait ne pas avoir été encore pleinement intégré par les acteurs concernés.
La montée en puissance des filières industrielles du bio
Voir Yves Le Morvan, La Résilience des filières biologiques, rapport AgriDées, mars 2018.
Frédéric Denhez, Acheter bio ? À qui faire confiance ?, Albin Michel, 2019, p. 84.
Voir Ambroise Marigot et Adrien Manchon, L’Industrie bio française, Presse des Mines, 2019.
Voir Nielsen FMCG and Retail, art. cit.
Le marché du bio n’est plus ce qu’il était il y a vingt ans. En grandissant, en s’élargissant, en se démocratisant, en s’internationalisant, il est devenu un marché comme les autres, avec des filières de mieux en mieux organisées, ce qui ne veut pas dire sans faiblesses 82. Les acteurs du marché du bio ont changé et la manne du bio a attiré de nouveaux profils d’entrepreneurs, voire la haute finance.
Les agriculteurs historiques, ceux qui avaient une vision plutôt idéologique de l’agriculture biologique, sont devenus minoritaires. Si les producteurs ont suivi plutôt tardivement le développement du marché du bio, c’est pour partie parce que beaucoup ne partageaient pas cette idéologie qui portait le marché. Aujourd’hui, ceux qui choisissent de se convertir au bio sont le plus souvent des chefs d’entreprise qui espèrent accroître leurs revenus. La taille de leur exploitation est en moyenne plus importante que celle des agriculteurs bio traditionnels. Ils sont les fournisseurs privilégiés des circuits longs et se regroupent souvent en coopératives. Le monde de la production en agriculture biologique est donc bien fracturé en deux : les « anciens », restés attachés aux valeurs traditionnelles du bio, en voie de marginalisation, et les « modernes », les « néoconvertis », qui abordent ce marché avec l’esprit d’entreprise.
Les industriels de la transformation en bio sont le plus souvent des petites ou moyennes entreprises (PME) familiales très proches des producteurs au niveau de l’idéologie, mais elles sont fragilisées par l’arrivée en force des grandes entreprises agroalimentaires sur le marché du bio. Selon Frédéric Denhez, « ces entreprises sont en fait fragilisées par ce qui a fait longtemps leur solidité : leur militantisme. On ne se préoccupe pas trop d’argent quand on est défenseur de la planète 83 ». Ces entreprises sont sous-dimensionnées par rapport à l’évolution du marché. Faute d’avoir anticipé les conséquences de la transformation du marché du bio en un marché de masse, elles se trouvent souvent en situation de sous-capitalisation 84. Pour survivre dans ce nouveau contexte concurrentiel, elles doivent ouvrir leur capital aux grands groupes de l’agroalimentaire, qui peuvent ainsi rattraper le temps perdu en achetant clé en main un outil industriel, un savoir-faire, une marque et un réseau de producteurs. Tous les grands groupes agroalimentaires (Danone, PepsiCo, Tropicana, Lavazza, Mousline ou encore Fleury Michon) se positionnent maintenant sur le marché du bio. Les marques nationales assurent à elles seules 70% de la progression du marché depuis quatre ans, faisant d’elles le réel moteur de la croissance du bio, aux côtés des marques de distributeur 85.
Voir « OGM : quand la grande distribution finance une étude choc », nouvelobs.com, 18 septembre 2012. Lire également, au sujet de cette affaire, Marcel Kuntz, L’Affaire Séralini : l’impasse d’une science militante, Fondation pour l’innovation politique, juin 2019.
Alex Aget, « Les loups cachés du boum du bio », Up-Magazine.info, 11 juin 2019.
La dynamique de l’offre constitue le réel moteur du développement du marché du bio. En annonçant, en novembre 2020, leur projet de devenir un nouvel acteur majeur européen sur ce marché du bio et du durable, Xavier Niel, fondateur de Free, et le financier Mathieu Pigasse, associés dans l’entreprise 2MX Organic, font déjà figures de symboles de ce changement de paradigme auquel sont confrontés tous les acteurs du bio.
Les distributeurs spécialisés en bio doivent subir une concurrence de plus en plus vive de la part des grands groupes de distribution, aux moyens financiers considérables et en mesure de créer en quelques années des centaines de nouveaux points de vente ou de racheter n’importe quelle chaîne de magasins spécialisés en bio. Ainsi, Monoprix a racheté le réseau de distribution Naturalia, Intermarché est entré au capital des Comptoirs de la bio, Carrefour est devenu le numéro un français du marché du bio… À noter, d’ailleurs, que Carrefour faisait partie des groupes de grande distribution qui ont financé pendant un certain temps les études de Gilles-Éric Séralini destinées à bannir les OGM 86, au moment même où le groupe lançait des produits sans OGM sur le marché. Les petits commerces indépendants – le premier point de vente spécialisé en bio s’est implanté en France en 1950 – sont les grands perdants de cette course à la part de marché menée tambour battant par la grande distribution.
Finalement, les règles qui régissent les marchés alimentaires de grande consommation deviennent celles des marchés du bio. On est passé d’un marché artisanal à un marché industriel, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’image de la filière. Selon les nostalgiques du bio d’antan, celui-ci aurait même perdu son âme : « Le bio des origines, celui des produits cultivés par des agriculteurs sur des petites parcelles, dans le respect scrupuleux des règles environnementales, de la préservation des sols et de la qualité de l’alimentation, ce bio-là est progressivement submergé dans les étals des rayons offerts aux consommateurs par le bio industriel, celui né des appétits des géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution. Un autre bio pas si beau que cela », selon le journaliste Alexandre Aget 87. Cette industrialisation et cette perte de sens laissent présager une certaine banalisation du bio nuisible au maintien d’un niveau de prix aussi élevé, facteur d’attractivité essentiel pour tous les acteurs de ces filières.
La banalisation du label bio en marche ?
Voir Patrick Saint-Paul, « Une ferme “bio” à l’origine de l’épidémie de bactérie tueuse », lefigaro.fr, 10 juin 2011.
Voir Mooréa Lahalle, « Scandale sanitaire : des millions d’oeufs retirés de la vente aux Pays-Bas et en Allemagne », francebleu.fr, 4 août 2017.
Voir Marc Gozlan, « Du risque d’intoxication après ingestion de Datura, “l’herbe du diable” », lemonde.fr, 15 mars 2019 ; Sibylle Aoudjhane, « “L’herbe du diable” retrouvée dans de la farine de sarrasin bio », bfmtv.com, 4 novembre 2019.
Assurément les labels bio (AB pour la France et Eurofeuille pour l’Union européenne) ne devraient pas être considérés comme des labels de santé ou de qualité organoleptique ou nutritionnelle (ce qu’ils n’ont jamais été sur le plan juridique), mais avant tout comme des labels écologiques. Or les produits utilisant le label AB vont être de plus en plus challengés par les nouveaux concurrents de la troisième voie. Les prix très élevés des aliments bio pourraient inciter les consommateurs à regarder du côté des produits issus de cet autre modèle, dont les performances sont tout aussi bonnes pour leur santé et dont les impacts sont équivalents, voire meilleurs, pour l’environnement.
De plus, l’image de l’agriculture biologique pourrait être sérieusement remise en cause si un grave accident sanitaire survenait à nouveau, à l’image de celui des graines germées bio qui ont fait une trentaine de morts en Allemagne en 2011 et intoxiqué plusieurs milliers de victimes en Europe 88. On se souvient aussi de la découverte, en 2017, de l’utilisation massive d’un insecticide pour aseptiser des élevages destinés à la production d’oeufs bio aux Pays-Bas 89 ou, à plusieurs reprises, en 2019, de la présence de Datura, un type de plante très dangereux pour la santé, dans de la farine de sarrasin bio 90.
Dans ce nouveau contexte concurrentiel, le label AB risque de perdre ses spécificités par rapport à d’autres démarches écoresponsables qui s’inscrivent, comme le bio, dans le courant de l’agro-écologie mais avec une grande différence : les agriculteurs en agriculture biologique ont simplement une obligation de moyens, celle de ne pas utiliser des pesticides et des engrais de synthèse. Toutefois, on ne contrôle pas les résultats sur leurs productions pour vérifier que leurs promesses sont bien concrétisées, tandis que les agriculteurs qui s’engagent dans la troisième voie le font non seulement sur des moyens mais surtout sur des résultats mesurables. En d’autres termes, le label AB risque de perdre une partie de son attrait du fait de cette banalisation rampante.
Les conséquences d’une banalisation du label AB
Voir Amaury Beautru, « Le bio, en réalité 75 % plus cher », linéaires.com, 5 mai 2020.
Agence Bio, « La consommation bio en hausse en 2019… », art. cit., p. 15.
Cité in Michèle Trévoux, « Les vins bio surfent sur la mouvance du “sain” et du “sans” », vitisphere.com, 28 mai 2019.
En misant sur le seul label AB fragilisé par une perte de différenciation par rapport à ses nouveaux concurrents, il sera difficile de maintenir un niveau de prix aussi élevé pour les produits bio que celui que l’on connaît aujourd’hui. Comment justifier de tels écarts de prix entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle alors que, selon le rapport de l’EFSA, 58% des produits issus de l’agriculture conventionnelle sont déjà sans résidu de pesticides détectables ? Les consommateurs accepteront-ils longtemps de payer de 20 à 100% plus cher 91 des produits bio dont ils ne peuvent avoir de garanties sur les promesses puisque les producteurs ont uniquement une obligation de moyens ? La banalisation rendra inévitable une plus grande internationalisation du marché du bio, ce qui se traduira par plus d’importations de produits bio en provenance de pays où le coût de la main-d’oeuvre est plus compétitif que le nôtre. Nous sommes déjà entrés dans ce type de structure puisque, selon l’Agence Bio, en 2019, 33,1% des productions bio étaient importées 92.
Selon Benoît Soury, directeur marché bio du groupe Carrefour, leader de la distribution du bio en France : « Pour justifier du delta de prix entre bio et conventionnel, il faut plus de transparence. Il faut évoluer d’une obligation de moyens, vers un discours par la preuve 93. »
Doit-on envisager un nouveau label AB français plus exigeant que le label européen actuel ?
Certains acteurs du bio ont déjà anticipé les risques de cette banalisation. Ils sont allés au-delà de la réglementation du label AB pour « monter en gamme » et ont créé leur propre marque pour valoriser cette démarche. C’est le cas par exemple de Bio Cohérence, de Demeter ou encore de Nature et Progrès. Ces marques se différencient en enrichissant leur positionnement bio avec des valeurs sociétales, des engagements dans le commerce équitable, des normes plus sévères au niveau de la production et des limitations de taille de l’exploitation. Notons aussi l’initiative de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) qui teste sa démarche « Bio-Français-Équitable » avec la chaîne de produits surgelés Picard.
Toutes ces initiatives afin d’éviter la banalisation du label bio sont des pistes intéressantes car elles donnent tout leur sens à une politique de marque créatrice de valeurs. C’est en quelque sorte du « bio augmenté », selon l’expression utilisée par Xavier Terlet, directeur général de l’agence Protéines XTC. Commercialiser des produits haut de gamme bien identifiés, c’est leur manière à eux d’échapper aux effets néfastes de l’industrialisation du bio sur leur image de marque.
Pour ceux qui ne s’engageraient pas dans cette politique de différenciation, une banalisation des produits simplement bio se traduira logiquement par une lutte intensifiée sur les prix. C’est pourquoi certains voudraient créer un nouveau label français plus exigeant que le label européen actuel sur la philosophie du bio. Cela pourrait cependant entrer en contradiction avec la volonté gouvernementale de développer la production de bio en France dans le cadre de la transition écologique. De plus, créer un label « AB plus » reviendrait à surtransposer les directives communautaires, ce qui est souvent reproché à l’administration française. Il conviendrait alors de s’assurer davantage du respect du label AB actuel par ceux qui l’utilisent et de laisser les acteurs de la filière faire leur travail de marketing.
Les prix élevés sont-ils tenables sur le long terme ?
Selon une enquête récemment publiée, les prix des produits bio sont en moyenne supérieurs de 75% à ceux des autres produits, et non de 30% comme on l’entend souvent 94. Si cette différence de prix constitue le frein le plus important à l’achat de produits en agriculture biologique de la part des consommateurs, ce sont aussi ces prix élevés qui encouragent les producteurs à se convertir au bio. On peut alors s’interroger sur la durabilité de ces prix élevés.
Comme le soulignait déjà en 2001 l’ingénieur agronome Marc Dufumier : « L’agriculture bio est plus chère aujourd’hui, en raison du caractère artisanal de la filière et de la trop grande dispersion des exploitations qui complique les circuits de collecte. Il faut chercher une taille critique pour les exploitations 95 ». L’agrandissement des exploitations en agriculture biologique et l’industrialisation de la filière bio en cours vont probablement permettre de diminuer un peu les coûts de production grâce aux économies d’échelle qui en résulteront, mais leur efficacité pour lever les freins à l’achat reste à prouver. Qui plus est, quelles en seront les conséquences pour le revenu des agriculteurs en bio ? Ces évolutions vers une économie du bio plus industrielle sont dénoncées aujourd’hui par les petits producteurs bio historiques qui craignent que cela se traduise effectivement par une baisse des prix qui diminuerait leurs revenus. Nos concurrents étrangers n’ont pourtant pas le même point de vue. On trouve en effet des exploitations de 1.000 hectares en bio en Allemagne, aux États-Unis ou en Ukraine.
Les coûts de production sont également plus élevés dans le bio du fait d’un plus grand besoin de main-d’oeuvre, notamment pour le désherbage mécanique et parce que les rendements à l’hectare sont plus faibles de 20 à 50% à cause de l’interdiction d’utiliser des pesticides et des engrais azotés de synthèse. Mais les producteurs en agriculture biologique risquent d’avoir de plus en plus de difficultés à répercuter leurs coûts de production sur les prix de vente car l’offre reste encore trop atomisée alors que la demande se concentre. Un contexte concurrentiel qui se durcit devrait plutôt tirer les prix du bio vers le bas, et donc le revenu des producteurs avec lui.
Antoine Marigot et Adrien Manchon, op. cit., p. 59.
Voir Arnaud Capon, « Production laitière biologique. Vers une progression de 52 % d’ici fin 2019 », web-agri.fr, 17 avril 2018.
Jusqu’à présent, la croissance de la production française de bio est restée inférieure à celle de la demande. Les producteurs de bio se sont ainsi retrouvés dans une situation favorable où ils ont pu imposer leurs prix. Combien de temps cette situation durera-t-elle, surtout en l’absence de régulation des conversions permettant de gérer l’offre de bio ? De plus, la grande distribution, qui s’est lancée dans la conquête de parts de marchés dont la guerre des prix sera le fer de lance, pourrait être tentée de faire appel beaucoup plus souvent aux importations pour approvisionner ses points de vente en bio. C’est déjà le cas des industries de l’agroalimentaire. En effet, ce risque est bien présent alors que la plupart des pays qui sont déjà nos concurrents sur l’agriculture conventionnelle développent ou se lancent dans le bio avec des coûts de main-d’oeuvre bien plus bas. La mondialisation du marché du bio est en cours, même si cela peut apparaître incohérent sur le plan environnemental, notamment à cause des émissions de CO2 dues au transport.
Il arrivera ainsi presque mécaniquement que le marché du bio sorte d’une situation où l’offre est inférieure à la demande pour aller vers une situation où cette offre deviendra excédentaire sur le marché français. Cela pourrait être le cas, dans un premier temps, pour les activités agricoles où les conversions sont plus faciles d’accès, comme la production laitière, les volailles ou la production d’oeufs, sans compter que les importations ne peuvent qu’être encouragées par la dynamique du marché et le manque de compétitivité de certains maillons de nos filières bio. Comme l’expliquent Antoine Marigot et Adrien Manchon, « faute de compétitivité les produits d’épicerie bio sont responsables de plus d’un milliard d’euros de déficit commercial 96 ». Le même constat pourrait être appliqué à une partie de la filière fruits et légumes bio. Le marché de la pomme bio, par exemple, a été fragilisé par le développement des conversions en vergers bio.
Un excédent de l’offre sur la demande bio pourrait aussi s’observer dans la production laitière. L’offre de lait bio en France est ainsi passée de 600 millions de litres en 2016 à 1 milliard de litres en 2019 97, et on commence à trouver du lait bio vendu moins cher que du lait conventionnel.
Perspectives
Voir Nielsen FMCG and Retail, art. cit.
Avec toutes les mutations des filières bio, on assiste à un véritable changement de paradigme. Le marché du bio a encore de belles marges de progression possibles devant lui s’il arrive à conserver ses spécificités, mais le bio restera consommé par une partie seulement des ménages du fait de ses prix élevés. À l’avenir, la part des achats de bio dans la consommation alimentaire effectués dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) pourrait s’élever à 11% en France (contre 4,8% actuellement), chiffre que nous pouvons étendre aux achats effectués dans les autres circuits 98. Il faut ici souligner que les pays de l’Union européenne où la part de marché du bio est la plus élevée, comme le Danemark (10%), la Suède (9%) et l’Autriche (8%), sont des précurseurs sur le marché et que notre modèle alimentaire est bien différent de celui de ces trois pays.
Le cas autrichien est-il prémonitoire ? L’Autriche est un des pays pionniers en Europe sur le marché du bio. Le bio y a pris une place essentielle : 23% de la surface agricole est consacrée à l’agriculture bio et 9% du budget alimentaire sont dépensés en produits bio. Selon Olivier Masbou*, « on constate cependant que la production de produits bio augmente beaucoup plus vite que la consommation. Les prix sont sous pression, car beaucoup de producteurs se sont reconvertis au bio ces dernières années et cette production supplémentaire arrive sur les marchés. Depuis 2010, les surfaces en bio en Autriche ont augmenté de 146% pour atteindre 267.477 hectares (soit + 157.432 hectares, dont presque 30.000 hectares supplémentaires en un an). L’Allemagne, un des principaux pays importateurs de produits bio autrichiens, a également développé sa production, et les chaînes de distribution privilégient désormais les produits régionaux à la place du bio. Dans la production laitière autrichienne, l’âge d’or du bio se termine. De plus en plus de laiteries autrichiennes refusent d’accepter de nouveaux livreurs bio et tentent ainsi de maintenir les prix. La part du lait bio dans la production laitière totale du pays est de 19%, et cette production a augmenté l’année dernière de 10%. En céréales bio, le prix a chuté de 28 à 30% en deux ans et la marchandise bio a atterri sur le marché mondial ou a été vendue en conventionnel ». * Olivier Masbou, « Les bios autrichiens surchargent leurs marchés », leblognotesdoliviermasbou.com, 2 juillet 2019. |
Yves Le Morvan, op. cit., p. 20.
Dans cette hypothèse, l’objectif du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation de convertir 15 % de la surface agricole française en surfaces consacrées à l’agriculture biologique (équivalent à 20 % de la production en valeur) d’ici à 2022 ne paraît pas atteignable dans un temps aussi court. Encore faudra-t-il trouver des débouchés correspondants à cette production bio supplémentaire. Suffira-t-il de compter sur l’augmentation des achats de la part des consommateurs aisés qui constituent le coeur de cible du marché du bio ou faudra-t-il élargir le marché à une clientèle au pouvoir d’achat plus modeste alors qu’une crise sociale est annoncée ? De plus, les bouleversements que vivent la restauration et le tourisme vont peser également sur les filières du bio. Quels seront les effets de la crise sanitaire que nous vivons sur le pouvoir d’achat des Français, y compris des plus aisés d’entre eux, et donc sur l’élargissement de la demande de produits bio ?
Ayons à l’esprit que le temps d’éclatement d’une bulle de marché est court et que le temps dont ont besoin les producteurs pour s’en sortir est beaucoup plus long. Il serait sans doute opportun de fixer, culture par culture, des indicateurs d’alerte permettant d’anticiper une crise due à un excès de production bio par rapport à une demande qui serait très négative pour le revenu des producteurs, certainement les premiers touchés dans ce type de situation.
Le marché du bio a fourni de nouvelles opportunités de création de valeurs pour l’ensemble des acteurs de la filière. Il va se segmenter de plus en plus sous l’impulsion de la concurrence montante de la troisième voie. Le développement des productions en agriculture biologique par des filières très organisées et de plus en plus intégrées va certainement fragiliser, voire condamner, en amont des petites exploitations agricoles bio de type artisanal qui ne font pas ou ne peuvent pas faire de la vente directe. Ils vont donc se retrouver de plus en plus en concurrence avec les exploitations bio de type industriel.
De leur côté, les industries françaises de transformation de bio devront accélérer leur restructuration pour gagner en compétitivité et innover pour ne pas être mises hors-jeu par une concurrence étrangère de plus en plus agressive sous la pression de la grande distribution. Selon une étude récente, « la chaîne alimentaire bio ne gardera son équilibre et n’exprimera sa résilience qu’en renforçant financièrement un tissu d’entreprises, avec des bilans solides, innovantes et aptes à répondre à la pression de plus en plus forte de la grande distribution. Sinon, attention à la baisse des prix qui pourrait remettre en cause son modèle ! 99 »
Le rôle futur de l’État
Voir Agence Bio, « La consommation bio en hausse en 2019… », art. cit.
Face à cette transformation annoncée des filières bio, que doit faire l’État ? Cette explosion du marché a entraîné l’intervention d’un nombre croissant d’acteurs intervenant dans cette filière. L’Agence Bio dénombre cette diversité des modèles opérateurs engagés dans le bio à tous les stades de la filière (production, transformation, distribution) 100.
Voir Pauline Renoir, « 30 % de fraude au bio dans les Alpes-Maritimes », francebleu.fr, 12 septembre 2019.
Eddy Fougier, « Il faut des premiers prix français », La France agricole, n° 3809, 26 juillet 2019, p. 13.
1. Le premier rôle de l’État est de veiller à ce que tous ces acteurs respectent bien les règles du jeu. Compte tenu du niveau élevé des marges, les tentations de fraudes sont fortes pour tous les acteurs. Ainsi les autorités administratives, après une vingtaine de contrôles début 2019 sur les marchés, dans les restaurants et les grandes surfaces des Alpes-Maritimes, ont décelé que 30% des produits examinés (fruits, légumes ou encore huiles d’olive) ne respectaient pas les normes ou étaient des « faux bio » 101. Ce phénomène, s’il n’est évidemment pas généralisable à tout le territoire, fait planer une menace forte pour cette activité, car plus le marché du bio se développera et plus, statistiquement, il y aura de fraudes. L’État devrait s’engager plus vigoureusement dans les contrôles pour sauvegarder la crédibilité de ce secteur qui concerne de plus en plus d’agents économiques de notre pays.
2. Stimuler la consommation de produits bio, par exemple par des baisses de TVA, n’est pas une bonne idée, et ce d’autant plus que la demande est très dynamique. Cette mesure revendiquée par des acteurs du bio reviendrait à un sur-subventionnement du bio sur fonds publics. Cela créerait une distorsion de concurrence avec l’agriculture de la troisième voie, alors que celle-ci devrait elle aussi être encouragée puisqu’elle apporte des garanties environnementales complémentaires, sinon meilleures que celles de l’agriculture biologique, tout en vendant ses productions aux consommateurs à des prix beaucoup plus abordables.
En programmant 20% de produits bio dans la restauration collective d’ici à 2022, l’État crée un marché captif et fausse la concurrence. Il n’est jamais très sain de créer des rentes de situation : les consommateurs n’y gagneront pas grand-chose en termes de santé même avec cinq repas par semaine tout bio, ce qui est loin d’être le cas, alors même que cela entraînera un surcoût pour les établissements concernés, qu’il faudra compenser d’une manière ou d’une autre.
3. De manière générale, l’État n’a pas à encourager financièrement des productions de produits alimentaires qui se positionnent dans le haut de gamme comme le sont les produits bio, compte tenu du niveau de prix et des marges qui sont générées. Seules les aides accordées en phase de conversion de l’agriculture conventionnelle vers l’agriculture biologique sont économiquement justifiées puisqu’elles lèvent un frein à la conversion en permettant aux producteurs de compenser pendant cinq ans des surcoûts liés à cette transition (baisse de rendements des cultures en agriculture biologique et hausse des coûts de main-d’oeuvre) et alors que le producteur n’a pas le droit de vendre ses produits avec le label AB et donc au prix de l’agriculture biologique pendant cette période de conversion.
4. Lorsqu’un déséquilibre de marché apparaîtra sur telle ou telle filière du bio, l’État français, en encourageant autant le développement de l’agriculture bio, s’expose au risque de se voir considéré responsable par ceux qui en seront les victimes, c’est-à-dire les agriculteurs eux-mêmes.
5. Le rôle de l’État devrait se limiter à faciliter la transformation nécessaire de nos filières bio pour qu’elles deviennent leaders européens sur ces marchés haut de gamme, objectif cohérent avec l’image d’excellence agroalimentaire de notre pays. Pour cela, l’État devrait avant tout veiller à ne pas pénaliser notre agriculture bio par rapport à la concurrence étrangère, notamment en ne surtransposant pas la réglementation européenne, une tentation toujours très forte en France et qui coûte cher en termes de compétitivité.
6. L’État est ambitieux concernant l’avenir de l’agriculture bio en France. Il ne faudrait pas qu’il omette d’accompagner les agriculteurs tout autant engagés que les agriculteurs en bio dans la transformation écologique de notre agriculture, même s’ils ont choisi de se développer dans le cadre d’autres modèles agricoles. Il ne faut pas non plus ignorer l’agriculture compétitive car « nous avons aussi besoin de marchandise “tout venant” produite en France 102 » pour approvisionner le marché des premiers prix français.
Conclusion
L’agriculture et l’alimentation bio apparaissent aujourd’hui comme un véritable eldorado, une nouvelle poule aux oeufs d’or qui attire beaucoup de convoitises et qui fait émerger de nouveaux acteurs. Mais il faut rester lucide. Certes, il existe encore des marges de progression mais ce n’est pas sans limite. N’imaginons pas que l’agriculture française puisse se convertir un jour au 100% bio comme le souhaitent certains mouvements écologistes car se nourrir uniquement avec des produits bio coûtera toujours plus cher que se nourrir avec des produits issus de l’agriculture conventionnelle. Ainsi, si tous les agriculteurs français décidaient de se convertir à 100% à l’agriculture biologique, notre pays serait obligé d’importer massivement des produits agricoles issus de l’agriculture conventionnelle pour répondre à la demande des consommateurs qui ne désirent pas ou n’ont pas les moyens de payer leur alimentation bio plus de 50% plus cher. La France perdrait alors une grande partie de sa souveraineté alimentaire.
Lorsque apparaîtra un déséquilibre de marché sur une filière du bio, ce qui arrivera nécessairement un jour, et peut-être plus rapidement qu’on ne le pense, la responsabilité de l’État français sera nécessairement mise en cause par ceux qui en seront les premières victimes, c’est-à-dire les agriculteurs « reconvertis ».
En définitive, il n’y a pas un modèle unique d’agriculture qu’il faudrait préserver ou développer sur tout le territoire. L’agriculture française est plurielle, et c’est là une de ses richesses qu’il faut impérativement conserver pour que notre pays se positionne au mieux sur l’ensemble des marchés. C’est en même temps un facteur de stimulation pour progresser et un facteur de résilience à préserver. C’est cette diversité des modèles agricoles sur notre territoire qui nous permettra aussi de conserver la richesse de notre patrimoine alimentaire.
Artiste sur la couverture
La Fondation pour l’innovation politique remercie chaleureusement l’artiste Paulette Tavormina pour sa contribution à la publication de nos trois notes sur la thématique de l’agriculture et alimentation bio, dans le cadre d’une série sur les agritechnologies et biotechnologies.
Les arrangements de Paulette Tavormina rappellent les détails somptueux des natures mortes des maîtres du XVIIe siècle et servent d’interprétations personnelles d’histoires intemporelles et universelles. Avec une perspective picturale qui rappelle celles de Juan Sánchez Cotán et de Giovanna Garzoni, Paulette Tavormina crée des natures mortes mondaines.
Bénéficiaire d’une bourse de la Fondation Pollock-Krasner, son livre monographique Seizing Beauty a été publié par The Monacelli Press en 2016. On peut retrouver les photographies de Paulette Tavormina dans des musées et des collections particulières. Elle a également travaillé pour Sotheby’s et a collaboré au National Geographic et au New York Times. Elle était auparavant accessoiriste et styliste culinaire à Hollywood, où son savoir-faire a notamment été utilisé dans sept films.
Paulette Tavormina
Site Internet de l’artiste : www.paulettetavormina.com
Copyright :
Cabbage and Melon, After J.S.C. © Paulette Tavormina (2010)
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