Introduction
Une production de plus en plus inefficientes
Le coût politique élevé de la réduction des dépenses
La réforme de la fiscalité, une alternative politique viable
Une fiscalité erratique, tiraillée entre des objectifs contradictoires
La mosaïque de la fiscalité des revenus
La complexification des prélèvements sur les revenus
L’inefficacitĂ© Ă©conomique de l’impĂ´t
L’échec marqué des dépenses fiscales
Rebâtir une fiscalité directe adaptée aux exigences
Un impĂ´t Ă deux taux avec une assiette Ă©largie
La suppression de toutes les niches et les modalités de calcul de l’impôt
Un calendrier de transition optimisé
Un impôt créateur de richesses
La fin de l’hypocrisie du financement de la Sécurité sociale
Un impĂ´t plus redistributif et Ă©galitaire
La refondation du consentement à l’impôt
L’utilisation de l’impôt proportionnel à l’étranger
La réforme en cinq grandes questions
Quel est le fonctionnement de ce nouvel impĂ´t universel ?
Quel est l’impact économique de ce nouvel impôt ?
La courbe de Laffer existe-t-elle ?
La fiscalité doit-elle redistributive ?
Ce nouvel impôt permettra-t-il de recréer le consentement à l’impôt ?
Résumé
Un think tank libéral, progressiste et européen
La Fondation pour l’innovation politique offre un espace indépendant d’expertise, de réflexion et d’échange tourné vers la production et la diffusion d’idées et de propositions. Elle contribue au pluralisme de la pensée et au renouvellement du débat public dans une perspective libérale, progressiste et européenne. Dans ses travaux, la Fondation privilégie quatre enjeux : la croissance économique, l’écologie, les valeurs et le numérique.
Le site www.fondapol.org met à la disposition du public la totalité de ses travaux ainsi qu’une importante veille dédiée aux effets de la révolution numérique sur les pratiques politiques (Politique 2.0).
Par ailleurs son blog « Trop libre » offre un regard critique sur l’actualité en précisant les bases factuelles du débat public, en rendant compte de nombreux ouvrages et en revisitant la tradition libérale, dans un contexte où les controverses se multiplient sur des enjeux collectifs essentiels.
La Fondation pour l’innovation politique est reconnue d’utilité publique. Elle est indépendante et n’est subventionnée par aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et privées. Le soutien des entreprises et des particuliers est essentiel au développement de ses activités.
Robin Rivaton,
Économiste, membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique
Diplômé de sciences po et de l’esCp europe, Robin Rivaton, 26 ans, est membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique. passionné par la vie des idées, il publie très régulièrement tribunes et éditoriaux dans les grands quotidiens et intervient dans les médias. Économiste de formation, ses recherches portent principalement sur la compétitivité, l’industrie, le progrès et les nouvelles technologies. il a notamment popularisé les thèmes de la robotisation et de l’obsolescence de l’outil industriel français.
Introduction
In Écrits économiques de Voltaire, édités par l’institut Coppet, introduits et annotés par Benoît Malbranque, Paris, 2013, p. 197.
« Il me paraît que votre secret est surtout de diminuer les impôts pour augmenter la recette. Vous confirmez cette vérité, qu’on pourrait prendre pour un paradoxe, en rapportant l’exemple de ce que vient de faire un homme plus instruit peut-être que Sully, et qui a d’aussi grandes vues que Colbert, avec plus de philosophie véritable dans l’esprit que l’un et l’autre [Turgot]. Pendant l’année 1774, il y avait un impôt considérable établi sur la marée fraîche ; il n’en vint, le carême, que cent cinquante-trois chariots. Le ministre dont je vous parle diminua l’impôt de moitié ; et cette année 1775, il en est venu cinq cent quatre-vingt-seize chariots ; donc le roi, sur ce petit objet, a gagné plus du double ; donc le vrai moyen d’enrichir le roi et l’État est de diminuer tous les impôts sur la consommation ; et le vrai moyen de tout perdre est de les augmenter. »
Voltaire, Diatribe à l’auteur des Éphémérides, 17751.
Les grandes réformes nécessaires au redressement de la France ont été largement documentées et étudiées. Il me semble que les tentatives de réforme du poids de la sphère publique par le volet des dépenses sont politiquement difficiles. Il est beaucoup plus simple de favoriser la croissance de l’économie globale. Les deux seules réformes que devraient avoir en tête gouvernants et aspirants gouvernants sont les libérations conjointes des facteurs de production, travail et capital, qui ne prospèrent plus en France. La réforme de la fiscalité est donc, avec la libéralisation du marché du travail, une absolue nécessité. La paralysie antérieure oblige désormais à des réformes massives et disruptives qui, seules, permettront de sortir de l’ornière. Mais, vu la situation préoccupante de la dette publique, ces réformes doivent être réalisées à coût zéro, avec un impact neutre en termes de recettes fiscales.
L’idée est de recréer une fiscalité directe des ménages incitative au travail et à l’investissement, lisible et juste. Ce nouvel impôt universel remplacerait impôt sur le revenu, CSG, CRDS, prélèvements sur les capitaux mobiliers et impôt de solidarité sur la fortune (ISF). La mesure emblématique de cette réforme serait la suppression de toutes les niches fiscales. L’idée est de déchirer le voile qui s’est déposé sur l’impôt, sujet technique, opaque pour les citoyens et les représentants politiques qui préfèrent le laisser aux mains d’experts.
Tout le monde s’accorde à dire que le poids de l’État est trop important. Ce poids peut être appréhendé soit par le volet dépenses, soit par le volet recettes, à savoir la fiscalité, l’endettement assurant la soudure entre les deux postes.
Une production de plus en plus inefficientes
La dépense s’articule autour des transferts sociaux de redistribution et  de l’argent collecté au titre du fonctionnement des services publics. Le sentiment est que la production de services publics n’est pas efficiente, ni même efficace, se réalisant à un coût trop élevé. Preuve en est avec l’étude Eurofound sur la perception de la qualité des services publics. Si la France se retrouve au-dessus de la moyenne pour les services publics de santé (6,9 contre 6,3 sur 10), elle n’est que le onzième pays le plus satisfait. Pour l’éducation, le constat est cinglant : seizième pays le plus satisfait, les Français jugent leur système plus sévèrement que la moyenne des Européens (6,1 contre 6,3). Dans l’ensemble, le mythe des services publics « à la française » est durement écorné parmi nos concitoyens, les différents services se situant à peine au-dessus de la moyenne de l’Union européenne dans laquelle se trouvent nombre de pays d’Europe de l’Est et du Sud, où l’investissement dans les services publics est limité. La France se classe très loin des niveaux de satisfaction des pays scandinaves dans lesquels le pourcentage de la dépense publique pourrait être comparable. Dans le détail, les transports publics recueillent le huitième plus haut taux de satisfaction, avec une note de 6,6 contre 6,4 pour la moyenne de l’Union, le système de logement social arrive en onzième position (5,6 contre 5,4), le système de retraites se place en treizième position (5 contre 4,9) quand le système de crèches et de garde d’enfants ne peut faire mieux que la quinzième position (6,3 contre 6,2). La solution est donc d’améliorer drastiquement la productivité des services publics en externalisant un certain nombre de missions vers le secteur privé et en réformant le statut de la fonction publique. Cette réforme nécessaire exige un soutien populaire fort, car elle implique une transformation quantitative et qualitative d’ampleur, concernant plusieurs millions de fonctionnaires et d’élus. Une telle transformation se complétera de mesures d’accompagnement social et d’un effet d’apprentissage pour les prestataires privés qui représenteront un coût supplémentaire pour les finances publiques pendant une période de transition de plusieurs mois.
Le coût politique élevé de la réduction des dépenses
Le second pilier de dépenses est constitué par les prestations sociales. Elles sont politiquement sensibles, pour deux raisons : d’une part, irriguant largement la société et un certain nombre d’entre elles n’étant pas conditionnées aux revenus – allocation premier logement, allocations familiales, etc. –, elles sont perçues comme le juste retour d’une contribution fiscale importante de la part des classes moyennes et supérieures ; d’autre part, une partie d’entre elles sont fléchées en direction de populations particulièrement fragiles et les conséquences économiques de leur réduction pourraient se révéler dommageables avec des structures figées empêchant l’accès au marché du travail.
Le volet des dépenses se révèle donc un objet de réforme tout à la fois d’une très grande complexité sur le plan administratif et sur le plan politique, car il se traduit par la destruction immédiate de nombreuses rentes. À cet égard, il semble hautement improbable de bâtir une plateforme électorale capable d’emporter l’adhésion majoritaire, d’autant plus que le corps électoral ne reflète pas le corps social et surreprésente les rentiers. Parce qu’elle constitue un coup à deux bandes – dans un premier temps, la baisse des dépenses a un impact négatif, avant de permettre ensuite la baisse des impôts –, le message est moins positif et plus faiblement mobilisateur. En outre, la conséquence de la baisse des dépenses doit avant tout être la baisse des charges sociales. Or, on voit bien que les démarches initiées en ce sens, comme la suppression des charges alimentant la branche famille de la Sécurité sociale, sont partielles. Une réduction de 30 milliards d’euros ne suscitera pas un effet suffisant pour une réduction du poids de la sphère publique, celui-ci transparaissant vraisemblablement autour d’une réduction proche de 100 milliards. Les seuls leviers efficaces, neutres en termes de dépenses et de recettes publiques, dont nous disposons sont la réforme de la fiscalité et la libéralisation du marché du travail.
La réforme de la fiscalité, une alternative politique viable
À l’inverse, une amélioration de la fiscalité directe si elle conduit à une baisse de la complexité et génère des incitations économiques vertueuses pour les acteurs économiques est plus susceptible d’emporter l’adhésion populaire. Les hausses répétées de la fiscalité entre 2009 et 2014 ont conduit à une exaspération de nature à rompre le consentement à l’impôt et se traduisant par des manifestations violentes comme en Bretagne, où l’écotaxe a servi d’exutoire pour dénoncer le rôle évident de la fiscalité dans la dégradation de la compétitivité de l’outil industriel agroalimentaire. Au vu de la nécessaire trajectoire de redressement des comptes publics, la fiscalité devrait occuper le cœur des prochaines campagnes politiques de 2014 à 2017.
Beaucoup pensent que la fiscalité est irréformable, car le système, qui doit fournir à l’État les moyens de mener les politiques publiques, ne saurait survivre à des interruptions. La grande réforme fiscale annoncée par le Premier ministre le 18 novembre 2013 n’a pour l’instant pas accouché. Mais cette vision paralysante du changement qu’opposent généralement Bercy et ses administrateurs ne doit pas résister au besoin de renouvellement massif des programmes. S’il existe un seul avantage à avoir autant attendu avant de mener des réformes, à nous être enfoncé aussi profondément dans la crise, c’est la possibilité à présent d’être radical. Les réformes parcellaires, qui conduiraient à des évolutions à la marge, comme la fusion de l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée annoncée par le Premier ministre le 18 novembre 2013, en maintenant la structure de taux, ne sont pas acceptables. À l’heure où tous disent que cela est impossible, seule une réforme obligeant à faire un saut conceptuel permettra de passer au-dessus des questions pratiques. L’idée est de redonner à l’impôt sa mission première, à savoir dégager pour l’État des recettes maximales pour un coût de collecte minimal afin de financer des politiques publiques. Sa seconde mission est d’être acceptable, stable et compréhensible pour les ménages afin qu’ils puissent formuler des anticipations libres et rationnelles face à l’avenir.
Une fiscalité erratique, tiraillée entre des objectifs contradictoires
La réforme que nous proposons vise d’abord à rendre à la fiscalité directe des ménages la place qu’elle mérite. Elle ne concerne pas la fiscalité indirecte, TVA et impôt sur la consommation, dont la relative jeunesse préserve la cohérence, ni les cotisations sociales qui servent au financement de la protection sociale et dont l’allègement ne se fera que par un transfert sur une fiscalité directe assainie et renouvelée.
Depuis une vingtaine d’années, on observe une évolution progressive des objectifs de la fiscalité et du rôle donné à l’impôt. Alors que la fiscalité a été initialement constituée comme un instrument politique procurant aux pouvoirs publics les ressources financières indispensables pour déployer leur politique, cette mission a progressivement été dévoyée vers deux autres objectifs qui ont progressivement réduit l’efficacité de l’impôt en vue de générer des recettes fiscales. D’une part, l’impôt s’est vu attribuer une mission de redistribution, visant à ce que les plus riches, aussi bien en revenu qu’en patrimoine, contribuent davantage que les plus pauvres. Cet aspect a été dévoyé jusqu’à prendre la forme d’une imposition sanction, avec la taxe sur les hauts revenus à 75 % et un rôle purement symbolique visant à marquer une barrière maximale de revenu toléré, puisque la perte de recette fiscale introduite par ce mécanisme était connue et assumée. D’autre part, la fiscalité a été rendue incitative, amenant les contribuables à modifier leur comportement dans le sens voulu par le législateur ou à intégrer les coûts externes dans le calcul économique, conduisant ainsi à de meilleures décisions tant en termes de production que de consommation. Ce mécanisme suppose que les autorités publiques aient une vision supérieure à celle l’intelligence collective, ce qui n’a pas été prouvé. Dans son ouvrage The Tyranny of Utility. Behavioral Social Science and the Rise of Paternalism2, l’économiste Gilles Saint-Paul montrait comment les développements les plus récents de l’économie comportementale avaient favorisé la mise en place de mesures paternalistes prises par les pouvoirs publics qui visent à réguler les choix individuels. Les dérives de l’impôt vers ces deux missions se sont réalisées au détriment de la collecte de ressources.
La mosaïque de la fiscalité des revenus
Le sujet oppose le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel qui, dès 1990, en validant la création de la Csg l’ont qualifiée d’impôt, à la Commission européenne et à la Cour de cassation, pour lesquelles la Csg est et demeure une cotisation sociale.
La fiscalité est devenue de plus en plus importante au fur et à mesure de l’augmentation des dépenses de l’État et des administrations. Sans refaire une chronologie connue de la hausse des dépenses publiques, plusieurs impôts ont été ajoutés afin d’aboutir à une imposition directe des ménages de plus en plus complexe. La fiscalité s’est enfoncée dans une crise profonde. Les sources de l’impôt ont varié entre revenus du travail, revenus du capital et patrimoine. Il est devenu très difficile de déterminer la nature exacte de l’outil de prélèvement, car la multiplication byzantine des formes d’imposition a brouillé le départ entre fiscalité et parafiscalité, entre taxe, redevance et impôt. Enfin, l’affectation des ressources collectées s’est obscurcie, entre les cotisations sociales qui servent à financer les régimes de protection sociale et des impôts qui ont vu leur destination fléchée.
Pour faire une présentation très succincte, qui ne vise pas à refléter le système dans son intégralité mais plutôt à montrer la mosaïque d’outils disparates qui constitue l’imposition des revenus aujourd’hui, nous pouvons distinguer les impôts suivants :
- Le cœur philosophique de l’édifice reste l’impôt sur le revenu mis en place à partir de 1914 pour moderniser le système fiscal de l’État et assumer les dépenses engendrées par l’effort de guerre. L’impôt sur le revenu est la deuxième source budgétaire de l’État après la TVA, avec 67 milliards d’euros de recettes attendues en 2013, soit 1 860 euros par foyer Il est prélevé sur les ménages – ou plutôt les foyers fiscaux – en année N au titre de l’année N–1. Quelques 18,94 millions de foyers fiscaux sur 36 millions recensés ont été imposés en 2013 au titre des revenus 2012 (ce chiffre était de 18,1 millions en 2012 et de 17,2 millions en 2011), témoignant d’un fort dynamisme dû au gel du barème de l’impôt. L’assiette retenue est le revenu net global, c’est-à -dire la somme des revenus catégoriels nets du montant des charges déductibles nécessaires à l’acquisition des revenus. L’imposition a lieu avec un an de décalage et nécessite des ajustements eu égard aux écarts de revenus d’une année sur l’autre. L’impôt sur le revenu repose sur un double axiome : la progressivité et la redistributivité. L’impôt sur le revenu est en effet progressif, divisé en tranches d’imposition : 0 % au-dessous de 5 963 euros, 5,5 % jusqu’à 11 896 euros, 14 % jusqu’à 26.420 euros, 30 % jusqu’à 70 830 euros, 41 % jusqu’à  149 999 euros et 45 % au-delà . L’impôt est calculé au niveau du foyer fiscal et, dans une logique de redistribution horizontale, il est « familialisé » pour tenir compte de sa composition. L’application des quotients conjugal et familial fait ainsi partie intégrante de la norme. Le règlement de l’impôt sur le revenu s’effectue soit par défaut lors de trois tiers provisionnels, en février, mai et septembre, soit de manière mensualisée, de janvier à octobre, par prélèvements automatiques par dixièmes, le réajustement éventuel du solde s’opérant sur les mois de novembre et de décembre. Au total, 71 % des contribuables sont aujourd’hui sous le régime de la mensualisation. C’est un impôt dont la vocation est de financer le budget général de l’État.
- Les revenus des capitaux mobiliers et immobiliers étaient soumis au régime de l’impôt sur le Toutefois, la majeure partie d’entre eux subissaient jusqu’en 2012 un régime dérogatoire qui fonctionnait via une triple imposition, représentant environ 10 milliards d’euros : prélèvement social de 4,5 %, prélèvement de solidarité de 2 % et contribution additionnelle affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). La loi de finances 2013 du 20 novembre 2012 a remplacé le prélèvement forfaitaire pour l’imposition des dividendes, des intérêts et les plus-values mobilières et immobilières par le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Une partie de l’épargne, dite épargne réglementée, a été plus ou moins exemptée de fiscalité par l’État : livret A, plan épargne logement, livret de développement durable, livret d’épargne populaire et compte épargne logement. Notons que la fiscalité des revenus du capital ne se limite pas à une minorité de gens riches : 94 % des ménages possèdent un patrimoine financier, parmi lesquels 44 % détiennent une assurance vie, 19 % des actions d’entreprise (PEA, Sicav, FCP) et 18 % des produits d’épargne retraite (Perp, PEP…).
- Créée en 1991, la contribution sociale généralisée (CSG) est un impôt, ou
une cotisation selon des interprétations divergentes3, dû par les personnes physiques domiciliées en France qui sert au financement de la Sécurité sociale. Ce prélèvement à la source s’opère sur les revenus du travail, du capital et les revenus de remplacement (allocations de chômage, retraite et préretraite, invalidité) de l’année N par individu. Elle est assise sur le montant brut des rémunérations, indemnités, allocations, primes, y compris les avantages en nature ou en espèce. Son taux est fixe du point de vue de la situation des individus, mais variable selon les types de revenus. Elle est partiellement déductible du revenu sur l’impôt. Elle a connu une très forte croissance en l’espace de vingt ans et rapporté 91,2 milliards d’euros en 2012, soit 26 % de plus que l’impôt sur le revenu. Sur le même modèle, en 1996, a été créée la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), afin de doter la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) en vue d’apurer la dette sociale. Elle rapporte 6,6 milliards d’euros et possède une assiette similaire à la CSG, mais concerne également les allocations logement, les prestations familiales et le revenu de solidarité active – aboutissant à une situation faisant que l’État prélève une contribution sur des revenus de redistribution. Ces deux formes d’imposition servent au financement de la branche famille de la Sécurité sociale, au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui finance le minimum vieillesse, à la branche maladie de la Sécurité sociale, à la CNSA et à la Cades qui, fin 2012, n’avait amorti que 72 milliards d’euros sur 209 milliards de dette de la Sécurité sociale.
- Le patrimoine est taxé via l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dont la collecte s’élève à 5 milliards d’euros. Il s’agit d’un impôt payé par les foyers fiscaux détenant un patrimoine net taxable supérieur à un certain seuil d’entrée au 1er janvier de l’année considérée (1,3 million d’euros en 2013). Cet impôt est progressif par tranches, avec des taux allant de 0,5 à 1,5 %, la première tranche s’appliquant à partir de 800 000 euros. S’il n’est pas un impôt sur les revenus, il est indissociable de la fiscalité des ménages par ses effets économiques désincitatifs.
Notre analyse écarte volontairement du champ de l’étude deux autres sortes d’impôts directs acquittés par les ménages :
- les impôts dits locaux, taxe d’habitation et taxe foncière, ne sont pas moins obsolètes, illisibles et injustes. La réforme des valeurs locatives, assises sur un barème vieux de plus de quarante ans, est toujours inachevée et les systèmes de péréquation permettant de corriger les inégalités entre territoires sont insatisfaisants. Pour autant, une réforme de cette fiscalité se heurterait à la remise en cause du principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales.
- l’imposition du patrimoine lors de mutations à titre gratuit, qui ne comportent la fourniture d’aucune contrepartie par leur bénéficiaire et résultent du décès ou ayant lieu entre vifs sous forme de Remarquons ainsi qu’il est délicat de distinguer ce qui relève du mérite individuel, qui doit donc être taxé de manière équitable, et ce qui relève du patrimoine, c’est-à -dire qui peut avoir été constitué par d’autres et qui, à ce titre, mérite d’être plus lourdement taxé. La distinction entre taxation des revenus et taxation du patrimoine n’est pas suffisante, car les revenus du capital peuvent être issus du patrimoine constitué par d’autres que celui qui en bénéficie. La meilleure solution est donc de ne pas taxer le patrimoine au cours de la vie de son bénéficiaire et d’en prélever une part lors de son décès pour rétablir l’égalité des chances et encourager l’initiative individuelle en récompensant le seul mérite.
La complexification des prélèvements sur les revenus
L’histoire de l’impôt sur le revenu est celle de sa complexification. En 1959, le Premier ministre Michel Debré instituait un impôt unique sur tous les revenus et comportant huit tranches de barème, allant de 5 % à 65 % ; en 1974, le nombre de tranches est porté à treize par Valéry Giscard d’Estaing ; et, en 1994, le nombre de tranches est ramené à sept, puis à cinq, avant que soit introduite récemment une sixième tranche à 45 % par le gouvernement Ayrault.
Quant à la fiscalité du capital, elle aura été sans cesse modifiée en l’espace de dix ans. Composée d’un prélèvement libératoire et de prélèvements sociaux, le premier est passé de 16 à 24 % – abaissé à 19 % pour les plus- values immobilières ou mobilières et à 21 % pour les dividendes – et les seconds de 12,1 à 13,5 % entre 2007 et 2012. L’accélération du rythme des modifications de la fiscalité traduit bien, au-delà de la nécessité d’augmenter les ressources pour l’État, la situation non optimale dans laquelle elle se trouve. Cette instabilité génère un très fort effet négatif sur les anticipations rationnelles des individus qui ne sentent pas un cadre suffisamment sécurisant pour former des décisions d’investissement, d’épargne et de consommation. Ce qui est frappant, c’est que les dernières interventions de l’État ont conduit à complexifier le système. Ces décisions, en dehors de toute considération sur ses effets économiques et les raisons politiques qui ont conduit à leur adoption, ont renforcé l’absence de lisibilité du système.
La proposition d’aligner les revenus du capital et les revenus du travail a été adoptée dans le projet de loi de finances pour 2013, mais considérablement amendée parce qu’elle n’était pas économiquement réaliste, conduisant à une destruction de capital. Des régimes dérogatoires, souvent plus avantageux qu’avant l’adoption de la loi, ont été mis en place avant même l’entrée en vigueur de la proposition. Pour les dividendes, l’abattement de la demi-base de 40 % a été maintenu et, désormais, la plupart des contribuables devront payer un acompte l’année courante, qui sera ensuite révisé, créant de la complexité de gestion. Concernant les plus-values de cessions mobilières, des abattements avantageux en fonction de la durée de détention ont été votés, limitant l’imposition totale à 44 % après six ans de détention et à 32,75 % après huit ans. Pour les plus-values de cessions immobilières, le régime est même devenu plus avantageux, en passant la durée de détention permettant une exonération de trente à vingt-deux ans et en introduisant un abattement exceptionnel supplémentaire de 25 % aux cessions réalisées entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014.
La contribution exceptionnelle de solidarité, dite taxe sur les hauts revenus, incluse dans le projet de loi de finances pour 2014 a mis longtemps pour trouver sa forme d’expression, ayant été censurée par le Conseil constitutionnel fin 2012, créant des anticipations négatives et suscitant une communication défavorable autour de la force et de la stabilité de l’impôt, sans même évoquer sa logique punitive. Elle appartiendra donc à la fiscalité des entreprises, mais son assiette sera assise sur la fraction de la rémunération supérieure à 1 million d’euros, avec un taux de 50 %. Elle s’appliquera uniquement pendant deux ans, sur les rémunérations de 2013 et 2014.
L’inefficacitĂ© Ă©conomique de l’impĂ´t
- Frank Cowel, Tax Evasion with Labor Income in Journal of Public Economics, 1985, 26 n°1, pp.19-34.
Bernard Fortin, Nadia Joubert et guy Lacroix, Offre de travail au noir en présence de la fiscalité et des contrôles fiscaux in Économie et prévision, 2004, p.164-165.
John ashworth et David ulph, Estimating Labour Supply with Piecewise Linear Budget Constraints, edition Brown, London, 1981.
Mary-anne sillamaa et Michael veal, The Effects of Marginal Tax Rates on Taxable Income: A Panel Study of the 1988 Tax Flattening in Canada, Research Report n° 354, 2000.
Charles swenson, Taxpayer Behavior in Response to Taxation: an Experimental Analysis in Journal of Accounting and Public Policy, 1988, 7, pp. 1-28.
Matthias sutter et Hannelore Weck-Hannemann, Taxation and the Veil of Ignorance: A Real Effort Experiment on the Laffer Curve in Public Choice, 2003, 115, pp. 217-240.
Louis Lévy-garboua, David Masclet et Claude Montmarquette, Fiscalité et offre de travail : évidence expéri- mentale in Économie et Prévision, 2006, n° 175-176.
Évaluer l’efficacité de l’impôt est un exercice difficile. En s’attachant à ce que serait le « juste » niveau d’imposition, sans accorder une trop grande importance au concept que représente la courbe Laffer, il est tout à fait certain qu’au-delà d’un certain taux les individus sont tentés de réaliser des arbitrages rationnels, décidant de ne pas gagner de revenu marginal et estimant la taxation injuste. Au-delà d’un certain niveau d’imposition, l’augmentation des impôts a pour résultat d’en réduire le produit plutôt que de l’accroître ou, a minima, d’en réduire l’efficacité marginale. Cela s’est déjà traduit en France dans le budget 2013, où les prévisions budgétaires se sont retrouvées plus basses qu’anticipées par les services du ministère de l’Économie et des Finances. Quelques exemples inverses peuvent être mobilisés, notamment aux États-Unis, en 2004-2005, quand des mesures de réduction d’impôt sont entrées en vigueur provoquant une hausse des recettes fiscales de 10 %, au Royaume-Uni, entre 1985 et 1986, quand la tranche marginale de l’impôt sur le revenu diminua de 83 à 40 %, ou de 66 à 33 % en Nouvelle-Zélande entre 1987 et 1989, ce qui engendra une hausse des recettes fiscales. De nombreuses études théoriques ont montré que des niveaux élevés d’imposition peuvent conduire les contribuables  à modifier leur comportement en fraudant, en installant leur foyer fiscal  à l’étranger pour bénéficier des conditions fiscales plus favorables, en ne déclarant pas leurs revenus (Cowel4 ; Fortin, Joubert et Lacroix5) ou encore en réduisant leur offre de travail.
Ce dernier effet a été largement étudié. Ashworth et Ulph6 ont mis en lumière qu’une baisse du niveau de taxation amène un surplus d’offre de travail. Le seuil désincitatif dépendant de considérations subjectives relatives au travail, à l’effort, à la volonté d’enrichissement et à la valorisation du temps libre, tous les individus ne sont pas identiquement sensibles face au niveau de taxation. Sillamaa et Veal7, en étudiant respectivement des données canadiennes et américaines, ont montré que les catégories de population les plus âgées, les travailleurs indépendants ou les catégories avec de hauts revenus sont les groupes socio-économiques les plus sensibles aux changements de taxes. La corrélation entre niveau de taxation et offre de travail a été démontrée par Swenso8 dans une expérience en effort réel où les sujets réduisaient leur offre de travail à partir du taux de 28 %. Des résultats similaires ont été obtenus par Sutter et Weck Hannemann9. Enfin, dans une étude récente, Lévy-Garboua, Masclet et Montmarquette10 ont mis en évidence l’existence d’un point de retournement (sommet de la courbe de Laffer), situé à un taux compris entre 50 et 65 % du revenu. En outre, l’impôt collecté est une somme d’argent qui aurait été épargnée ou consommée et qui a donc un impact négatif sur la taxation indirecte de la consommation à court terme ou de la taxation directe de l’épargne à moyen terme.
Le seuil désincitatif dépend aussi de considérations objectives relatives à la comparaison des taux avec d’autres pays. Sur des assiettes importantes, l’écart entre les taux peut se révéler suffisamment élevé pour justifier une installation à l’étranger. Ce qui est communément appelé « exil fiscal » renvoie pour l’essentiel à une fiscalité des revenus et du patrimoine trop défavorable. L’exil fiscal et patrimonial résulte d’une taxation du capital  et du patrimoine insoutenable – la plus élevée d’Europe –, conséquence d’une hausse continue des prélèvements ces dix dernières années et qui rend nécessaire un taux de rentabilité minimal de 9 % pour résister aux effets du temps et l’impôt. En 2010, en ne comptant que les départs dans le cadre légal, plus de 700 foyers fiscaux redevables de l’ISF, représentant une base imposable de 1,7 milliard d’euros, ont quitté la France. L’économiste Christian Saint-Étienne évalue l’exil fiscal causé par l’impôt sur la fortune à 0,3 % de croissance annuelle et la perte d’emplois à 500 000 depuis 2000. D’après les calculs de la Fondation Concorde, le patrimoine exporté à l’étranger par 12 000 foyers de grandes fortunes représenterait environ 400 milliards d’euros. Rappelons à ce sujet que, d’après une enquête Ipsos-CGI pour Le Monde, en novembre 2013, 45 % des Français approuvent, à titre personnel, la décision de Français de s’installer à l’étranger afin de payer moins d’impôts et 61 % se disent opposés à une hausse de la taxation du capital. Cette proportion, supérieure à celle des Français effectivement redevables de l’impôt sur le revenu, montre que la compréhension des ravages causés par la surimposition du capital est largement partagée.
L’efficacité de l’imposition peut aussi se mesurer à la lumière du rendement, rapport entre les coûts de l’administration fiscale et le montant d’impôt collecté. Il y a en France deux fois plus de fonctionnaires fiscaux qu’en Grande-Bretagne en dépit de populations quasiment identiques. Au surplus, en détournant les équipes de fonctionnaires des impôts de la mission de contrôle, la complexité génère des coûts induits de non-répression de la fraude fiscale.
L’échec marqué des dépenses fiscales
Thomas Berns, Jean-Claude Dupont et Mikhaïl Xifaras (dir.), Philosophie de l’impôt, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 14.
À des fins d’incitation économique ou d’équité sociale, les règles d’imposition connaissent des dérogations visant à alléger la charge fiscale de certaines populations de contribuables ou de certains types d’opérations. De la même manière que les dépenses publiques, ces allégements représentent des charges pour le budget de l’État. En 1979, le Conseil des impôts a consacré la notion de « dépenses fiscales » en tant que « dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à -dire des principes généraux du droit fiscal français ». Cette définition a été retenue par le Parlement dans l’article 32 de la loi de finances pour 1980. La dépense fiscale ne doit donc pas être trop ancienne et ne doit pas s’appliquer à la grande majorité des contribuables, auquel cas elle serait considérée comme la norme. Ces dépenses fiscales ont progressivement été désignées comme des « niches fiscales » pour en souligner le caractère spécifique à quelques populations.
Ces niches fiscales sont de deux ordres : verticales ou horizontales. Les niches verticales, ou actives, invitent le contribuable à modifier son comportement économique d’investissement ou d’épargne afin de bénéficier du dispositif fiscal dérogatoire. La niche fiscale représente une contrepartie assurée par l’État au nom du risque pris par le contribuable. À l’inverse, les niches horizontales, ou passives, ne nécessitent pas d’action spécifique de la part du bénéficiaire mais s’appliquent selon une situation objective. La multiplication de ces niches traduit bien la volonté de l’État d’interférer dans les choix individuels en changeant les règles d’arbitrages rationnels. L’État utilise la fiscalité pour modifier les comportements individuels. Cependant, la doctrine fiscale ne permettant pas de fragmenter la fiscalité en fonction des situations particulières, l’outil d’intervention privilégié a résidé dans les dépenses fiscales, autrement dit des provisions du droit fiscal, des réglementations ou des pratiques réduisant ou reportant l’impôt dû pour une petite partie des contribuables par rapport au système fiscal de référence. Ces interventions ne portent que sur l’impôt sur le revenu du travail et du capital, la CSG et la CRDS en étant exemptes, ce qui montre la facilité à modifier l’impôt le plus ancien et le plus complexe alors que la simplicité de la CSG-CRDS lui offre une protection contre la complexification. Il existait près de 190 niches fiscales concernant les ménages en 2013. Une partie des niches concerne indistinctement les entreprises et les ménages. Les indépendants exerçant, en leur nom propre, une activité commerciale, industrielle ou artisanale déclarent des bénéfices industriels et commerciaux imposables par l’impôt sur le revenu. Ainsi une mesure comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi représente en partie une atténuation des recettes fiscales pour l’impôt sur le revenu. Considérant l’impossibilité de séparer finement les bénéficiaires, nous avons décidé de nous concentrer sur les seules niches directement imputables à l’impôt sur le revenu, en y ajoutant le prêt à taux zéro et le prêt à taux zéro renforcé PTZ+, destinés à financer l’acquisition d’une résidence principale en première accession à la propriété. Les niches s’élèvent donc à 38,1 milliards pour l’année 2013, dont 9,1 milliards sous forme de crédit d’impôt et 5,9 milliards sous forme de réduction d’impôt. Moins de 1 milliard concerne l’ISF. Elles représentent la moitié de l’ensemble des dépenses fiscales.
Ces niches ne se traduisent pas par un accroissement des dépenses publiques, puisqu’il s’agit simplement d’une minoration d’impôt, qui est ainsi collecté net. Néanmoins, les crédits d’impôt sur le revenu peuvent faire l’objet d’une restitution lorsque ces crédits dépassent le montant d’impôt dû. C’est le cas notamment de la prime pour l’emploi (PPE). Le montant global de la prime s’est établi à 2,84 milliards d’euros en 2012 et à 2,44 milliards en 2013. Un cinquième vient en déduction de l’impôt à payer par les redevables, le reste est reversé sous forme d’un impôt négatif matérialisé par un versement monétaire aux ménages. Une première estimation du nombre de foyers bénéficiaires de la PPE conduit à un nombre de 6,1 millions de foyers qui resteraient bénéficiaires après imputation du RSA complément d’activité, avec un avantage moyen estimé à 435 euros. Au-delà de la PPE, les transferts aux ménages sont essentiellement constitués de la part restituée des crédits d’impôt pour dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et de développement durable, pour les frais de garde des enfants âgés de moins de six ans, au titre de l’emploi d’un salarié à domicile et au titre des intérêts d’emprunt supportés à raison de l’acquisition ou de la construction de l’habitation principale. Ces dépenses font l’objet d’une forte réduction sous l’impulsion des pouvoirs publics, qui restreignent les champs d’application de ces crédits. Dans ces conditions, les restitutions financières de crédits d’impôt ne devraient pas excéder 1 milliard d’euros en 2013, contre 1,9 milliard en 2012 et 2,5 milliards en 2011.
L’analyse fine de l’efficacité économique de ces niches n’a jamais été réalisée, sans même parler de leur disparition au profit d’une baisse généralisée des dépenses. Les niches fiscales fonctionnent sur l’idée que les anticipations rationnelles que forment les individus pourraient ne pas aboutir à un équilibre optimal pour la société. Si un certain nombre d’entre elles, étudiées individuellement, semblent avoir un réel intérêt, elles ne sont bien souvent que les palliatifs d’un système fiscal à bout de souffle, leur gestion impliquant l’intermédiation par des agents publics. Ainsi les différentes niches pour les revenus du capital sous l’aspect d’un geste favorable de  la part de l’administration ne sont que le corollaire d’une imposition qui serait juridiquement confiscatoire et économiquement irréaliste si elle était maintenue en l’état. Ces dernières années, les variations autour de l’épargne ont fait circuler des masses monétaires considérables de l’assurance vie vers le livret A, permettant d’offrir une source de financement bon marché pour les obligations françaises. En 2012, le livret A a enregistré une collecte nette record de 28,2 milliards d’euros, tandis que celle du livret de développement durable (LDD) a atteint 21 milliards.  Sur les onze premiers mois de 2013, la collecte nette s’est établie à 11,8 milliards d’euros. À la fin novembre, les sommes déposées sur le livret A et le livret de développement durable atteignaient 361 milliards d’euros pour un excédent de ressources proche de 100 milliards d’euros, ce surplus étant placé pour l’essentiel en obligations d’État françaises. Autre illustration des systèmes complexes mis en place par l’État, le livret d’épargne populaire ne concernait à la fin 2012 que 37 % des Français éligibles. L’Observatoire de l’épargne réglementée expliquait le recul tendanciel de ce produit par la difficulté pour une partie des personnes physiques à fournir annuellement l’importante documentation administrative requise. Ces complexités bureaucratiques sont autant de freins à la constitution d’un secteur financier et d’épargne efficace.
Du fait des populations réduites de bénéficiaires qu’elles impliquent, les niches peuvent difficilement prétendre à la notion d’équité sociale. En outre, leur existence a conduit à rendre la fiscalité incompréhensible pour nombre de citoyens. L’investissement en temps et en connaissance pour en profiter a donné naissance à des professionnels entièrement dédiés     à l’optimisation fiscale des revenus et le coût associé à ces services et les montants d’investissement pour profiter de ces niches en réservent l’usage aux ménages ou individus les plus aisés. Cette situation a conduit à rendre le taux de prélèvement décroissant, autrement dit les ménages ayant les revenus les plus importants payent moins d’impôts. C’est la position que soutient Thomas Piketty, contempteur des inégalités, en soulignant que la fiscalité des ménages devient franchement régressive au sein des 5 % les plus riches, soit 2,5 millions de personnes, et surtout à l’intérieur des 1 % les plus riches, soit 500 000 personnes. Les objets d’antiquité de plus de cent ans d’âge, les objets d’art ou de collection sont totalement exonérés de l’ISF, alors même qu’ils sont une réserve de spéculation importante. Le montant de cette niche n’est d’ailleurs pas communiqué par l’administration fiscale. Notons que les différents gouvernements disent s’être déjà engagés dans une logique de réduction d’un certain nombre de dépenses fiscales afin de maximiser le montant collecté par l’impôt sur le revenu. Dans le projet de loi de finances 2014, il est ainsi envisagé de supprimer la réduction d’impôt sur le revenu pour frais de scolarité dans l’enseignement secondaire et supérieur pour un gain de 230 millions d’euros. Un rapport a été rendu  en août 2011 par l’Inspection générale des finances donnant une note d’efficacité à plus de 470 dépenses fiscales et 68 niches sociales. La Cour des comptes prône notamment un réexamen systématique de niches fiscales jugées peu efficaces, parmi lesquelles le crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants, notant que 20 % des bénéficiaires les plus aisés captent 30 % de ce montant ; des investissements outre-mer, ces dispositifs accordant au contribuable investisseur une réduction d’impôt supérieure au montant de son apport ; l’exonération d’impôt sur le revenu du salaire des apprentis ; l’abattement de 10 % pour frais professionnel des retraités. Pourtant, le montant des niches a sensiblement peu évolué ces cinq dernières années, passant de 38,6 à 38,1 milliards d’euros entre 2008 et 2013. En outre, supprimer les niches sans revoir l’intégralité du mode de fonctionnement de la fiscalité revient à accroître les prélèvements obligatoires, et donc une pression fiscale dont les effets négatifs ont été illustrés ci-dessus.
Au-delà des niches, il existe des modalités particulières de calcul de l’impôt. La plus connue est le quotient familial. Créé en 1945, ce mode de calcul est peu répandu, puisque seuls le Portugal et le Luxembourg fonctionnent de manière similaire. Le quotient familial vise à assurer une équité fiscale en fonction des charges dues à la composition familiale du foyer fiscal. Chaque adulte se voit attribuer une part fiscale et l’impôt sur le revenu  est obligatoirement « familialisé », c’est-à -dire que les revenus des deux membres du couple sont fusionnés et un taux d’imposition est fixé sur l’ensemble. Mais, plus encore, le quotient familial fonctionne comme un outil de redistribution horizontale entre les ménages sans enfants et les ménages avec enfants, en attribuant aux enfants une part fiscale, 0,7 pour le premier enfant, 0,5 pour les suivants. La logique est d’aider les ménages décidant d’être parents à assumer les frais supportés par leurs enfants,  en tenant compte des économies d’échelle que génère l’augmentation du nombre de personnes dans un même foyer.
Selon la doctrine fiscale, l’impôt est un prélèvement financier obligatoire, généralement pécuniaire, exigé des particuliers, en fonction de leurs capacités contributives, par la puissance publique, autoritairement, d’après une procédure et des règles fixes, à titre définitif, et sans contrepartie immédiate, en vue de la couverture des charges publiques et de la poursuite d’une politique économique et sociale. Au regard de cette définition, la situation de la fiscalité des revenus qui s’offre à nos yeux est peu reluisante. Je ne peux que citer ce qu’écrivent les auteurs de Philosophie de l’impôt :
« L’impôt est devenu un sujet entièrement technique, sur lequel s’est posé un voile, le rendant opaque aux citoyens comme aux représentants du peuple par son effroyable complexité ; la science fiscale est sans principes, la matière est entièrement dépolitisée, pour le plus grand profit des experts de l’administration fiscale et des techniciens passés maîtres dans l’art de diminuer légalement l’impôt des plus gros contributeurs11. »
Outre le fait qu’elle ne réponde plus à l’impératif initial d’efficacité et d’équité, la fiscalité n’est donc plus adaptée aux exigences de la situation économique actuelle. La fiscalité ne prend pas en compte les possibilités d’instantanéité des nouvelles technologies de l’information et de la communication, elle a un coût élevé en période de réduction des moyens publics, ne répond pas à l’exigence de transparence et de simplicité exigée par les citoyens, et porte sur une unité d’imposition, le ménage, qui ne rend pas compte de l’individualisation croissante de la société.
Rebâtir une fiscalité directe adaptée aux exigences
Un impĂ´t Ă deux taux avec une assiette Ă©largie
Sans rentrer dans de complexes subtilités statistiques, la mesure du revenu disponible brut présentée ici correspond à un concept macroéconomique de la Comptabilité il se distingue des données microéconomiques du revenu disponible mesurées au travers de l’enquête revenus fiscaux (eRF). Les écarts entre les deux approches s’expliquent « en raison du champ de la population suivie et des composantes prises en compte dans le calcul du revenu et/ou disponibles dans les sources fiscales, notamment parce que la source eRF ne couvre que partiellement les revenus du patrimoine ». Niveau de vie, revenu disponible et pauvreté en France, Paris : iNsee, 2012.
Les plus-values seraient évidemment corrigées de l’inflation. autrement dit, 000 actions achetées 100 euros en 1998 et qui coteraient aujourd’hui 150 n’impliqueraient pas une plus-value unitaire de 50 euros mais seulement de 39 euros après prise en compte de la perte de valeur de la monnaie due à l’inflation (27 % entre 1998 et 2013). La plus-value serait donc de 1.000 actions fois 39 euros soit 39.000 euros. en l’absence d’autres revenus, le propriétaire s’acquitterait alors d’un impôt de 5 % fois 12.000 euros et de 20 % fois 27.000 euros soit 6.000 euros.
Selon les derniers chiffres fournis par Bercy le 16 janvier 2014 actant des rentrées plus faibles de 1,8 mil- liard d’euros sur l’impôt sur le revenu, chiffre déjà revu en baisse de 2,6 milliards dans la loi de finances rectificative, preuve supplémentaire s’il en fallait du dépassement du seuil de soutenabilité du taux d’imposition marginale.
L’idée est de créer un impôt sur le revenu simple, lisible et stable. La première étape consiste à établir une grande assiette fiscale sur l’ensemble des revenus. Elle correspond au revenu disponible brut12 calculé par l’Insee et comprend les revenus déclarés à l’administration fiscale, revenus d’activité après paiement des cotisations sociales, retraites et pensions, indemnités de chômage et certains revenus du patrimoine desquels seraient déduites les cotisations sociales, les revenus financiers non déclarés et imputés (produits d’assurance vie, livrets exonérés, plan épargne action, plan épargne populaire, compte épargne logement, plan épargne logement), les plus-values de cessions mobilières et immobilières13, les prestations sociales perçues sous forme monétaire, prestations familiales, prestations logement et minima sociaux.
La fixation des taux doit être simple et lisible, à rendement constant, en prenant en compte la suppression des niches fiscales à effet annuel et en éteignant progressivement les niches pluriannuelles. En ramenant le montant collecté aujourd’hui par l’ensemble des impôts courants sur le revenu et le patrimoine, exceptées la taxe d’habitation et la partie de la taxe sur le foncier non bâti payée par les ménages, à l’ensemble des revenus primaires des ménages net des cotisations sociales, le taux apparent est de 16,7 %. En ajoutant aux revenus, les prestations sociales perçues sous forme monétaire, le taux apparent de cet impôt proportionnel, dit flat tax, tombe à 11,7 %. Toutefois, l’hypothèse de la flat tax à taux unique est écartée, car elle crée un effet de seuil très élevé et possède un effet très négatif en termes de justice sociale. Il s’agit au contraire d’installer un mécanisme à deux taux, avec un taux réduit, sorte de tremplin pour les revenus les plus modestes. Dans cet esprit, les taux retenus doivent être des nombres ronds afin de garantir un effet psychologique maximum.
L’objectif n’est pas de rentrer dans les détails techniques de l’impôt dont la complexité a conduit à la confiscation par les experts, mais plutôt d’en illustrer la logique avec des hypothèses qui devront être raffinées par les simulations de l’administration des finances. Le taux bas est fixé à 5 %, seuil symbolique car il est inférieur à la combinaison CSG-CRDS dont le prélèvement de 8 % affecte aujourd’hui les salariés dès le premier euro. Le taux haut est de 20 %, ce qui reste plus de deux fois inférieur au taux marginal actuel, pour les revenus au-delà de 1 000 euros par mois et 12 000 euros par an. Il existe un fort seuil entre les deux taux, mais il n’y aura pas d’effet de seuil car le plafond de 12 000 euros comme le seuil de 20 % sont suffisamment faibles pour ne pas laisser place à un arbitrage désincitatif entre l’effort et le rendement de l’euro marginal. Le rendement de cette mesure projetée sur le revenu disponible brut en 2012 est de 184 milliards d’euros, à mettre en rapport d’une collecte totale CSG-CRDS, impôt sur le revenu, prélèvements sur les capitaux mobiliers et impôt sur la fortune attendue à 179 milliards d’euros nets pour 201314 et 173 milliards pour 2012.
Rappelons, et j’insiste là -dessus, que l’objectif de cette étude n’est pas de mener un travail analytique de très grande précision, notamment parce que les outils de simulation fine appartiennent à l’administration, mais avant tout de montrer l’intérêt et la possibilité de réalisation d’une telle réforme de l’imposition. Il incombe aux responsables politiques qui se saisiront de ce sujet de réaliser les arbitrages idoines dans l’assiette comme dans les taux.
La suppression de toutes les niches et les modalités de calcul de l’impôt
Une seule modalité est maintenue, celle qui permet l’évitement de la double imposition sur les revenus étrangers. Lorsque ces revenus ont fait l’objet d’une imposition, conformément aux conventions, dans l’État ou le territoire d’où ils proviennent, l’impôt payé hors de France n’est pas déductible du revenu, mais il ouvre droit à un crédit d’impôt déductible de l’impôt français, afin d’éviter une double imposition.
Calculs réalisés à partir des annexes au projet de loi de finances pour 2014, Évaluation des voies et moyens, tome II.
Pour produire des effets de simplification puissants, ce nouvel impôt sur le revenu doit se doubler d’une suppression des dépenses fiscales et de modalités particulières de calcul de l’impôt, y compris le quotient familial, qui sont associées à l’actuel impôt sur le revenu15. En effet, ces modalités ne font sens que dans un contexte de taux élevés, où les exonérations permettent d’orienter les comportements individuels. Les niches qui n’ont pas d’impact pluriannuel peuvent être supprimées directement, tandis que les autres peuvent être éteintes progressivement. Celles-ci représentent un montant de 6,4 milliards d’euros pour l’année 2013 et de 5,8 milliards pour 2014. Projetées en 2017, en l’absence de la création de nouvelles niches, elles ne représenteraient environ 2,5 milliards d’euros16. À cela s’ajoute une nécessaire compensation des ressources pour les associations qui devraient observer une baisse des recettes du fait de la réduction d’impôt au titre des dons. Cette niche s’établit à 1,24 milliard d’euros en 2013 et 1,33 milliard en 2014, mais la compensation serait l’occasion d’une grande révision de la politique de subventions. En outre, il n’est pas impossible que les Français, libérés du fardeau fiscal que représentait l’ancien système de prélèvement, puissent augmenter leur don moyen, reprenant la trajectoire haussière interrompue par la forte hausse de la fiscalité depuis 2011. L’administration fiscale se déparant du sentiment de rivalité qu’elle entretenait vis-à -vis des organisations bénéficiant du don pourrait, au contraire, jouer un rôle actif, en rappelant par exemple l’importance du don sur les feuilles d’imposition récapitulatives envoyées aux contribuables. Dans ces conditions, le surcoût ne saurait excéder 800 millions d’euros.
Les  prélèvements  obligatoires  touchant  les  ménages  seraient  ainsi refondés sur deux piliers concernant l’ensemble des Français : d’un côté, un impôt direct sur les revenus associé aux impôts locaux ; de l’autre, un impôt indirect sur les dépenses, la TVA, qui devra résister à la menace de morcellement sous la pression des intérêts particuliers. Le système aurait le mérite d’être parfaitement explicite pour les citoyens, qui seraient prélevés, au départ, sur ce qu’ils gagnent et, à la sortie, sur ce qu’ils dépensent. À cette base, dont l’objectif est qu’elle reste inchangée à long terme, s’ajouteraient les cotisations sociales des employés qui devront bénéficier en priorité de l’effort de réduction des dépenses publiques afin d’alléger le coût du travail et enclencher un mouvement de hausse du taux d’emploi.
Un calendrier de transition optimisé
Depuis plusieurs années, en France, les propositions de réformes souffrent de l’absence d’analyse de modalités précises d’application. Au-delà du calcul économique précis qui montre que l’impact sera neutre en termes de produit fiscal collecté, il faut s’attacher à proposer des conditions de mise en œuvre concrètes dans un calendrier de transition optimisé.
En janvier de l’année N, la nouvelle imposition est établie avec une retenue à la source sur les revenus générés au cours de ce même mois. L’impôt sur le revenu étant collecté avec une année de décalage, il faut prévenir le plus tôt possible les ménages dans l’année précédant la réforme, appelée année N–1. L’année N–1 verra le prélèvement de l’impôt au titre de l’année N–2, mais ne fera quant à elle l’objet d’aucun prélèvement, les niches fiscales étant également fermées. Cette annonce déclenchera un formidable effet d’aubaine, les ménages en possibilité de le faire accroissant massivement leur offre de travail en étant libéré de toute imposition relative aux revenus générés. En associant ce changement à une réforme du marché du travail et en levant un certain nombre de réglementations empêchant la libre concurrence, cela créera une bouffée de croissance très forte.
La modalité de collecte est celle de la retenue à la source de l’impôt, telle qu’elle existe dans de nombreux pays développés (États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne…). Elle permet de mettre fin à la complexité d’une imposition avec un an de retard et aux nécessaires ajustements issus de l’évolution de la situation des contribuables d’une année sur l’autre, écarts appelés à se renforcer du fait de trajectoires salariales moins linéaires. Ce phénomène touche déjà 40 % de contribuables qui, lorsqu’ils voient leurs revenus diminuer une année, doivent attendre l’année suivante pour voir leur impôt baisser. En outre, le rendement de l’impôt est amélioré du fait de la réduction du nombre de tiers payeurs – donc des coûts de collecte pour l’administration fiscale – et d’un meilleur recouvrement de l’impôt, l’évasion fiscale étant rendue plus difficile. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant qu’elle recueille l’assentiment de deux Français sur trois d’après l’enquête Ipsos-CGI pour Le Monde en novembre 2013. Le mécanisme est connu et éprouvé puisqu’il est celui de la CSG-CRDS déjà prélevée à la source par les entreprises pour les revenus du travail, les sociétés financières pour les revenus du capital et par les pouvoirs publics pour les prestations sociales perçues sous forme monétaire. Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de février 2012 a estimé le coût de cette collecte à 2 milliards d’euros par an. Mais il s’agissait en l’occurrence de la collecte d’un impôt sur le revenu nécessitant le calcul des différents taux d’imposition. Dans le cadre d’un impôt universel à deux taux, le coût de la collecte sera fortement simplifié, guère supérieur à 1 milliard d’euros, et compensé intégralement par l’État. En outre, dans le cadre d’un système simple et transparent, les craintes que les entreprises disposent de données fiscales sur leurs employés ou qu’elles décident des salaires en fonction du taux d’imposition ne sont plus d’actualité. Enfin, le CPO estime que la retenue  à la source doit s’envisager dans le cadre d’une réforme fiscale globale et profonde de l’imposition des revenus. Le prélèvement à la source serait mensuel pour les revenus du travail, les revenus de compensation et les prestations sociales ; il serait annuel pour les revenus du capital à la charge des établissements financiers.
Le calcul sera fait au niveau des individus majeurs et non plus du foyer fiscal, entité dépassée. Chaque année, le contribuable recevra de manière individuelle, par voie postale ou électronique, un récapitulatif du montant collecté au titre de l’impôt universel, le décile de revenus auquel il appartient et l’utilisation faite de l’argent ainsi collecté.
La stabilité du système, condition indispensable pour laisser les agents économiques former des anticipations économiquement efficaces, ne peut être garantie par les textes. Toutefois, son meilleur rempart sera son efficacité. L’histoire fiscale montre en effet que les impôts efficaces ont tendance à préserver leur forme originelle.
Un impôt créateur de richesses
David Masclet et Claude Montmarquette, Approche expérimentale de l’incidence de la fiscalité sur l’offre de travail : une étude comparative des systèmes d’imposition in Économie et Prévision n°182, 2008, 47-59.
DgtPe, « Retour sur la faiblesse de la consommation en zone euro depuis 2001 », Analyses économiques, n° 43, juin 2004, p.4.
Christian saint-Étienne et Robin Rivaton, Le Pour rebâtir l’industrie, Fondation pour l’innovation politique, avril 2013.
Il peut paraître curieux de considérer un impôt comme créateur de richesses, mais le changement que nous proposons est susceptible de lever un certain nombre de freins qui dissuadent les Français de travailler et de produire autant qu’ils le souhaiteraient, et d’investir dans les secteurs les plus risqués et les plus productifs. Il est difficile d’estimer le gain économique d’une telle mesure, puisqu’elle repose essentiellement sur la modification des anticipations économiques des individus.
En 2008, David Masclet et Claude Montmarquette17 ont mené une étude montrant que le choix d’un système fiscal n’est pas neutre sur l’offre de travail. Les effets désincitatifs sont plus importants sous un système progressif que sous un système proportionnel. L’offre de travail est également sous contrainte de ce qui a été expérimenté par les contribuables. Dans leur expérience, un travailleur qui a expérimenté des taux de taxation plus avantageux que le taux de 50 %, tend à réduire son niveau d’effort dans les situations où il est confronté au taux de 50 %. Il y a donc de fortes probabilités que l’offre de travail soit modifiée favorablement, notamment en montrant que le travail est rémunérateur, en particulier pour les personnes moins qualifiées susceptibles de tomber dans les trappes à pauvreté.
Ce nouvel impôt aura également un effet sur l’épargne et l’investissement. Les Français ont toujours eu un taux d’épargne élevé, qui les plaçait ainsi en 2011 en troisième position des pays de l’Union européenne, derrière les Luxembourgeois et les Allemands. Toutefois, comprenant bien que les déficits creusés par les gouvernements successifs et l’endettement qui en est le corollaire devront bien être payés un jour par des prélèvements fiscaux, les Français ont, depuis une dizaine d’années, accru leur taux d’épargne, passé de 14,7 % du revenu brut entre 1996 et 2000, à 15,1 % entre 2001 et 2005, à 15,3 % entre 2006 et 2010, enfin à 15,4 % depuis 2011. Cette hausse constante s’explique par le théorème initialement présenté par David Ricardo, économiste anglais du XIXe siècle, puis repris par le néoclassique Robert Barro, au début des années 1970, pour théoriser l’ineffectivité des politiques de relance. En effet, celles-ci n’aboutissent pas à une hausse de la consommation des ménages, ces derniers préférant utiliser la hausse de leurs revenus pour accroître leur épargne en prévision de futures hausses d’impôts pour compenser la dette créée par l’État.
En 2004, une étude de la Direction générale du Trésor et de la politique économique évoquait la possibilité de ce type de comportement en évoquant qu’une « hausse de 1 point de PIB du déficit public structurel serait compensée par une augmentation de 3/4 de point de PIB de l’épargne privée, ce qui serait cohérent avec un comportement largement ricardien des ménages de la zone euro18». Ce comportement est d’ailleurs l’un des facteurs d’explication de la facilité à emprunter pour les pouvoirs publics. Les créanciers internationaux n’ont jusqu’à présent jamais été déçus de l’ingéniosité fiscale de l’administration française, ni de la formidable capacité des Français à fabriquer de la richesse, créant une base imposable infinie. Le dynamisme de cette capacité à  épargner pourrait d’ailleurs se poursuivre, puisque les Français se déclarent plus volontiers que les Allemands ou les Britanniques prêts à réduire leur consommation de biens de consommation courante et de biens durables. Le risque très lourd que sous-tend cette attitude est bien entendu que la baisse de la consommation conduise à une baisse des débouchés et à l’effilochement de l’appareil de production national.
Si ce nouvel impôt ne devrait pas modifier le niveau d’épargne, voire peut-être légèrement le réduire en mettant fin à  une partie l’épargne de précaution, il permettra une réallocation de l’épargne en faveur de l’investissement productif. La tendance forte des quinze dernières années a été la diminution du financement à destination des entreprises françaises, qui captaient 43 % de l’épargne des ménages en 2000 contre moins de  38 % dix ans plus tard, au profit d’investissements à l’étranger, en dette d’États de la zone euro essentiellement. En outre, sur ces 38 %, seulement les deux tiers ont la forme d’actions cotées (151 milliards d’euros, dont 136 pour les entreprises françaises) et non cotées (575 milliards), montrant ainsi la faiblesse de l’investissement en capitaux propres dans les entreprises. La détention directe de titres de capital d’entreprises a certes augmenté de 5 % entre 1995 et 2010, mais l’essentiel de cet accroissement s’est produit au cours de la seconde moitié des années 1990, les ménages étant assez déçus de la volatilité des marchés boursiers sur la période 2002-2012. Alors que dans la plupart des pays de l’OCDE, l’épargne longue, et notamment les fonds de pension, assure le financement en fonds propres des entreprises, les produits d’épargne en France souffrent d’une fiscalité favorable aux sorties à court ou moyen terme.
Au final, les entreprises françaises n’attirent qu’une partie restreinte de l’abondante épargne des ménages. Les livrets défiscalisés et les assurances vie en support euros, bénéficiant d’une fiscalité favorable, représentent près de la moitié de l’épargne financière des Français. Ils sont orientés vers de la dette souveraine ou des produits non risqués qui n’aident pas au développement économique du pays. L’harmonisation fiscale de l’ensemble de ces produits financiers, en écartant l’intervention non neutre de l’État dans le choix de certains placements, rendra plus difficile le financement de la dette nationale et permettra de financer la reconstruction de l’outil productif français.
La perturbation du secteur bancaire et financier est un élément qui ne peut ne pas être étudié. Des masses de capitaux importantes pourraient être déplacées entre différents produits d’épargne, mais les prestataires de services financiers assurant ces services seraient les mêmes. Le livret A resterait non soumis à la taxation sur les produits d’épargne afin d’éviter une déstabilisation brutale du secteur de la construction de logements sociaux. Le plafond pourrait toutefois être rabaissé, et il probable que, dans un environnement de taxation réduit, l’appétence nouvelle pour le risque se traduise par des sorties d’épargne depuis le livret A.
Au-delà de l’impact national, il y a aussi le signal envoyé à l’étranger. Cette simplification et stabilisation créerait un formidable mouvement d’aspiration pour les capitaux et talents étrangers qui souhaiteraient venir s’installer en France, mais cela ouvre aussi de formidables perspectives pour le retour de capitaux français ayant fui le pays. Au diapason de la relocalisation industrielle, qui revient telle une antienne dans la communication politique, il serait temps d’entendre les mêmes propos volontaristes concernant la relocalisation capitalistique. Avec Christian Saint-Étienne, nous avions montré dans une étude précédente comment la première n’était que la conséquence de la seconde19. En considérant que la moitié du capital exporté à l’étranger depuis une décennie puisse revenir, l’investissement productif induit serait de 65 milliards d’euros, ce qui représenterait une fois et demie les moyens de la Banque publique d’investissement (BPI) censée apporter une réponse pérenne au besoin de financement des entreprises françaises. Enfin, du fait de modalités de collectes simplifiées, ce nouvel impôt universel permettrait de recentrer les moyens de la Direction générale des finances publiques – qui compte le double d’agents par rapport à son homologue britannique pour des populations identiques – vers la lutte contre la fraude, notamment la fraude à la TVA dont le coût est estimé à environ 10 milliards d’euros.
La fin de l’hypocrisie du financement de la Sécurité sociale
Le produit issu de l’impôt universel ira dans les caisses de l’État, ce qui marquera une rupture puisque la CSG-CRDS est jusqu’à présent affectée selon des taux prédéfinis aux différentes branches de la Sécurité sociale. Cette remise à plat permettra de mettre fin à l’hypocrisie que représente le paritarisme de façade présidant à la gestion de la Sécurité sociale depuis une vingtaine d’années. Depuis 1995, c’est en effet le Parlement qui vote le budget de la Sécurité sociale, les décisions émanant de l’État. En outre, la tutelle de l’État s’exerce par trois canaux : les Agences régionales de santé (ARS) ont un droit de regard sur les délibérations des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale ; les caisses nationales des régimes de Sécurité sociale doivent faire certifier leurs comptes par la Cour des comptes ; et l’État et ces mêmes caisses signent un contrat d’objectifs et de gestion qui fixe des engagements pour une durée de quatre années. Une fois centralisée la collecte de cet impôt, l’État n’aura qu’à reverser la quote-part nécessaire au fonctionnement de la Sécurité sociale.
Un impĂ´t plus redistributif et Ă©galitaire
Notons que les pouvoirs publics peuvent également agir directement sur la création des revenus primaires soit en instituant un salaire minimal (le smic en France), soit en modérant les plus hauts L’ efficacité des deux méthodes est largement remise en cause. La rigidification du marché du travail introduite par le smic explique en grande partie l’importance du chômage en France et contribue ainsi à créer des inégalités de revenus en empêchant des populations entières d’accéder à l’emploi. Quant à la limitation des plus hauts revenus, elle se heurte au principe de réalité qu’est la mobilité internationale des talents, ainsi que l’a démontré la difficulté de mise en œuvre de la taxe sur les plus hauts revenus.
Marie-Cécile Cazenave, Jonathan Duval, tania Lejbowicz et Juliette stehlé, La Redistribution : état des lieux en 2012, insee, Paris, 2013.
André Babeau, « Redistribuer autrement », Sociétal, n° 77, 3e trimestre 2012, p. 57-64.
Au-delà de l’amélioration massive des conditions économiques que générerait un tel impôt, il est important d’en étudier les effets socio- économiques et politiques.
Il existe en France un mécanisme de redistribution de la richesse créé  afin de réduire les inégalités de revenus dans la population. Pour illustrer cette redistribution, le rapport entre le niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus aisées et celui des 20 % de personnes les plus modestes passe de 7,6 avant redistribution à 4,0 ensuite. Le niveau de vie moyen du premier quintile augmente de 55 %, quand celui du dernier quintile perd 20 %. Exprimée en déciles de population, la redistribution est encore plus éclatante : le rapport entre les 10 % de personnes les plus aisées et les 10 % les plus pauvres est divisé par plus de trois, passant de 17,6 à 5,7. De manière décroissante, les prestations en nature, les prestations sociales en espèce, puis les prélèvements participent à la réduction les écarts de revenus dans la population20. D’après l’Insee, en 2012, les prélèvements ont contribué pour un peu plus d’un tiers à la réduction des inégalités de revenus, dont 30 % liés à l’impôt sur le revenu, contre un peu moins des deux tiers (63 %) pour les prestations sociales sous forme monétaires (prestations familiales, minima sociaux et allocations logement). Assez étrangement, l’Insee21 se borne à étudier les prestations en espèces et pas du tout les prestations en nature, ce qui constitue une énorme lacune. Il est possible de calculer un revenu disponible brut ajusté qui inclut les prestations sociales en nature et les transferts de biens et services non marchands individuels rendus par les administrations aux ménages. Le montant de ces prestations était de 328 milliards d’euros en 2012, près des trois quarts étant issus des dépenses liées aux services publics de la santé et de l’enseignement. Bien que non ciblées en fonction des revenus, les dépenses d’éducation ont un fort effet redistributif, puisque les ménages avec de nombreux enfants sont surreprésentés parmi les foyers les plus modestes. À l’inverse, les dépenses de santé concernant principalement les personnes âgées sont faiblement redistributives, celles-ci se retrouvant dans toutes les catégories de revenus. André Babeau22 avait calculé qu’en 2003 la moitié de la redistribution provenait des transferts en espèces (prestations sociales et aides directes), le tiers, des prestations en nature, et un sixième, des prélèvements. Ces chiffres sont assez congruents avec ceux avancés par l’Insee, même si les récentes augmentations de l’impôt sur le revenu peuvent expliquer un plus fort effet redistributif aujourd’hui. Au total, la redistribution par l’impôt est très minoritaire. Observons d’ailleurs que cette faiblesse est ressentie dans la population. Selon l’enquête Ipsos-CGI pour Le Monde de novembre 2013, 54 % des personnes interrogées estiment que la fiscalité, au lieu de réduire les inégalités sociales, contribue à les aggraver, 42 % jugeant qu’elle n’y change rien, contre à peine 4 % qui considèrent qu’elle les réduit.
L’efficacité fiscale n’est pas forcément incompatible avec plus de justice sociale. Si le rôle dévolu aux gouvernements est de redistribuer les revenus dans la population, la capacité de redistribution dépend donc principalement des rentrées fiscales. Or la hausse de l’activité économique liée à l’accroissement de l’offre de travail et à l’augmentation de l’épargne investie sous forme d’investissement productif se traduira par une hausse des rentrées fiscales. Ce surplus de recettes permettra aux pouvoirs publics de verser des prestations en espèces plus importantes et d’offrir des services et biens publics de meilleure qualité pour les citoyens (éducation, santé, etc.)
– face auxquels l’insatisfaction est croissante, comme nous l’avons montré en introduction – et donc d’augmenter l’effet redistributif de manière beaucoup plus importante que ne le ferait une modification de l’imposition. Le rapport du CPO de mai 2011 pointait déjà le fait que la progressivité de l’impôt sur le revenu avait diminué dans le temps sans que cela se traduise par une explosion des inégalités de revenu à l’échelle du pays. La proposition d’un impôt universel à deux étages se révélerait plus donc favorable à la justice sociale que le système actuel d’imposition. L’une des principales critiques adressées à celui-ci, notamment par l’économiste Thomas Piketty qui en a fait son cheval de bataille, est son caractère non progressif pour les revenus les plus aisés, étant donné que ces derniers profiteraient davantage de revenus issus du capital et qu’ils auraient les moyens de profiter des mécanismes d’optimisation de l’impôt ouverts par les niches fiscales. La simplification d’un système sans niches permet justement d’instaurer une vraie progressivité sur l’ensemble des contribuables, le taux moyen d’imposition ne cessant d’augmenter en fonction des revenus. Il est légitime de demander aux personnes ayant les revenus les plus importants de payer des impôts proportionnels à leur niveau de revenus, comme le souhaitent plus de huit Français sur dix, et c’est ce qui se passera avec ce nouvel impôt. Mais, au-delà de la question de la progressivité, qui n’est qu’un moyen, il est plus pertinent de s’intéresser à l’effet redistributif de ce nouvel impôt universel. Laisser croire que la redistribution est une vertu essentielle de la fiscalité est un mensonge et rendre un impôt moins efficace économiquement sous prétexte de vouloir le rendre plus redistributif est même passible de lèse-égalité.
Le CPO a souligné l’importance de la redistribution horizontale à côté de la redistribution verticale de réduction des inégalités de revenus. Cette spécificité française est la traduction de l’ingérence du législateur dans   la vie des citoyens, ce dernier se considérant comme le plus avisé pour réaliser des péréquations selon des critères sociologiques. À l’inverse, la redistribution verticale se fonde sur l’idée économiquement avérée que de trop fortes inégalités de revenus ont, à terme, un effet négatif sur la croissance globale. Les pensions de retraite, qui redistribuent entre actifs et retraités, et les allocations familiales et le mécanisme du quotient familial, qui redistribuent entre ménages sans enfants et ménages avec enfants, relèvent principalement de la redistribution horizontale, autrement dit sont sans relation avec le niveau de vie des ménages. Selon le rapporteur général du Budget, Christian Eckert, un tiers du quotient familial bénéficie au dernier décile. La suppression du quotient familial n’est donc pas un coup de canif dans la redistribution verticale. Quant à son impact sur la natalité lié à l’abandon de cette mesure fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il n’est pas documenté. Les Français veulent d’abord faire des enfants par envie avant de penser à des questions matérielles. D’ailleurs, ils sont l’un des rares peuples européens à réaliser l’adéquation entre nombre d’enfants désirés et nombre d’enfants réels. L’Assemblée nationale a déjà approuvé la baisse du plafond du quotient familial dans le projet de budget 2014 de 2 000 à 1 500 euros par demi-part.
La refondation du consentement à l’impôt
Au niveau politique, ce nouvel impôt a l’incommensurable vertu de recréer une communauté de l’impôt et de redonner du sens à la notion de responsabilité. Le citoyen n’est plus cet individu qui profite du service public sans en saisir le coût collectif. Il fait ici partie d’une même communauté qui, tout entière, s’acquitte de l’impôt.
Toujours selon le sondage précité, 57 % des Français considèrent que payer l’impôt est un acte citoyen et près de la moitié d’entre eux (48 %) estiment que tous les foyers, y compris les plus modestes, devraient payer l’impôt sur le revenu, même symboliquement. Alors que le sentiment d’assistanat ronge le corps social en laissant penser qu’un certain nombre de citoyens profitent indûment du système au prix des efforts de tous les autres, cette nouvelle organisation de l’impôt permettra de redonner du sens au mérite et à l’effort. La réforme fiscale, avec un taux de 5 % pour les revenus jusqu’à 12 000 euros, bénéficierait le plus au deuxième décile de revenus. Lequel, dont le revenu disponible brut médian par individu était de 12 000 euros annuels, comprend un grand nombre de travailleurs pauvres : leurs revenus sont pour plus de la moitié issus de revenus d’activité et pour seulement un cinquième de prestations sociales. Inversement, les revenus du premier décile étaient constitués à 42 % de prestations et de 38 % de revenus d’activité. Or ces personnes acquittent la CSG, la CRDS et l’impôt sur le revenu pour environ 6 % de leurs revenus du travail. En outre, l’imposition de toutes les plus-values, sans possibilités de s’en exonérer, témoignerait de l’engagement de ceux qui disposent d’un patrimoine à participer au financement de la vie collective. L’accusation de partisianisme de la part des gouvernements joue un rôle majeur dans la crise de confiance envers les institutions politiques. Femmes et hommes politiques sont accusés de s’employer à opérer des transferts politiquement inspirés entre les individus et les groupes. Au-delà de l’inefficacité économique qu’impliquent ces transferts, en détournant les producteurs de leurs activités de production pour solliciter les faveurs publiques, cette pratique généralisée mine le sentiment d’appartenance   à une communauté plus large que le groupe de pression ou la coalition d’intérêts cherchant à se soustraire à des prélèvements fiscaux. La fiscalité discriminatoire n’est certes qu’un des nombreux instruments dont dispose un gouvernement pour s’attirer les faveurs électorales, aux côtés de dépenses ou subventions ciblées, mais la mise en place d’un système fiscal lisible, efficace et stable permettra déjà de limiter les tentations électoralistes.
L’utilisation de l’impôt proportionnel à l’étranger
Même si la comparaison internationale a ses limites eu égard aux spécificités sociales et culturelles de chaque pays, notamment en ce qui concerne la fiscalité au cœur de la construction historique des États, il n’est pas possible de dessiner ce nouvel impôt universel sans évoquer les expérimentations étrangères menées dans ce sens.
Si le premier exemple avéré d’impôt proportionnel se trouve en Angleterre, où l’impôt progressif sur le revenu institué 1798 a été abandonné en 1803, permettant le retour à une forme proportionnelle qui multiplia par sept le rendement fiscal en l’espace de cinq ans, c’est à la fin des années 1970 que l’idée d’un impôt à taux fixe a été expérimentée. En 1979, Alvin Rabushka, professeur à la Hoover Institution de l’université Standford et spécialiste de la politique fiscale, a parfaitement décrit le lien entre taux d’imposition modérés et croissance économique, en étudiant l’impôt proportionnel de 15 % introduit à Hongkong, enclave alors encore britannique23. En 1981, épaulé par Robert E. Hall, il préconisait l’instauration aux États-Unis d’un impôt proportionnel au taux unique de 19 % conjointement à la suppression des abattements, et, en 1985, tous deux ont publié un ouvrage au sujet de la flat tax24.
Au tournant des années 1990, les pays d’Europe centrale et orientale sortant du système soviétique, cherchant des modèles fiscaux de maximisation  de l’efficacité économique, se sont tournés vers l’impôt proportionnel, à   la lumière du succès de l’expérience de la TVA, véritable icône fiscale qui représente environ un quart du produit fiscal mondial. En Russie, l’impôt proportionnel mis en place en 2001 s’est traduit par un renforcement significatif des recettes fiscales. Aujourd’hui, vingt-quatre pays, parmi lesquels la Russie, la Slovaquie, l’Estonie, la Roumanie, la Lettonie ou la Géorgie, ont recours à un impôt proportionnel avec un taux moyen oscillant entre 15 % et 20 %.
Plusieurs États fédérés du Canada ou des États-Unis ont plus récemment introduit des dispositifs d’impôt proportionnel afin de générer des recettes fiscales complémentaires, toutefois sans commune mesure avec les sommes que doit lever un État centralisé comme la France. Au Canada, en 2001, l’Alberta a introduit un impôt proportionnel à deux étages. Les revenus au-dessous de 12 000 dollars sont exonérés, puis taxés au taux unique   de 17 %. En 2006, l’Utah a rejoint le club des États américains avec un impôt sur le revenu à taux unique, en compagnie du Colorado (4,63 %), de l’Illinois (3 %), de l’Indiana (3,4 %), du Massachusetts (5,3 %), du Michigan (4,35 %) et de la Pennsylvanie (3,07 %).
La réforme en cinq grandes questions
Quel est le fonctionnement de ce nouvel impĂ´t universel ?
- Il s’agit d’un impôt universel qui remplacerait impôt sur le revenu, CSG- CRDS, prélèvements sur les capitaux mobiliers, impôt sur la fortune. En 2013, ces prélèvements ont rapporté 179 milliards d’euros contre 180-190 milliards collectés dans le cadre du nouvel impôt.
- Cet impôt universel est composé de deux taux : 5 % au-dessous de 12 000 euros et 20 % au-dessus. L’assiette inclut les revenus déclarés à l’administration fiscale, revenus d’activité, retraites et pensions, indemnités de chômage, revenus du patrimoine, prestations familiales, prestations logement et minima
- Il passe par la suppression de toutes les niches et modalités de calcul de l’impôt avec un prélèvement à la source.
Quel est l’impact économique de ce nouvel impôt ?
- Il y a donc de fortes probabilités que l’offre de travail soit modifiée favorablement, notamment en montrant que le travail est rémunérateur.
- Cet impôt universel aura également un effet sur l’épargne et l’investissement. La suppression des niches sur la fiscalité rendra l’épargne plus lisible et plus rémunératrice.
- Cette simplification et stabilisation créerait un formidable mouvement d’aspiration pour les capitaux et talents étrangers qui souhaiteraient venir s’installer en France, mais cela ouvrirait surtout de formidables perspectives pour la relocalisation de capitaux français qui ont fui le pays, évalués à 400 milliards d’euros selon la Fondation
La courbe de Laffer existe-t-elle ?
- Au niveau individuel, il a été mis en évidence que les effets désincitatifs sur l’offre de travail sont plus importants sous un système progressif que sous un système
- D’un point de vue macroéconomique, plusieurs exemples montrent que des hausses d’imposition se sont traduites par une hausse des recettes plus faible qu’anticipée du fait d’une réduction de l’offre de travail des personnes imposées.
- En France, en 2013, la hausse de l’impôt sur le revenu via le gel du barème et la création d’une nouvelle tranche a produit 4,5 milliards d’euros de moins que ce qui était prévu.
La fiscalité doit-elle redistributive ?
- La redistribution permet la correction des inégalités de revenus. La moitié de la redistribution provient des transferts en espèces ; le tiers, des prestations en nature ; et seulement un sixième, des prélèvements. Au total, la redistribution par l’impôt est très
- Rendre un impôt moins efficace économiquement, c’est-à -dire générer moins de recettes qui permettent de réaliser des transferts en espèces, sous prétexte de vouloir le rendre plus redistributif, est donc générateur d’inégalités.
Ce nouvel impôt permettra-t-il de recréer le consentement à l’impôt ?
- 57 % des Français considèrent que payer l’impôt est un acte citoyen et près de la moitié d’entre eux (48 %) estiment que tous les foyers, y compris les plus modestes, devraient payer l’impôt sur le
- La réforme fiscale avec un taux de 5 % pour les revenus jusqu’à 12 000 euros bénéficierait le plus au deuxième décile de revenus, majoritairement constitué de travailleurs Or ces personnes acquittent actuellement la CSG, la CRDS et l’impôt sur le revenu pour environ 6 % de leurs revenus du travail.
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