Introduction

I.

Les salariés éprouvent une contrainte, mais pas une pression

II.

La moitié des salariés ressentent des répercussions sur leurs relations familiales

III.

Il n’y a pas de rejet du travail dominical chez les salariés concernés

IV.

Les salariés qui travaillent le dimanche souhaitent continuer

V.

Un fort soutien au principe d’une activité économique dominicale

VI.

Le développement du travail dominical accompagne les transformations de la société française

VII.

Préserver les salariés de l’obligation de travailler

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La discussion à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à assouplir la réglementation du travail le dimanche a débuté en décembre 2008. Ce texte a déjà suscité une vive polémique, y compris au sein de la majorité, et de nombreux sondages ont été réalisés à ce sujet. Le 6 janvier 2009 a été annoncé le report sine die de l’examen du texte.

Pour contribuer à éclairer un débat manifestement sensible, la Fondation pour l’innovation politique propose une enquête inédite : elle a été réalisée auprès d’actifs travaillant le dimanche.« L’intérêt de l’étude tient au fait qu’il s’agit en quelque sorte moins d’une enquête d’opinion que d’une enquête d’expérience » souligne Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique. « Il apparait que le salarié entretient avec son travail une relation individualisée et que le dimanche n’est pas un jour sanctuarisé. »

Cette publication rassemble l’analyse de l’enquête, par Dominique Reynié, et une synthèse des principaux aspects de la question.Indépendamment de la destinée proprement parlementaire du texte en discussion, le thème du travail dominical offre l’opportunité de mieux comprendre la société française émergente sous l’effet de la transformation des rythmes sociaux, des recompositions familiales, du développement des loisirs, des modalités d’accès à un premier emploi, de l’évolution des comportements consuméristes ou encore des services à la personne conditionnés par le changement démographique. La Fondation pour l’innovation politique espère ainsi éclairer un grand débat de société qui ne fait que commencer.

Sondage Ifop pour la Fondation pour l’innovation politique réalisé auprès d’un échantillon de 508 actifs déclarant travailler au moins un dimanche par mois, extrait d’un échantillon représentatif de 2788 actifs. La représentativité de l’échantillon d’actifs a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu du 5 au 9 décembre 2008, par questionnaire auto-administré en ligne.

Les premiers résultats ont été publiés en exclusivité dans Le Monde daté du 11 décembre 2008.

Les résultats complets sont disponibles sur data.fondapol.org. 

Interview vidéo de Dominique Reynié 
I Partie

Les salariés éprouvent une contrainte, mais pas une pression

Selon les résultats de notre enquête, le travail dominical n’est absolument pas vécu par les salariés déclarant travailler le dimanche comme la conséquence d’une pression exercée par leur employeur ou leur hiérarchie (seuls 1% des salariés disent être dans cette situation). Et si ceux qui travaillent le dimanche déclarent ne subir aucune pression, 82% des salariés interrogés estiment que le fait de travailler le dimanche relève pour eux en premier lieu d’une contrainte. Celle-ci procède soit de la nature de leur activité (39%), soit d’une obligation contractuelle liée à leur poste (43%). Moins d’un cinquième (17%) des salariés concernés estiment avoir choisi librement de travailler le dimanche – un choix fait soit pour des raisons d’emploi du temps (10%), soit afin d’augmenter leurs revenus (7%).

Micro-trottoir : travailler le dimanche, qu’en pensez-vous ?

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008

On observe aussi que 64% des salariés déclarent percevoir une rémunération majorée pour le travail effectué le dimanche. A contrario, en l’état actuel de la législation, un tiers des salariés concernés ne perçoivent aucune rémunération supplémentaire. L’âge des salariés intervient fortement sur ce plan. Le principe est simple : plus le salarié est jeune, moins souvent il reçoit une rémunération majorée pour le travail dominical – 35% seulement des salariés âgés de 18 à 24 ans la perçoivent.

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

Le niveau de la rémunération affecte fortement l’évaluation du travail dominical par les sondés. Ce n’est pas une surprise, mais il convient cependant de souligner que les salariés arbitrent en faveur du pouvoir d’achat et donc du travail dominical si celui-ci est associé à un gain de rémunération : ceux qui répondent que travailler le dimanche leur « plaît » sont 63% chez les actifs bénéficiant d’une rémunération supplémentaire, et 37% chez ceux qui n’en perçoivent aucune. L’enjeu de la rémunération contribue à montrer que le dimanche n’est pas nécessairement perçu comme une journée de repos « par définition ». C’est aussi bien une question d’accord, donc de négociations entre employeurs et employés, sur les conditions du travail dominical.

II Partie

La moitié des salariés ressentent des répercussions sur leurs relations familiales

Partisans et adversaires du travail dominical trouveront parfois dans notre enquête matière à se réjouir, mais pour des raisons diamétralement opposées. Il en va ainsi de la question de l’impact sur la vie privée : 51% des salariés concernés estiment que le fait de travailler le dimanche a tendance à créer des tensions avec leurs enfants, mais ils sont 49% à dire qu’ils ne ressentent pas de telles conséquences. Parmi les salariés vivant en couple, 58% considèrent que le travail dominical n’affecte pas les relations avec leur conjoint, tandis que 42% estiment éprouver un effet de ce type. Les relations amicales paraissent les plus préservées, puisque 70% des salariés concernés jugent que le travail dominical n’altère pas les relations avec leurs amis.

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

III Partie

Il n’y a pas de rejet du travail dominical chez les salariés concernés

On ne s’étonnera pas de relever une absence d’enthousiasme pour le travail dominical : 57% des salariés concernés disent qu’ils préféreraient ne pas travailler ce jour-là s’ils avaient le choix.

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

Cette opinion est d’autant plus souvent exprimée que les actifs sont plus âgés : de 52% chez les 18-24 ans et les 25-34 ans à 57% chez les 35-49 ans, et enfin 66% chez les actifs âgés de 50 ans et plus. Pour les salariés concernés, la perception d’une contrainte statutaire ou de métier ne débouche cependant pas sur un rejet du travail dominical. Plus encore, la part des salariés déclarant que travailler le dimanche leur « plaît » (27%) est sensiblement supérieure à celle des salariés déclarant que cela leur « déplaît » (16%). Les 27% de salariés concernés répondant que cela leur « plaît » de travailler le dimanche sont les plus jeunes (44% parmi les salariés âgés de 18 à 24 ans). Ils habitent les grandes agglomérations (34% parmi les actifs parisiens), ils vivent seuls (40%), ils perçoivent une rémunération majorée (34%). On notera que le fait d’aimer travailler le dimanche est d’autant plus répandu parmi les actifs que ceux-ci travaillent plus souvent le dimanche : 37% de ceux qui travaillent tous les dimanches répondent que cela leur plaît, ils sont 33% chez ceux qui travaillent deux ou trois dimanches par mois et 15% seulement chez ceux qui travaillent un dimanche par mois (voir tableau ci-dessus). Parmi les raisons pour lesquelles ces salariés déclarent aimer travailler le dimanche, plus de la moitié (52%) répond que cela leur permet de disposer de leur temps libre à un autre moment de la semaine, tandis que près d’un quart (23%) évoque une motivation financière, et un cinquième (21%) une ambiance plus détendue en raison de la moindre activité ce jour-là (voir tableau page suivante).

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

Les 14% d’actifs et les 16% de salariés concernés répondant que cela leur « déplaît » de travailler le dimanche sont le plus souvent des cadres supérieurs ou des membres d’une profession libérale (22%). Ils sont mariés, pacsés ou en couple (16%), ils travaillent le dimanche depuis moins de trois ans (17%) et ils ne perçoivent pas de rémunération complémentaire (17%). La première raison invoquée est l’absence d’autre possibilité : 39% des actifs et 44% des salariés concernés n’aiment pas travailler le dimanche parce qu’ils ne l’ont pas choisi. Pour eux, le travail dominical est une obligation liée à leur contrat de travail et non un libre choix. Les salariés concernés estiment ensuite (30%) que cela a des répercussions négatives sur leur vie sociale et familiale. Mais ils ne sont que moins d’un cinquième (18%) à regarder le dimanche comme un jour de repos par principe. Encore faut-il préciser qu’il s’agit d’un cinquième des 16% de salariés déclarant ne pas aimer travailler le dimanche, soit 3% de l’échantillon des salariés.

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

IV Partie

Les salariés qui travaillent le dimanche souhaitent continuer

Les salariés travaillant le dimanche sont plus nombreux à souhaiter continuer à travailler le dimanche, voire à travailler plus souvent ce jour-là (42%). Fait important, les actifs travaillant le dimanche sont d’autant plus nombreux à vouloir poursuivre qu’ils travaillent plus souvent le dimanche : ils sont 36% parmi ceux qui travaillent un dimanche par mois, 44% parmi ceux qui travaillent deux ou trois dimanches par mois, et 51% parmi ceux qui travaillent tous les dimanches, probablement au moins parce que l’adhésion au travail dominical est d’autant plus marquée que leur revenu en dépend. Toutefois, si l’on note par ailleurs qu’un quart (25%) des salariés disent vouloir continuer à travailler le dimanche – mais moins souvent –, cela conduit à constater que plus de deux tiers des salariés concernés (67%) souhaitent continuer à travailler le dimanche. Parmi les actifs souhaitant continuer à travailler le dimanche ou à travailler plus de dimanches, les femmes (46%) sont plus nombreuses que les hommes (42%), ceux qui travaillent à leur compte (51%) sont plus nombreux que ceux qui sont salariés (42%), et, parmi les salariés, ceux qui bénéficient d’une rémunération majorée (46%) sont un peu plus nombreux que ceux qui n’en bénéficient pas (40%).

V Partie

Un fort soutien au principe d’une activité économique dominicale

Les actifs concernés par le travail dominical sont nettement favorables à l’ouverture des magasins le dimanche. La spécificité du dimanche semble se retrouver dans l’idée d’une économie de culture et de loisirs : de toutes les activités économiques pouvant avoir lieu le dimanche, tout se passe comme si celles concernant la culture et les loisirs étaient jugées les plus compatibles avec les représentations attachées au septième jour, quand bien même le fait d’admettre l’ouverture des magasins de culture et de loisirs implique le travail dominical pour les salariés concernés : 59% des salariés interrogés se disent favorables à l’ouverture de ces commerces le dimanche. Ils ne sont plus que 50% en faveur de l’ouverture des magasins de vêtements et 46% en faveur de celle des supermarchés et des hypermarchés. Il faut souligner que, d’une manière générale, les jeunes salariés âgés de 18 à 24 ans sont plus favorables que leurs aînés à l’ouverture dominicale des magasins, et dans des proportions qui permettent d’y voir une information significative malgré la faiblesse des effectifs pour cette classe d’âge.

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

En cohérence avec cela, les actifs concernés sont également favorables (55%) à un assouplissement de la loi facilitant l’ouverture dominicale des magasins.

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

Là encore, et avec les mêmes remarques, les jeunes salariés (18-24 ans) sont sensiblement plus favorables (69%) que les autres classes d’âge. Parmi les actifs interrogés, le soutien à l’assouplissement est massif dans la région parisienne (72%). Il est toujours majoritaire dans le Sud-Ouest (61%) et dans le Sud-Est (59%). En revanche, c’est l’opposition à l’assouplissement de la loi qui devient majoritaire dans le Nord-Est (53%) et dans le Nord-Ouest (53%). Enfin, les actifs approuvent majoritairement (66%) le projet de loi qui vise à autoriser le travail le dimanche pour des salariés. Ils sont même plus nombreux (39%) à répondre qu’ils l’approuvent « tout à fait » (39%) qu’à répondre qu’ils l’approuvent « plutôt » (27%).

VI Partie

Le développement du travail dominical accompagne les transformations de la société française

Notes

1.

Voir notamment J.-P. Bailly, « Les mutations de la société et les activités dominicales », étude, Conseil économique et social, 2007, p. 11, p. 29

+ -

2.

Voir C. Barre, « 1,6 million d’enfants vivent dans une famille recomposée », INSEE Première, n° 901, juin 2003.

+ -

La bataille du dimanche est prise dans un profond mouvement de la société. La perception de la semaine, ou, comme l’on dit, des temps sociaux, est en perpétuelle recomposition. Les jours donnent lieu à d’autres usages, souvent éloignés d’usages antérieurs érigés, voire magnifiés par le commentaire public, en « traditions », quand ils sont pourtant relativement récents : la place des jours dans les représentations collectives est en voie de redéfinition. Les symboles, les images sociales et culturelles attachées à chacun d’entre eux sont soumis à l’épreuve d’une nouvelle socialité. La loi sur la réduction du temps de travail (RTT) a produit des effets comparables sur le vendredi et le mercredi. Ainsi, le repos hebdomadaire tend à ne plus correspondre strictement au repos dominical : le dimanche n’a plus le monopole du repos. Il est sur ce point en concurrence avec le vendredi et le mercredi, voire le lundi si l’on prend en compte les usages de la loi sur la RTT. Inversement, le septième jour n’est plus nécessairement une journée de repos. Il importe cependant de rappeler que l’économie des services donne lieu depuis longtemps au travail le dimanche. On le constate évidemment pour les services privés et les commerces. Nombre d’artisans et de commerçants, notamment dans les métiers du secteur alimentaire, travaillent systématiquement le dimanche, en tout ou partie. Le cas des pharmaciens fournit l’exemple d’un service privé pris en charge sans interruption hebdomadaire, pour un secteur géographique donné, grâce à un mécanisme de rotation. On le constate également pour les services publics, auxquels les Français sont très attachés : bon nombre de prestations supposent par nature que des actifs travaillent le dimanche (le plus souvent par des mécanismes de rotation permettant aux salariés concernés de ne pas travailler tous les dimanches). Une économie fondée sur la production et la distribution des services tend à favoriser le travail le dimanche. Une société habituée au confort des services, publics et privés, tend à produire une demande de continuité des services et de disponibilité des offres, ce qui encourage mécaniquement le travail dominical. Une société de loisirs tend à favoriser le travail dominical. Le dimanche est un jour de repos pour certains. Comme tel, il est de plus en plus souvent vécu comme une journée de loisirs, lesquels supposent évidemment l’accès à des services, donc l’emploi de salariés – et par voie de conséquence une extension du travail dominical. L’activité familiale dominicale se déploie plus souvent qu’auparavant dans un cadre de type public, par opposition au domicile familial (parcs de loisirs, centres commerciaux, etc.). Elle prend place dans un réseau d’activités mêlant déambulations et consommation. La pratique des loisirs est ainsi typique de cette évolution du dimanche vers un consumérisme familial. Les malentendus suscités par le débat sur le travail dominical s’expliquent en partie par le décalage entre une certaine vision de la société et la réalité d’aujourd’hui. On peut relever au moins trois figures fortement ébranlées par les changements à l’œuvre.

Le dimanche n’est plus seulement « le jour du Seigneur »

Force est de constater que le dimanche n’est plus que très marginalement le moment de la messe. Plus d’un quart des Français (27%) se déclarent sans religion (source IFOP, 2007). Parmi ceux qui se disent croyants, il faut distinguer les chrétiens, qui sont les plus concernés par le dimanche. Or, parmi les chrétiens déclarés, la pratique est désormais très minoritaire, en particulier chez les catholiques. En 1952, 81% des Français, pour 42,4 millions d’habitants, se déclaraient catholiques, et 27 % d’entre eux allaient à la messe tous les dimanches. En 2007, 64% des Français, pour 63 millions d’habitants, se déclaraient catholiques, tandis que 4,5% d’entre eux allaient à la messe tous les dimanches. Un calcul sommaire laisse penser que le nombre de Français qui se rendent à la messe dominicale est passé en cinquante ans de 9,3 millions à 1,8 million. Il est bien difficile de défendre la sacralité du dimanche dans une société qui s’est pour partie éloignée de la foi et qui semble avoir massivement renoncé à toute pratique religieuse.

Le jour des familles n’est plus uniquement le dimanche

Certes, pour une partie de la population, le dimanche est un moment privilégié pour réunir la famille. Mais il faut ici distinguer les réunions hebdomadaires des réunions exceptionnelles. L’idée des réunions familiales hebdomadaires renvoie à l’image du noyau familial idéal, voire idéalisé, composé du père, de la mère et de leurs enfants. S’il est encore fréquent, ce modèle est loin désormais d’être le seul. Dans une ville comme Paris, un ménage sur deux est composé d’une seule personne1. De plus, un nombre croissant de familles sont désormais recomposées : on compte 1,1 million d’enfants vivant avec l’un de leurs deux parents et un beau-père ou une belle-mère, tandis que 513.000 enfants vivent avec leurs deux parents et un ou plusieurs frères ou sœurs issus d’un mariage précédent. Les familles recomposées sont deux fois plus nombreuses à compter quatre enfants et plus. Si cela paraît logique, nous sommes loin cependant de l’image figée d’une famille traditionnelle. Au total, 4,3 millions d’enfants vivent dans une famille monoparentale ou recomposée, pour 12 millions qui vivent dans une famille « traditionnelle »2. Ce chiffre date de 1999, et tout laisse à penser qu’il a depuis fortement augmenté. Souligner la multiplication des modèles familiaux et la forte croissance du nombre des familles monoparentales et recomposées vise à soumettre à la réflexion un aspect trop peu souvent évoqué : pour un nombre croissant de Français, le dimanche est un jour de retrouvailles… qui suit une séparation. Qui retrouve son père le dimanche a quitté sa mère le vendredi soir ou inversement. Toutes les combinaisons possibles font apparaître ce mécanisme où les retrouvailles sont associées à une séparation. En conséquence, le lundi devient également un jour de retrouvailles pour ceux qui ont quitté un de leurs deux parents le vendredi soir. Le jeu des mouvements inter- et intrafamiliaux se déploie dans un segment de temps qui s’étend du vendredi jusqu’au lundi et non le dimanche seulement. Dans son rapport à la cellule familiale et à ce qu’elle implique en termes de représentations, le repos dominical apparaît donc encore comme une journée familiale « traditionnelle » pour beaucoup, mais aussi, pour d’autres, comme une journée de solitude ou encore comme une journée de recomposition des familles. L’idée des réunions familiales exceptionnelles renvoie, elle, à l’image des retrouvailles organisées à l’occasion d’un événement particulier de type baptême, mariage, anniversaire, grand repas de famille, passage d’un membre de la famille dans la région, etc. Il faut noter que le travail dominical ne peut empêcher de telles réunions que s’il est systématique, non s’il est occasionnel (quelques dimanches au cours de l’année). Cela peut indiquer une piste de réflexion pour les partenaires sociaux et le législateur.

Le dimanche n’est déjà plus un jour sans consommation

On ne peut pas dire que le dimanche est un jour de consommation comme les autres. Cependant, au fil des années, il est évident que le rôle joué par la consommation est devenu de plus en plus important dans l’organisation des dimanches. D’une manière générale, on l’a dit, l’apparition d’une société des loisirs conduit de facto à combiner du temps libre avec la consommation à travers l’engagement dans des types d’activité qui supposent bel et bien la consommation de biens et de services : tourisme, sports, cinéma, musées, alimentation, parcs de loisirs, spectacles, expositions, etc. Une fois encore, ici, le repos des uns génère l’activité des autres. On peut d’ailleurs considérer que la loi sur la RTT a favorisé cette évolution vers une société de loisirs, contribuant ainsi à l’extension du travail dominical.

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

VII Partie

Préserver les salariés de l’obligation de travailler

Les salariés ne rejettent pas le travail dominical, mais ils redoutent l’obligation de travailler le dimanche. Cette crainte empêche l’avènement d’un débat serein et fructueux. Pour les salariés déjà concernés, le soutien à la possibilité de travailler le dimanche devient massif (66%) dès lors qu’il est clairement établi que cela repose sur une base volontaire. L’arrière-pensée est constituée d’une crainte : celle de devoir un jour travailler le dimanche sans compensation… c’est-à-dire celle de devoir un jour travailler sept jours sur sept. Le débat sur le thème du travail dominical se détend considérablement dès lors que sont introduits des mécanismes de compensation, à la fois sous la forme d’une rémunération majorée et sous la forme d’un aménagement du temps hebdomadaire de travail permettant de récupérer une journée de congés parmi les autres jours de la semaine. On voit d’une autre manière que les salariés accordent plus d’importance au principe du volontariat qu’au fait de travailler ou non un dimanche : 62% des salariés concernés sont d’accord avec la proposition « Les jeunes salariés qui le souhaitent devraient pouvoir travailler le dimanche car ils n’ont pas d’enfants à charge », mais 70% ne sont pas d’accord avec la proposition « On devrait réserver le travail le dimanche aux salariés qui n’ont pas d’enfants ».

Source :

Source : enquête Fondation pour l’innovation politique-IFOP, décembre 2008.

Notons que cette dernière réponse peut se comprendre comme un attachement au respect du volontariat, mais aussi, et bien différemment, comme le souci d’éviter qu’une voie d’accès à l’emploi soit fermée aux actifs ayant des enfants à charge. Cette interprétation est nourrie par le fait que, inversement, 41% des salariés âgés de 18 à 24 ans sont favorables à l’idée de réserver le travail le dimanche aux salariés qui n’ont pas d’enfants… c’est-à-dire à eux-mêmes ! Le développement du travail le dimanche favoriserait probablement l’accès des jeunes à un premier emploi, dans la mesure où ils ont moins souvent une famille à charge, en leur fournissant un avantage comparatif sur leurs aînés, qui pourrait être de nature à compenser en partie le déficit d’expérience que les employeurs leur opposent régulièrement.

Dominique REYNIÉ
Directeur général de la Fondation pour l’innovation politique
Professeur des universités (Sciences Po Paris)

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