Radiographie de l’antisémitisme en France - édition 2022
Introduction
Méthodologie
PREMIÈRE PARTIE – L’ANALYSE
L’antisémitisme, un phénomène perçu comme étant répandu et en augmentation
Les préjugés antisémites persistent au coeur de la société française
La population de confession musulmane est plus touchée par la diffusion des idées antisémites
Les Français juifs demeurent très exposés aux actes antisémites
Le port de signes distinctifs apparaît comme étant le principal facteur de risque associé à une agression antisémite
Le risque associé aux signes distinctifs est si connu qu’un tiers des Français de confession juive déclarent avoir déjà préféré éviter le port de tels signes pour leur sécurité
Les comportements de dissimulation atteignent leur paroxysme lors des tensions au Proche-Orient
Face aux violences antisémites, les Français approuvent la fermeté des réponses sécuritaires et s’accordent sur la nécessité d’améliorer la réponse judiciaire
Conclusion
SECONDE PARTIE – LES RÉSULTATS
L’antisémitisme : opinions et perceptions à l’égard du phénomène
La persistance des opinions antisémites dans la population française
L’antisémitisme au quotidien : état d’esprit des Français de confession ou de culture juive
Les actes antisémites : observation et victimation
Les comportements d’évitement, les stratégies de dissimulation
Fondation pour l’innovation politique :
Dominique REYNIÉ, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique
AJC :
Simone Rodan-Benzaquen, directrice AJC Europe
Anne-Sophie Sebban-Bécache, directrice AJC Paris
Fondation pour l’innovation politique :
Victor Delage, Anne Flambert, Katherine Hamilton,
Camille Jaffiol, Léo Major, Dominique Reynié, Mathilde Tchounikine
AJC :
Julie Decroix, directrice adjointe AJC Europe
Brigitte Guez, office manager AJC Paris
Objet H :
Harold Hauzy, président-fondateur Objet H
Fondation pour l’innovation politique :
Victor Delage
AJC :
Valérie Maupas, directrice de la communication AJC Paris
Francys Gramet, Claude Sadaj
Julien RÉMY
Frédéric Dabi, directeur général adjoint, directeur du pôle Opinion et Stratégies d’entreprise,
François Legrand, chef de groupe
François Legrand, Anne-Sophie Sebban-Bécache, Simone Rodan-Benzaquen, Dominique Reynié
GALAXY imprimeurs
Janvier 2022
Introduction
Voir notamment Rudy Reichstadt, « Pancarte « Mais qui ? » : « L’antisémitisme auquel nous sommes confrontés avance en oblique, il prend des détours » », propos recueillis par William Audureau, lemonde.fr, 10 août 2021.
Depuis les étoiles jaunes portées par des manifestants opposés au passe sanitaire jusqu’à l’usage par certains du pronom « qui » utilisé pour dénoncer la supposée mainmise des Juifs sur les principaux médias, sans oublier la notion de complot juif remis au goût du jour pour expliquer la pandémie du coronavirus, l’année 2021 a été marquée par la multiplication d’incidents antisémites. Si de tels faits sont venus rappeler la persistance des préjugés sur les Juifs au sein de la société française, l’histoire enseigne que l’antisémitisme prospère dans les périodes de crise. Ainsi, près de deux ans après le début de la crise sanitaire, il nous a semblé essentiel de réaliser une vaste étude pour dresser un diagnostic fin et dépassionné de ce phénomène.
Quel est le poids des préjugés à l’égard des Juifs dans la société française en 2021 ? La crise sanitaire s’accompagne-t-elle d’une poussée de l’antisémitisme dans l’opinion publique ? Quel regard portent les Français sur ce phénomène ? Dans quelle mesure les Français juifs s’inquiètent-ils des violences les visant ? Comment ces violences se déroulent-elles ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, nous avons construit un dispositif d’enquête exceptionnel. Exceptionnel par sa taille : nous avons conduit l’enquête parallèlement auprès de deux échantillons spécifiques – personnes de confession juive, personnes de confession musulmane – et auprès d’un échantillon global, représentatif de la population française dans son ensemble, ce dernier permettant de se pencher également sur d’autres sous-catégories de la population : les Français catholiques, les jeunes, des groupes de Français classés en fonction de leur zone géographique, de critères socio-économiques, d’affinités politiques ou encore en fonction de leurs sources privilégiées d’information. Exceptionnel également par la diversité des thématiques abordées : exposition et observations d’actes violents, opinions à l’égard d’Israël, de la Shoah, préjugés à l’égard des Juifs… autant de sujets clés à examiner pour tenter d’apporter de nouveaux éclairages sur l’antisémitisme1.
Méthodologie
Le biais de désirabilité sociale désigne la tendance qu’ont les répondants à sous-déclarer certaines opinions jugées contraires à la morale dominante.
LES PARTIS PRIS MÉTHODOLOGIQUES
• Une logique barométrique
L’étude Radiographie de l’antisémitisme en France, édition 2022 s’inscrit dans la continuité des travaux entrepris par l’American Jewish Committee (AJC) et la Fondation pour l’innovation politique, avec l’Ifop depuis 2014. La plupart des questions administrées en 2019 lors de la dernière édition ont été reconduites à l’identique, et ce afin d’identifier d’éventuelles évolutions dans les comportements et opinions exprimés.
• Une enquête miroir
Nous avons fait le choix d’administrer à l’identique un certain nombre de questions à un échantillon témoin de 1.509 personnes (représentatif de la population française dans son ensemble) et à un échantillon représentatif des personnes de confession ou de culture musulmane vivant en France (501 personnes). Les répondants de confession ou de culture juive (échantillon de 521 personnes) ont été interrogés au sujet de leur exposition à l’antisémitisme. En miroir, nous avons administré aux deux autres échantillons des questions portant sur l’observation d’actes antisémites. Les questions portant sur les préjugés à l’égard des Juifs, la perception d’Israël ou encore de la Shoah ont été posées aux échantillons représentatifs de la population française et des musulmans vivant en France. Afin de garantir la comparabilité entre les trois échantillons, nous avons veillé à ce que les enquêtes présentent les mêmes caractéristiques en termes de temporalité – elles ont été administrées en décembre 2021 –, d’indicateurs – les questions ont été administrées à l’identique – et selon le même mode de recueil – par Internet. Au regard du caractère sensible des thématiques abordées, la réalisation d’enquêtes « auto-administrées » en ligne nous a semblé tout à fait opportune afin d’atténuer un éventuel biais de désirabilité sociale2.
• La méthode d’échantillonnage retenue pour les minorités religieuses
Répondants de confession ou de culture juive :
En raison de l’interdit qui frappe la collecte de données « religieuses » en métropole (le dernier recensement officiel de la religion remonte à 1872), la statistique publique (Insee, INED) ne fournit pas la structure sociodémographique des personnes de confession juive. Dans ce cadre, l’Ifop a fait le choix d’isoler un sous-échantillon de 521 Français se déclarant de confession ou de culture juive à part du cumul d’échantillons nationaux représentatifs correspondant à un total de 34.800 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon cumulé a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération.
Répondants de confession ou de culture musulmane :
En raison de l’absence de données statistiques officielles permettant d’établir des variables de quotas et/ou de redressement pour les personnes de religion musulmane, l’Ifop a déterminé ces quotas à partir de l’étude Ifop-Institut Montaigne réalisée par téléphone du 13 avril au 23 mai 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 15.459 personnes âgées de 15 ans et plus résidant en métropole. La représentativité de cet échantillon national représentatif de 15.459 personnes avait été assurée par la méthode des quotas au regard de critères sociodémographiques (genre, âge), socioprofessionnels (profession), géographiques (région administrative, taille d’unité urbaine, proportion d’immigrés dans la commune ou du quartier de résidence) et civiques (nationalité).
PREMIÈRE PARTIE – L’ANALYSE
L’antisémitisme, un phénomène perçu comme étant répandu et en augmentation
Premier enseignement de cette enquête, l’antisémitisme apparaît comme un phénomène dont les Français ont conscience. Deux tiers des personnes interrogées estiment qu’il est répandu (64%) et en augmentation (64%). Ce constat est partagé dans toutes les strates de la société française, quels que soient l’âge, le genre, la catégorie sociale ou la religion des répondants.
L’ampleur du phénomène est encore plus largement reconnue par les Français de confession ou de culture juive, qui estiment pour la quasi-totalité d’entre eux qu’il est répandu (85%) et en augmentation depuis une dizaine d’années (73%).
Le rejet d’Israël (53%) et les idées islamistes (48%) sont perçus par les Français dans leur ensemble comme étant les deux principales causes de l’antisémitisme. Un ressenti qui converge avec celui des Français juifs, puisque ces deux causes sont aussi les plus citées (respectivement 62% et 45%). Les théories du complot et les idées d’extrême droite arrivent en troisième et quatrième positions pour les deux catégories de public : les théories du complot sont citées en troisième position par 17% de l’ensemble des Français et par 18% des Français juifs ; les idées d’extrême droite sont citées en quatrième position par 20% de l’ensemble des Français et par 16% des Français juifs. Ceci atteste d’une observation unanime de l’importance prise par les formes d’antisémitisme dites « contemporaines » au sein de la société française.
Comme en 2019, l’antisémitisme demeure largement perçu, autant par les Français juifs (77%) que par l’ensemble des Français (73%), comme un problème qui ne concerne pas seulement les Juifs mais la société tout entière. Enfin, la proportion de Français estimant que l’on ne parle pas assez de l’antisémitisme progresse nettement par rapport à 2019 (34%, + 8 points).
Les préjugés antisémites persistent au coeur de la société française
Dominique Reynié (dir.), L’Antisémitisme dans l’opinion publique française, nouveaux éclairages, Fondation pour l’innovation politique, novembre 2014, p. 28.
Les préjugés antisémites sont partagés par une proportion significative des Français, entre un quart et un tiers selon le type de préjugé. Alors que la multiplication d’incidents antisémites en 2020 et 2021 sur fond de diffusion de théories complotistes pouvait laisser craindre une amplification des préjugés à l’égard des Juifs au sein de l’opinion publique française, les résultats de cette enquête indiquent plutôt une stabilité dans le temps.
La prévalence des opinions antisémites n’a pas augmenté avec la crise sanitaire. L’idée selon laquelle « les Juifs seraient plus riches que la moyenne des Français » rencontre un écho chez 30% des personnes interrogées, soit une proportion stable par rapport à 2016 (31%). L’opinion selon laquelle les Juifs auraient trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance (partagée par 26% des répondants) ou des médias (24%) demeure à un niveau élevé mais qui reste proche de celui mesuré dans des enquêtes antérieures à la crise de la Covid-19. L’idée selon laquelle les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance est partagée par plus d’un tiers des personnes interrogées qui ont une bonne image des anti-vaccins (37% contre 26% pour l’ensemble de la population).
Paradoxe : la proportion de Français reconnaissant éprouver de l’antipathie envers les Juifs s’avère résiduelle (5%), en recul (– 4 points par rapport à 2016) et très inférieure à celle mesurée pour d’autres minorités telles que les musulmans (21%) ou les Roms (34%).
Pour autant, l’analyse des résultats montre que certains segments de la population sont très réceptifs aux préjugés antisémites. Les hommes et les Français âgés de plus de 65 ans sont ainsi globalement plus enclins à nourrir des préjugés contre les Juifs, autant de publics habituellement plus réceptifs par ailleurs aux idées racistes et homophobes. La diffusion des préjugés antisémites est également plus répandue à l’extrême gauche et à l’extrême droite. Ainsi, l’affirmation selon laquelle « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » est partagée par 33% des répondants au sein de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et par 34% des proches de La France insoumise, par 39% de l’électorat de Marine Le Pen et par 33% des proches du Rassemblement national, contre 26% dans l’ensemble de la population. Cependant, il faut noter une évolution importante : pour les sympathisants de La France insoumise, l’adhésion à l’idée selon laquelle « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » est en 2021 (34%) au même niveau que nous l’avions mesuré en 2014 (33%), tandis que, pour les sympathisants du Rassemblement national, cette idée est en net recul, passant de 50% en 2014 à 33% en 20211.
La haine d’Israël est largement considérée comme la première source d’antisémitisme. Pour autant, l’accusation dite de « double allégeance » consistant à accuser les Juifs d’être plus fidèles à Israël qu’à la France est plutôt considérée comme une critique légitime (39%). On trouve autant de Français considérant comme légitime le fait d’accuser les Juifs d’être responsables de la politique d’Israël (33%) que de Français considérant que cela relève d’une opinion antisémite (34%) ou de Français qui ne savent pas (33%), ceci témoignant des difficultés à appréhender le phénomène de ce « nouvel antisémitisme » lié à la haine d’Israël, aux ressorts effectivement complexes.
Par ailleurs, il faut souligner que 49% des Français ont une bonne image d’Israël (contre 22% qui en ont une mauvaise image), à l’exception notable des proches de La France insoumise qui sont sensiblement plus nombreux que la moyenne à en avoir une mauvaise image (38%, tandis que 37% des répondants proches de La France insoumise disent avoir une bonne image d’Israël). Les électeurs de La France insoumise sont également 30% (contre 16% chez l’ensemble des Français) à considérer qu’utiliser les vieux préjugés antisémites pour désigner les Israéliens relève d’une critique légitime plutôt que d’une opinion relevant de l’antisémitisme ; ils sont 43% (contre 33% pour l’ensemble des Français) à considérer qu’accuser les Juifs d’être responsables de la politique d’Israël relève également plutôt d’une critique légitime. Par ailleurs, 70% des électeurs La France insoumise se sont exprimés contre (versus 40% pour l’ensemble des Français) les interdictions de manifestations organisées en soutien à la cause palestinienne en raison du risque de débordements à caractère antisémite.
La population de confession musulmane est plus touchée par la diffusion des idées antisémites
Ibid., p. 21.
Voir Mehdi Ghouirgate, Iannis Roder et Dominique Schnapper, France : les Juifs vus par les musulmans. Entre stéréotypes et méconnaissances, Fondation pour l’innovation politique, mai 2017.
Selon nos données, 15% des musulmans reconnaissent éprouver de l’antipathie pour les Juifs, soit une proportion supérieure de 10 points à celle mesurée dans l’ensemble de la population française. Plus encore, c’est concernant l’adhésion aux préjugés que les écarts avec le grand public sont les plus spectaculaires. L’idée d’une mainmise des Juifs sur les médias (54%, + 30 points par rapport à la population française dans son ensemble) ou sur l’économie et la finance (51%, + 27 points) est ainsi partagée par plus d’une personne de confession musulmane sur deux. L’analyse détaillée des résultats infirme l’hypothèse d’un antisémitisme imputable à des raisons socio-économiques. En effet, les niveaux d’adhésion aux préjugés sont également très élevés parmi les cadres ou les diplômés de l’enseignement supérieur. Les opinions antisémites sont par ailleurs répandues aussi bien parmi les musulmans originaires du Maghreb que parmi ceux originaires d’Afrique subsaharienne. Comme nous l’avions relevé dans notre enquête de 2014, l’adhésion aux préjugés est liée à l’intensité de la fréquentation des lieux de culte : ainsi, 61% des musulmans qui se rendent à la mosquée toutes les semaines estiment que « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance », contre 40% parmi les non-pratiquants2. Toutefois, chez les musulmans, on observe que certains préjugés antisémites sont moins répandus parmi les nouvelles générations. Ainsi, 60% des musulmans de plus de 50 ans considèrent que « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine des médias », contre 40% chez les musulmans de 18-24 ans. De même, 59% des musulmans de plus de 50 ans estiment que « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » contre 34% chez les 18-24 ans.
L’analyse approfondie des résultats permet de mieux comprendre les logiques sous-jacentes à cet antisémitisme. L’étude qualitative AJC-Fondation pour l’innovation politique, administrée par l’Ifop en 2017, a montré qu’une partie des musulmans exprimait spontanément le sentiment d’être lésée par les médias et les pouvoirs publics3. Certaines personnes interrogées par le biais d’entretiens semi-directifs expliquaient que les Français juifs bénéficiaient d’un « traitement de faveur » qui, selon ces personnes, prenait la forme d’une indignation exprimée par les médias et les pouvoirs publics avec plus de zèle lors d’actes antisémites que lors d’agressions visant des musulmans. Les résultats de l’enquête permettent de mesurer, au moins en partie, le poids de telles opinions dans la population musulmane française. Plus d’un tiers des personnes interrogées estiment que l’on parle trop de l’antisémitisme (36%), soit un résultat très supérieur à celui mesuré pour l’ensemble de la population française (15%). En outre, il est intéressant de noter que le rapport à l’affaire Sarah Halimi diffère assez sensiblement selon les deux échantillons : alors que la décision de justice suscite très largement incompréhension et désapprobation (72%) au sein de l’opinion publique française dans son ensemble, les personnes interrogées de confession musulmane sont nettement moins nombreuses à partager cette incompréhension et cette désapprobation (56%).
Depuis une vingtaine d’années, les témoignages de professeurs d’histoire faisant état de difficultés croissantes à enseigner la mémoire de la Shoah se sont multipliés. Les enjeux de concurrence mémorielle sont au coeur du retour des discours antisémites, comme en atteste la trajectoire de l’humoriste Dieudonné ou les mouvances indigénistes. Le polémiste a progressivement basculé dans un antisémitisme revendiqué, imputant dès 2005 son incapacité à obtenir des subventions pour la réalisation d’un film sur la traite négrière aux « sionistes » et au « lobby juif ». Nous avons donc tenté d’appréhender le poids de ces enjeux liés à la « concurrence des mémoires » au sein de la population française. L’idée selon laquelle la commémoration de la Shoah empêche la prise en compte d’autres drames de l’histoire rencontre un écho auprès d’un tiers des Français (35%), mais elle est nettement plus répandue chez les Français de confession musulmane (59%).
Notons par ailleurs que cette idée plus générale selon laquelle on « en fait trop » sur l’antisémitisme, si elle est globalement de moins en moins partagée par l’ensemble des Français, persiste dans certaines catégories de la population : ceux qui s’informent via les blogs ou les forums sur Internet sont les plus nombreux à penser que l’on parle trop d’antisémitisme (27%, contre 15% en moyenne pour l’ensemble de la population), de même chez les électeurs de La France insoumise (22%), ceux du Rassemblement national (20%) et les sympathisants du mouvement anti-vaccins (22%).
Les Français juifs demeurent très exposés aux actes antisémites
Les données de victimation recueillies dans le cadre de cette deuxième édition de la radiographie de l’antisémitisme confirment le constat déjà posé en 2019 : cela concerne directement une partie importante des Français de confession ou de culture juive. Les deux tiers des personnes interrogées témoignent avoir fait l’expérience de « moqueries désobligeantes ou de propos vexants » (68%, dont 50% « à plusieurs reprises »). Ces railleries, auxquelles ont été confrontés la majorité des Juifs, prennent la plupart du temps la forme de blagues potaches. Ainsi, 42% des Français mais 54% des jeunes de 18 à 24 ans indiquent avoir déjà été témoins de tels propos à caractère antisémite. Bien entendu, ces « moqueries désobligeantes » ne peuvent pas être mises sur le même plan que des actes violents, mais leur ampleur témoigne de la permanence au sein de la société française de préjugés éculés, auxquels sont fréquemment confrontés les Juifs.
Les résultats de l’enquête montrent que les actes antisémites perpétrés contre des Juifs ne se limitent pas à des plaisanteries déplacées, mais prennent également la forme de faits plus graves, tels que des insultes (53% en 2021, contre 48% en 2019), des menaces d’agression (24% en 2021, pour 22% en 2019), des vols et dégradations (22% en 2021 et en 2019) et des agressions physiques (20% en 2021, 23% en 2019). L’analyse des données recueillies dans le cadre de cette enquête permet de cerner avec précision comment et où se déroulent ces violences.
Le port de signes distinctifs apparaît comme étant le principal facteur de risque associé à une agression antisémite
Un tiers (32 %) des personnes interrogées ont déclaré porter systématiquement ou souvent des signes distinctifs.
En 2016, après l’agression à Marseille d’un enseignant juif portant une kippa, le président du consistoire israélite de la ville appela ses coreligionnaires à ne plus porter ce couvre-chef, « jusqu’à des jours meilleurs ». En l’espèce, les données recueillies dans le cadre de cette enquête montrent que le port de signes distinctifs apparaît comme étant le principal « facteur de risque » associé aux agressions : 70% des personnes interrogées portant des signes distinctifs ont déjà été insultées (systématiquement ou souvent4), contre 39% de ceux qui en portent rarement ou jamais. L’écart est plus marqué encore en ce qui concerne l’exposition à des menaces d’agression physique (39% contre 13%).
Les signes religieux portés par les femmes sont souvent plus discrets que ceux portés par les hommes, et ils sont surtout moins distinctifs. Autrement dit, le port de la kippa s’accompagne d’une identification presque automatique dans l’espace public, ce qui n’est pas toujours le cas des signes distinctifs portés par les femmes. Nous avons ainsi analysé les résultats plus spécifiquement sur la base des hommes portant des signes distinctifs, sachant que ces signes ne se limitent pas à la kippa, le plus visible, mais incluent aussi d’autres signes beaucoup plus discrets comme le port d’un pendentif avec l’étoile de David. Les données montrent que ces derniers sont encore plus largement concernés par les agressions : 38% indiquent ainsi avoir déjà été agressés physiquement. On comprend donc que les personnes portant des signes exprimant l’appartenance à la religion ou à la culture juive sont surexposées aux actes antisémites et, de fait, beaucoup plus concernées par les agressions les plus graves. De plus, l’analyse des données montre que le modus operandi n’est pas le même dans le cas d’une agression visant un Juif portant des signes distinctifs. Il ressort de notre enquête que ces agressions antisémites se déroulent le plus souvent dans la rue (68%) et dans les transports en commun (57%), alors qu’à l’inverse les violences perpétrées contre des personnes de confession ou de culture juive ne portant pas de signes d’appartenance religieuse se déroulent surtout au sein des établissements scolaires (57%).
Dans notre précédente étude de novembre 2019, nous avions mis en lumière le fait que les jeunes Français juifs sont les plus exposés à l’antisémitisme. Les 18-24 ans sont ainsi 63% à déclarer avoir été victimes d’une agression verbale (contre 53%), 46% à déclarer avoir été victimes de menaces ou insultes sur les réseaux sociaux (contre 28%) et 26% à faire état d’une agression physique (contre 20%).
Plus globalement, 60% des victimes indiquent avoir été agressées à l’école (dont 42% à plusieurs reprises), un résultat en hausse par rapport à 2019 (54%), faisant de l’école le premier lieu d’exposition à des violences antisémites, devant les agressions dans la rue (50%), un chiffre en recul par rapport à 2019 (55%) – une baisse qu’il faut sans doute attribuer à un effet Covid-19 et aux différents confinements –, devant les réseaux sociaux (42%), l’environnement professionnel (41%) ou encore les halls d’immeuble (35%).
Les faits se déroulant au domicile des personnes concernées surviennent la plupart du temps au moment du shabbat. Ils concernent notamment les Juifs pratiquants (44%) qui s’interdisent d’utiliser les digicodes. La survenue d’agressions dans le cadre scolaire explique probablement pourquoi les jeunes sont davantage concernés que les plus âgés par les violences (26% des moins de 25 ans indiquent avoir été agressés physiquement, contre 11% des plus de 65 ans). Remarquons que les moins de 25 ans ont été scolarisés au début des années 2000, période qui correspond à la résurgence des actes antisémites en France.
Si les insultes, moqueries et menaces se déroulent avant tout à l’école et dans les espaces publics (pour les Juifs portant des signes religieux), les réseaux sociaux apparaissent aussi comme un espace d’exposition aux expressions de la haine antisémite. Ainsi, les faits antisémites rapportés par les personnes interrogées ont été observés en premier lieu sur les réseaux sociaux (48%). Par ailleurs, 28% des Français juifs indiquent avoir déjà été menacés sur les réseaux sociaux, une proportion qui atteint même 46% pour ceux âgés de moins de 25 ans. Notons, enfin, que si le lieu de travail n’est encore que peu pris en compte par les programmes de prévention de l’antisémitisme, il n’est pourtant pas épargné par l’expression de l’antisémitisme, comme le rapportent 41% des Français juifs interrogés.
Notre enquête met en lumière un phénomène majeur concernant la manière dont les Français juifs réagissent à l’antisémitisme lorsqu’ils en sont victimes, à savoir l’absence quasi totale de dépôt de plainte : quelque 80% des Français juifs déclarent ne pas avoir porté plainte à la suite d’une agression antisémite. Il est important de connaître ce chiffre car il constitue le principal biais dans la mesure du niveau réel de l’antisémitisme en France, puisque les données sur les actes antisémites relevés annuellement par le ministère de l’Intérieur, en concertation avec les statistiques recueillies par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ), ne prennent en compte que les dépôts de plainte.
Le risque associé aux signes distinctifs est si connu qu’un tiers des Français de confession juive déclarent avoir déjà préféré éviter le port de tels signes pour leur sécurité
Une mezouza est un objet fixé à la porte des domiciles pour désigner le fait qu’il s’agit d’une « maison juive » ; elle a une fonction religieuse de protection.
À noter que l’on observe des niveaux similaires pour les établissements privés catholiques que choisissent également de nombreux parents juifs. Face aux craintes pour leurs enfants, l’opposition entre des établissements publics jugés plus dangereux et des établissements privés jugés plus protecteurs joue un rôle déterminant dans le choix de scolarisation opéré par les parents.
Force est de constater que le risque associé au port de signes distinctifs est intégré par les Français juifs, certains d’entre eux estimant même que porter une kippa revient à « provoquer » une agression. Plus d’un tiers des personnes interrogées rapportent ainsi qu’il leur arrive d’éviter de porter un style vestimentaire les rattachant au judaïsme (35% en 2021, contre 33% en 2019). Un choix d’évitement qui concerne même 46% de ceux qui ont l’habitude de porter au moins occasionnellement ces signes distinctifs. Plus fréquent encore, 41% des répondants évitent d’afficher des symboles tels qu’une mezouza5. L’enquête montre que cet évitement est encore plus fréquent dans les banlieues intermédiaires, plus mixtes et où les risques d’agressions sont plus fréquents (61%). Enfin, comportement plus répandu encore, 48% des personnes interrogées évitent parfois de dire qu’elles sont juives dans une discussion. Si ces précautions concernent près d’un tiers des personnes interrogées (voire plus), elles sont majoritaires parmi les victimes d’agressions. En effet, nos données montrent qu’après avoir été victimes d’un acte grave les personnes redoublent de prudence, avec des comportements d’évitement qui deviennent très majoritaires. Et si les Français juifs évitent pour une partie d’entre eux de dire, au moins dans certaines circonstances, leur religion, c’est plus encore à leurs enfants qu’ils donnent de telles consignes.
Cette radiographie de l’antisémitisme permet de mesurer la proportion de Français juifs interrogés à propos de leur expérience d’insécurité liée à leur appartenance religieuse. En 2021, c’est plus d’un tiers des Juifs interrogés (37%) qui disent se sentir « souvent » ou « de temps en temps » en insécurité, soit une proportion en progression par rapport à 2019 (+ 4 points). L’analyse du profil des personnes de confession ou de culture juive les plus concernées par ce sentiment montre que ce sont les femmes (40%), les personnes appartenant aux catégories populaires (50%), les habitants des banlieues intermédiaires (43%) ou les Juifs pratiquants (51%). Par ailleurs, le sentiment d’insécurité en raison de sa religion apparaît beaucoup plus répandu parmi les parents ayant un enfant scolarisé. La fréquence des agressions dans les établissements scolaires – attestée par notre enquête – est connue au sein de la communauté juive, et elle se traduit par un sentiment d’insécurité prégnant parmi les parents. Un tiers (32%) des parents indiquent que leur enfant a déjà été victime d’insultes antisémites et 18% d’agressions physiques. Quand une agression antisémite survient, le sentiment d’insécurité exprimé par les parents atteint 72 % des répondants.
La crainte de voir son enfant agressé modifie le comportement adopté par les personnes interrogées. Alors qu’environ un tiers des personnes interrogées disent adopter un comportement de dissimulation pour elles-mêmes, ces conduites deviennent majoritaires dans les familles comptant des enfants scolarisés : 55% des parents demandent à leurs enfants de ne pas porter de signes distinctifs et 45% de ne pas dire qu’ils sont juifs. La peur d’une agression à l’école explique aussi probablement pourquoi une partie des familles décident de placer leurs enfants dans les établissements scolaires juifs. Bien entendu, le choix d’un établissement confessionnel répond à des attentes multiples telles que le souhait d’une éducation religieuse ou de meilleur niveau, mais notre enquête donne à penser que la peur d’une agression antisémite est la principale motivation de cette stratégie scolaire. En effet, le sentiment d’insécurité atteint des proportions très élevées (62%) parmi les parents ayant fait le choix d’un établissement privé juif (contre 37% sur l’ensemble de l’échantillon)6, alors qu’objectivement les enfants sont probablement plus protégés dans ces établissements ; on comprend donc que le sentiment d’insécurité préexistait probablement au choix de scolarisation et a motivé celui-ci.
Les résultats de l’enquête montrent que 46% des Français juifs ont déjà envisagé de quitter la France. Si ce chiffre demeure important, il est en baisse de 6 points par rapport à 2019 (52%). De plus, les raisons évoquées pour justifier le projet de départ ont évolué depuis notre enquête de 2019. En effet, la proportion des Français juifs qui envisagent de quitter la France en raison de craintes concernant leur avenir en tant que Juifs a diminué, passant de 21% en 2019 à 13% aujourd’hui. En même temps, les raisons plus positives, comme les raisons culturelles ou religieuses, d’envisager un tel départ ont progressé fortement, passant de 6% en 2019 à 12% en 2021.
Les comportements de dissimulation atteignent leur paroxysme lors des tensions au Proche-Orient
Le rejet d’Israël est perçu par les Français de confession ou de culture juive comme étant la première cause de l’antisémitisme en France. De fait, l’analyse chronologique des actes antisémites violents montre que la multiplication des agressions est en lien avec les périodes de tensions au Proche-Orient. En 2014, selon le SPCJ, les actes et menaces antisémites recensés durant les sept premiers mois de l’année avaient bondi, passant de 276 à 527. Cette multiplication par deux des actes antisémites recensés s’inscrivait dans un contexte de tensions ravivées au Proche-Orient avec l’intervention israélienne « Bordure protectrice ».
Les agressions et dégradations surviennent notamment en marge de manifestations de soutien à la cause palestinienne, comme à Sarcelles en 2014, où des manifestants se sont livrés à des pillages et dégradations de commerces dans le quartier juif de la ville. Les résultats de notre nouvelle enquête montrent que les Français juifs ont pleinement intégré le fait que les tensions au Proche-Orient se traduisaient par un risque accru. Ainsi, 55% des Français juifs interrogés indiquent se sentir davantage en danger lors des phases d’affrontements opposant Israéliens et Palestiniens. Cette impression d’un danger plus grand est ressentie par près des trois quarts (72%) des Français juifs interrogés portant des signes religieux. De même, c’est lors de telles périodes que les comportements d’évitement et de dissimulation atteignent leur paroxysme : 49% des Français juifs interrogés indiquent éviter de se rendre dans certains quartiers, cette proportion atteignant 63% parmi les Juifs portant des signes indiquant leur appartenance religieuse. Près d’un Juif sur deux (47%) évite de porter des signes religieux dans de telles périodes, tandis que près de 4 Juifs sur 10 (40%) disent que ces contextes de tension au Proche-Orient les conduisent à éviter d’indiquer leur religion.
Face aux violences antisémites, les Français approuvent la fermeté des réponses sécuritaires et s’accordent sur la nécessité d’améliorer la réponse judiciaire
Les Français dans leur ensemble autant que les Français juifs ont intégré que la persistance d’incidents antisémites devait entraîner des précautions supplémentaires en matière de politique publique. Ainsi, une majorité d’entre eux (60% pour les Français dans leur ensemble et 79% pour les Français juifs) approuve la décision d’interdire les manifestations de soutien à la cause palestinienne en mai 2021 en raison des risques de débordements antisémites. Cette décision est importante car elle marque une évolution dans la mise en place d’une politique de « tolérance zéro » que nombre d’acteurs de la lutte contre l’antisémitisme appellent de leurs voeux depuis des années. Au cours des vingt dernières années, les scènes de déchaînement antisémite lors de manifestations de rue (cris de « Mort aux Juifs » dans les rues de Paris, attaque de la synagogue de la rue de la Roquette, incidents d’une extrême violence à Sarcelles…) ont marqué les esprits.
Dans l’affaire récente du jugement du meurtre antisémite de Sarah Halimi, qui avait fortement ému l’opinion publique française et choqué les Français juifs, il est particulièrement éclairant de noter que, dans l’ensemble de la population, cette décision de justice a été désapprouvée par une vaste majorité des répondants (72%). Cette affaire, dont les développements se poursuivent aujourd’hui encore autour des conclusions de la commission parlementaire qui lui a été dédiée, a permis de mettre en lumière des améliorations nécessaires en matière de droit. Cette tragédie a suscité une indignation générale, augmentée par le sentiment qu’il existe une forme d’impunité des comportements antisémites et que des difficultés surgissent lorsqu’il s’agit d’en appréhender les auteurs, y compris lorsque ces comportements antisémites sont des crimes.
Conclusion
La crise sanitaire ne s’est pas accompagnée d’une poussée de l’antisémitisme que l’on pouvait redouter. Cependant, les stéréotypes négatifs à l’égard des Juifs sont toujours aussi présents dans l’opinion publique française. Si les proportions sont restées stables depuis notre enquête de 2019, il demeure important de retenir qu’entre un quart et un tiers de nos concitoyens partagent ces préjugés antisémites. Cette nouvelle radiographie de l’antisémitisme confirme la persistance de l’antisémitisme au coeur de la société française.
Les Français de confession juive ne pâtissent pas d’une mauvaise image et représentent au contraire une des minorités les mieux acceptées dans l’opinion publique française. En d’autres termes, la proportion de Français exprimant de l’antipathie, voire de la haine pour les Juifs est probablement moins importante qu’elle ne l’a été par le passé.
Ceci n’atténue pourtant pas la réalité brutale de l’antisémitisme et ses conséquences potentiellement dramatiques à la fois pour la vie quotidienne des Français juifs et pour le pays dans son ensemble. L’antisémitisme en France est principalement le fait de segments particuliers de la population française. Ces segments sont minoritaires, mais particulièrement actifs. L’antisémitisme est particulièrement répandu parmi les Français proches du Rassemblement national et de La France insoumise ; il est également plus répandu parmi les répondants de confession ou de culture musulmane, notamment parmi ceux se déclarant pratiquants, d’autant plus qu’ils fréquentent plus assidûment les lieux de culte.
La crise sanitaire a vu aussi l’émergence d’un monde protestataire – les sympathisants des anti-vaccins – plus enclin aux préjugés antisémites. Les résultats de notre enquête confirment le rôle moteur de ces formes de protestation et des réseaux sociaux dans la production et la diffusion de la haine antisémite. On ne saurait cependant attribuer ces résultats aux confinements et à la pandémie, puisque nous avions déjà enregistré le rôle des réseaux sociaux dans nos enquêtes précédentes, en 2014 et en 2019.
Le vécu antisémite des Français de confession ou de culture juive est difficile et douloureux. La plupart des Français juifs (74%) disent avoir déjà subi au cours de leur existence un comportement antisémite, de la moquerie à l’agression physique en passant par l’insulte ou la menace verbale. Notre enquête confirme un fait très préoccupant : l’identification en tant que Juif dans l’espace public français constitue un facteur de risque et expose particulièrement à la violence. Dès lors, on comprend pourquoi tant de Français juifs cachent leur religion. La peur de pouvoir subir à tout moment un comportement antisémite est décuplée chez les parents qui craignent davantage encore pour leurs enfants. Dès lors, ils les éduquent à adapter ou à modifier leurs comportements. En effet, c’est au sein des établissements scolaires que les agressions se déroulent le plus fréquemment. Les familles juives l’ont compris et demandent souvent à leurs enfants de ne pas porter de signes reconnaissables de leur judéité, et même d’éviter de révéler le fait qu’ils sont juifs. C’est pourquoi ces familles scolarisent de plus en plus souvent leurs enfants dans des établissements confessionnels, catholiques ou juifs. L’école de la République a permis pendant des décennies aux citoyens de toutes confessions de « faire nation », mais cette fonction, essentielle à l’école, à la République et au pays, est désormais menacée.
Dans leur ensemble, les Français semblent l’avoir compris. En témoignent les résultats de notre enquête, en témoignent l’indignation générale suscitée par le meurtre de Sarah Halimi et l’affaire suscitée par le procès de son meurtrier, en témoigne encore l’approbation majoritaire, au printemps dernier, de la décision d’interdire des manifestations pour empêcher les débordements antisémites qui pouvaient suivre.
Les Français semblent comprendre que l’antisémitisme n’est pas le problème des Français juifs mais qu’il concerne la société dans son ensemble, que ses institutions, sa culture et ses valeurs ne résisteraient pas à l’augmentation de l’antisémitisme. Une prise de conscience peut avoir lieu. Face au retour de l’antisémitisme observé depuis bientôt vingt-cinq ans, notre enquête montre qu’une réponse collective juste, forte, efficace et durable est maintenant nécessaire, et qu’elle est devenue possible.
SECONDE PARTIE – LES RÉSULTATS
L’antisémitisme : opinions et perceptions à l’égard du phénomène
Le sentiment que l’antisémitisme est un phénomène répandu et en augmentation (en %)
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Le sentiment que l’on parle trop, suffisamment ou pas assez de l’antisémitisme (en %)
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La perception des causes de l’antisémitisme en France [1/2] (en %)
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La perception des causes de l’antisémitisme en France [2/2] (en %)
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Le sentiment que l’antisémitisme concerne seulement les Juifs ou, différemment, la société dans son ensemble (en %)
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La persistance des opinions antisémites dans la population française
La sympathie ou l’antipathie éprouvée pour différentes catégories ou groupes de personnes [1/2] (en %)
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La sympathie ou l’antipathie éprouvée pour différentes catégories ou groupes de personnes [2/2] (en %)
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L’adhésion à certains préjugés concernant les Juifs [1/5] (en %)
Évolutions depuis 2014
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L’adhésion à certains préjugés concernant les Juifs [2/5] (en %)
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L’adhésion à certains préjugés concernant les Juifs [3/5] (en %)
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L’adhésion à certains préjugés concernant les Juifs [4/5] (en %)
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L’adhésion à certains préjugés concernant les Juifs [5/5] (en %)
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L’adhésion à l’idée selon laquelle « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » [1/2] (en %)
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L’adhésion à l’idée selon laquelle « les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » [2/2] (en %)
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L’importance accordée à la commémoration de la Shoah (en %)
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Le sentiment que la commémoration de la Shoah empêche l’expression d’autres drames de l’histoire (en %)
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L’antisémitisme au quotidien : état d’esprit des Français de confession ou de culture juive
Le sentiment d’être menacé en raison de son appartenance religieuse, son orientation sexuelle, son sexe ou ses origines (souvent/de temps en temps) [1/2] (en %)
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Le sentiment d’être menacé en raison de son appartenance religieuse, son orientation sexuelle, son sexe ou ses origines (souvent/de temps en temps) [2/2] (en %)
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Le niveau d’optimisme à l’égard de l’avenir (en %)
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Le profil des Juifs qui se sentent souvent ou de temps en temps menacés en raison de leur appartenance religieuse (en %)
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Les actes antisémites : observation et victimation
L’exposition à des actes antisémites [1/2] (en %)
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L’exposition à des actes antisémites [2/2] (en %)
Évolutions par rapport à 2019
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L’exposition à des actes antisémites et le port des signes distinctifs (en %)
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Les lieux d’exposition à des agressions verbales antisémites et le port de signes religieux (en %)
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Les lieux d’exposition à des agressions verbales antisémites [1/2] (en %)
Évolutions depuis 2019
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Les lieux d’exposition à des agressions verbales antisémites [2/2] (en %)
Ensemble des victimes
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Le profil des Juifs ayant subi des insultes antisémites (en %)
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Le profil des Juifs ayant été agressés physiquement (en %)
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« Est-ce que l’un de vos enfants a déjà été insulté/agressé physiquement parce que Juif » (en %)
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« Vous est-il déjà arrivé d’entendre dire, dans votre entourage, du mal des Juifs ? » (en %)
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« Au cours de votre vie, avez-vous déjà assisté à chacun des actes et comportements suivants ? » [1/2] (en %)
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« Au cours de votre vie, avez-vous déjà assisté à chacun des actes et comportements suivants ? » [2/2] (en %)
Évolutions depuis 2019
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Les lieux d’observation d’une agression ou d’un propos antisémite (en %)
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Les comportements d’évitement, les stratégies de dissimulation
Quelles réactions après avoir été victime d’une agression antisémite ? En informer ses proches, en parler avec une association communautaire, déposer une plainte (en %)
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L’adoption de comportements d’évitement (en %)
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Les sentiments et comportements des Français de confession ou de culture juive lors des périodes de tensions entre Palestiniens et Israéliens [1/2] (en %)
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Les sentiments et comportements des Français de confession ou de culture juive lors des périodes de tensions entre Palestiniens et Israéliens [2/2] (en %)
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« Vous arrive-t-il de demander à votre enfant d’adopter des comportements d’évitement pour les protéger de l’antisémitisme ? » (en %)
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« Avez-vous déjà envisagé de quitter la France ? » (en %)
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Le profil des Juifs qui ont déjà envisagé de quitter la France (en %)
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L’opinion sur l’interdiction de manifester en soutien à la cause palestinienne de mai 2021 (en %)
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L’opinion sur la décision de justice dans l’affaire Sarah Halimi (en %)
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Le sentiment que différentes opinions liées à Israël ou aux Juifs sont antisémites ou antisionistes [1/3] (en %)
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Le sentiment que différentes opinions liées à Israël ou aux Juifs sont antisémites ou antisionistes [2/3] (en %)
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Le sentiment que différentes opinions liées à Israël ou aux Juifs sont antisémites ou antisionistes [3/3] (en %)
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