Où en est la droite? La Pologne
Solidarność, creuset de la droite polonaise
L’émergence d’un courant réformateur et libéral
L’émergence d’un courant conservateur autour de la décommunisation
Solidarność n’a pas le même sens pour tous
PiS, le bon parti au bon moment
Deux partis que tout oppose ?
PO : des débuts troublés par un tâtonnement idéologique
2005, le début d’une opposition frontale entre les deux partis
Doctrine et références historiques du PiS et de PO
Comparaison de l’électorat du PiS et de PO
PiS et PO à l’épreuve du gouvernement
Du nouveau à droite
Un exercice de démocratie interne chez PO
« Mettre fin à la guerre polono-polonaise »
Selon un sondage Millward Brown SMG/KRC, publié dans Gazeta Wyborcza le 4 juin 2010
ibid
Cette question a notamment été traitée par le professeur Lena Kolarska-Bobińska, politologue, dans un article dans l’hebdomadaire Polityka du 12 mai 2007, ainsi que lors d’une conférence de l’Instytut Spraw Publicznych (ISP – « Institut des affaires publiques ») le 29 novembre 2007
La droite en Pologne bénéficie d’un avantage politique de taille : son histoire se confond avec l’histoire de la lutte contre le régime communiste et de la transition démocratique. Elle continue d’y puiser une légitimité historique face à une gauche postcommuniste qui, malgré une conversion rapide à la social-démocratie, traverse une crise d’identité et peine à se réinventer. Aujourd’hui, la droite domine la scène politique en Pologne et mobilise environ les trois quarts de l’électorat.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Dès le début des années 1990, la droite polonaise était en proie à un morcellement extrême, tandis que la gauche postcommuniste restait unie au sein d’une entité politique stable. Néanmoins, la droite a progressivement vu émerger en son sein deux courants principaux. Depuis 2005, l’affrontement entre deux grands partis de droite, PiS (Prawo i Sprawiedliwość – «Droit et Justice») et PO (Platforma Obywatelska – «Plate-forme civique»), a remplacé la dynamique d’alternance droite-gauche qui avait marqué les quinze premières années de la démocratie polonaise. La gauche, incarnée essentiellement par SLD (Sojusz Lewicy Demokratycznej – «Alliance de la gauche démocratique»), n’a cessé d’être marginalisée politiquement depuis son échec aux élections législatives de l’automne 2005.
Les spécificités historiques de la droite polonaise ne l’empêchent pas d’évoluer et de se recomposer selon des lignes de partage plus universelles, présentes aussi dans les démocraties d’Europe de l’Ouest. Au cours des cinq dernières années, le schéma politique prédominant dans les nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale, celui d’une lutte pour le pouvoir entre anticommunistes et postcommunistes, a laissé la place en Pologne à une nouvelle séparation majeure : il nous semble pertinent de parler d’un clivage entre «conservateurs radicaux» ou «étatistes» (représentés par PiS) et «libéraux» (PO), même si cette terminologie laisse à désirer de plusieurs points de vue.
PiS, le parti des frères jumeaux Kaczyński, a gouverné le pays de 2005 à 2007. Il compte environ 22.000 membres et son poids électoral se situe aujourd’hui autour de 32%1. Ce parti prône un État fort, aux prérogatives régaliennes étendues, caractérisé par un appareil répressif et de sécurité puissant, ainsi qu’un État-providence très développé. L’aspiration à un certain ordre moral et la volonté de contrôle national des principaux secteurs de l’économie figurent parmi les principales orientations de son approche de la politique intérieure. PiS est conservateur en matière sociétale et manifeste un fort attachement aux valeurs familiales, religieuses et patriotiques. Cet attachement ainsi que l’étatisme et l’autoritarisme qui caractérisent le corpus doctrinal de PiS ont poussé le parti à proposer, en 2005 et de nouveau en 2010, un projet de nouvelle Constitution pour la Pologne (qui est resté lettre morte). Du fait de cet activisme institutionnel, nous ne pouvons nous contenter de considérer PiS simplement comme un parti «conservateur» et nous préférerons le terme de «conservateur radical». L’adjectif «étatiste» convient également car, pour ce parti, la solution à tous les problèmes trouve sa source dans un État quasiment omnipuissant. En politique étrangère, le parti s’est montré souverainiste, plutôt eurosceptique et atlantiste pendant ses années au gouvernement, ainsi qu’extrêmement méfiant à l’égard des deux grands voisins de la Pologne, l’Allemagne et la Russie. Les eurodéputés de PiS faisaient partie du groupe Union pour l’Europe des nations (UEN) au Parlement européen de 2004 à 2009. Après les dernières élections européennes, ils ont créé, notamment avec les députés issus du parti conservateur britannique et ceux de l’ODS tchèque, le groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR).
En revanche, PO, au pouvoir depuis sa victoire aux élections législatives de 2007, croit en la capacité du marché à assurer la prospérité du pays et soutient les privatisations et les investissements étrangers. Après de significatifs louvoiements au début des années 2000, PO est aujourd’hui sous le leadership du Premier ministre Donald Tusk, un parti proeuropéen et appelle de ses vœux une entrée rapide dans la zone euro. Ses eurodéputés font partie depuis 2004 du Parti populaire européen (PPE). En termes de poids électoral au sein du pays, PO aurait pu compter sur 41% des voix si des élections législatives avaient eu lieu en juin 20102. Il affiche actuellement environ 46.000 membres.
Avec la forte marginalisation du principal parti politique de gauche, on pourrait avancer que le clivage actuel entre PiS et PO mime de fait un clivage gauche-droite traditionnel. En tout cas, l’opposition entre PiS, méfiant envers le marché et généreux sur le plan des prestations sociales, et PO, enthousiaste face au capital privé et souhaitant réduire le rôle de l’État, réincarne sous de nombreux aspects une dynamique gauche-droite, même si cette analyse, opérante dans le domaine économique, ne l’est plus sur le plan sociétal.
Cette relative anomalie confère un intérêt tout particulier à l’étude des idées et des valeurs de la droite polonaise contemporaine. Au lendemain de l’élection présidentielle précipitée par la disparition du président Lech Kaczyński lors de la catastrophe aérienne de Smolensk, cette note s’efforcera de montrer comment les deux grands partis de droite polonais sont arrivés au clivage actuel et comment ils continuent à se réinventer. Il semble que ni PO ni PiS ne souhaitent véritablement s’enraciner dans une opposition autour d’une «Pologne sociale» et d’une «Pologne libérale» – ce clivage présente des limites politiques tangibles et chacun des deux partis essaie de le dépasser3. Mais afin de bien saisir la «personnalité» de chacun de ces deux partis, un retour sur leur passé s’impose. Étant donné l’ampleur des différences entre PiS et PO, il semble presque étonnant de constater qu’ils ont en commun le même socle historique : Solidarność.
Solidarność, creuset de la droite polonaise
Il est intéressant de se pencher sur l’origine commune de PiS et de PO avant d’examiner l’histoire propre des deux partis et leurs importantes divergences doctrinales. La droite polonaise actuelle plonge ses racines dans le mouvement d’opposition au pouvoir communiste qui s’est consolidé, en 1980, autour du syndicat Solidarność. Il est rare, voire inédit en Europe, que deux formations politiques de droite radicalement opposées affichent et revendiquent une filiation commune, de surcroît syndicale. Il s’agit là d’un héritage très spécifique à la transition démocratique polonaise.
Pour analyser cette situation exceptionnelle, il est important de se rappeler que Solidarność a été un mouvement hétéroclite, réunissant des personnes et des groupuscules venant d’horizons très divers. Au cours des années 1980, le monde entier voyait Solidarność sous les traits de son leader Lech Wałęsa, prix Nobel de la paix, gréviste des chantiers navals de Gdańsk arborant à sa boutonnière un badge à l’effigie de la Vierge Marie. Mais le spectre politique représenté au sein de son mouvement était particulièrement large. À gauche de ce spectre, on trouvait un groupe d’intellectuels ayant une forte fibre sociale, anciennement communistes de conviction, qui avaient rêvé jusqu’en 1968 de réformer le système communiste de l’intérieur. Plutôt agnostiques, ils étaient davantage en phase avec leurs collègues tchèques signataires de la Charte 77 qu’avec certains camarades de Solidarność. Sur sa droite, Solidarność rassemblait des groupuscules anticommunistes par essence, fortement nationalistes et catholiques, étroitement liés avec les milieux de l’Église. Restées unies tout au long des années 1980 par leur rejet du pouvoir communiste oppresseur, par le sens de l’opportunité historique qui se dessinait devant elles et par le remarquable talent politique de Lech Wałęsa, les différentes composantes de Solidarność ont commencé à s’éloigner les unes des autres dès le lendemain des négociations avec le pouvoir communiste dites de la Table ronde (février-avril 1989) et des premières élections semi-démocratiques de juin 1989.
Au début des années 1990, les ruptures se sont multipliées entre Lech Wałęsa et ses camarades de Solidarność. Deux d’entre elles revêtent une importance singulière pour notre étude des origines idéologiques de la droite polonaise moderne.
L’émergence d’un courant réformateur et libéral
Au cours de l’année 1990 se développe un conflit entre Wałęsa et Tadeusz Mazowiecki, premier chef de gouvernement non communiste (nommé en septembre 1989). Mazowiecki est un chrétien-démocrate qui se voit investi d’une tâche peu facile : faire fonctionner un gouvernement réunissant à la fois des communistes (notamment à l’Intérieur et à la Défense, conditions de cession du pouvoir par l’ancien régime) et des réformateurs libéraux, au premier chef desquels l’économiste Leszek Balcerowicz, ministre des Finances. Le gouvernement Mazowiecki réussit à mettre en œuvre une batterie de réformes à une vitesse impressionnante. Le passage à l’économie de marché est réalisé selon un plan, appelé thérapie de choc, mis au point par Leszek Balcerowicz. En même temps, Mazowiecki se montre très réservé quant à l’idée d’une vaste décommunisation des institutions polonaises, avancée par une partie de Solidarność. L’ampleur des sacrifices (en termes de niveau de vie) demandés à la population polonaise au nom de la «thérapie de choc» libérale ainsi que l’empressement du gouvernement à tirer un trait sur l’ancien régime sans expurger son appareil finissent par créer des tensions insurmontables entre le gouvernement Mazowiecki et ses partisans au sein de Solidarność. Wałęsa et Mazowiecki s’affrontent lors de la première élection présidentielle libre, en novembre 1990. L’échec de Mazowiecki, qui ne passe pas le premier tour, est cuisant. Cet épisode est à l’origine de la création d’un nouveau parti post-Solidarność, Unia Demokratyczna (UD – Union démocratique), devenu en 1994 Unia Wolności (UW – Union de la liberté), et présidé successivement par Tadeusz Mazowiecki, Leszek Balcerowicz, et Bronisław Geremek, autre figure emblématique de l’ancienne aile libérale et centriste de Solidarność. La perte d’influence progressive de ce parti au cours des années 1990 conduit finalement un groupe de ses cadres à créer un nouveau parti libéral, PO, en 2001.
L’émergence d’un courant conservateur autour de la décommunisation
Terme désignant le processus de vérification des liens des personnes exerçant des fonctions publiques avec les services de sécurité du régime Ce terme a été utilisé principalement en Pologne et en République tchèque.
Les frères jumeaux Jarosław et Lech Kaczyński, collaborateurs proches de Lech Wałęsa au sein de Solidarność, créent en 1990 leur propre parti, Porozumienie Centrum (PC – Entente Centre) et soutiennent la candidature du leader de Solidarność lors de l’élection présidentielle de novembre 1990. Ils font partie des détracteurs de l’orientation libérale (et conciliatrice face aux anciens communistes) prônée par l’entourage de Tadeusz Mazowiecki. Après la victoire de Lech Wałęsa, les frères Kaczyński et leur parti sont étroitement associés à l’exercice du pouvoir : Jarosław devient le directeur de cabinet du nouveau président, Lech dirige le Bureau de sécurité nationale (BBN). D’autres cadres du parti Porozumienie Centrum reçoivent des portefeuilles gouvernementaux.
Cependant, au cours des années 1992-1993, les frères Kaczyński se retrouvent de plus en plus en conflit avec le camp présidentiel, qu’ils accusent de bloquer l’accès aux archives des services de sécurité communistes et d’empêcher la «lustration4». Ils interprètent la réticence du président quant à la publication des dossiers comme une preuve de la collaboration de Lech Wałęsa avec l’ancien régime. En exigeant un règlement des comptes avec les représentants et les collaborateurs de l’État communiste, le camp des Kaczyński critique violemment les négociations de la «Table ronde» de 1989, porteuses de concessions envers les communistes sortants en échange de la cession d’une partie du pouvoir. En mai 1992, une «loi de lustration» est enfin promulguée et déclenche des manœuvres politiques de déstabilisation du camp présidentiel. À l’origine de cet épisode, le gouvernement de Jan Olszewski, Premier ministre fortement anticommuniste, soutenu par les Kaczyński. La chute de ce gouvernement est précipitée par la «nuit des dossiers» du 4 au 5 juin 1992, qui voit la publication d’une liste de collaborateurs communistes présumés, où figure en tête, le nom du président.
À partir de ce moment, le conflit entre Lech Wałęsa et les frères Kaczyński est ouvert et frontal. Passés dans l’opposition, ils considèrent comme un traître celui en qui le monde entier voit l’artisan de la démocratie polonaise. Leur parti Porozumienie Centrum s’oppose au programme de privatisation à grande échelle du secteur industriel et bancaire mis en place par le gouvernement de Hanna Suchocka, issue de l’Union démocratique de Mazowiecki. L’échec électoral qu’essuie la droite en 1993 face aux postcommunistes barre temporairement la route aux ambitions des frères jumeaux jusqu’au début des années 2000, lorsqu’ils fondent PiS.
Solidarność n’a pas le même sens pour tous
PiS, le bon parti au bon moment
Ce rappel historique permet de mettre en lumière une différence fondamentale dans l’attitude des deux principaux courants de la droite à l’égard de la transition démocratique polonaise, qu’ils ont pourtant contribué à façonner :
- d’une part, les libéraux, représentés aujourd’hui par PO, considèrent les négociations et l’accord de la « Table ronde » en 1989 comme un acte fondateur de la démocratie polonaise. Ils acceptent pleinement la «Troisième République» (c’est-à-dire le régime mis en place dès 1990) et les réformes libérales de Leszek Balcerowicz ;
- d’autre part, les conservateurs, représentés par PiS, voient la «Table ronde» comme une trahison, un péché originel de la démocratie polonaise, qui dès le départ a vicié la formation de la jeune république. Pour eux, l’absence de décommunisation radicale nuit considérablement à la «Troisième République». C’est pourquoi ils ont proposé en 2005- 2007 de s’atteler à la construction d’une «Quatrième République».
On pourrait affirmer également que les deux courants de la droite polonaise, en dépit d’une origine commune, n’ont pas de vision commune de leurs origines. Il existe un contraste saisissant dans le regard que ces deux mouvements, PO et PiS, portent sur Solidarność. Pour PiS, Solidarność a été un mouvement populaire de reconquête nationale, trahi par certains de ses leaders. Le parti des frères Kaczyński est toujours resté connecté à la base syndicale et ouvrière de Solidarność, et bénéficie encore aujourd’hui du soutien de ce syndicat. Dans le cas de PO, dont les leaders (le Premier ministre Donald Tusk et le président de la République Bronisław Komorowski) ont pourtant été des membres actifs de Solidarność dans les années 1980, cette connexion syndicale a été complètement perdue. Pour PO, Solidarność a été davantage un mouvement de libération ayant permis de mettre en place le système capitaliste, comme l’ont fait les réformateurs du gouvernement Mazowiecki. Sur un plan personnel, les deux partis se distinguent également par leur relation aux grandes figures de Solidarność, PiS étant proche de tous ceux qui ont désavoué Lech Wałęsa. PiS a essayé de représenter comme prépondérant le rôle des frères Kaczyński dans la fondation et l’histoire du syndicat, en minimisant le rôle du lauréat du prix Nobel de la paix, au point de ne pas l’inviter, en 2006, à une cérémonie anniversaire des événements d’août 1980. En revanche, PO traite Wałęsa avec révérence, et le Premier ministre Tusk se montre régulièrement aux côtés de l’ancien président.
Après cet aperçu des fondements idéologiques des deux grands partis de droite polonais, il s’agit à présent d’étudier plus en détail les circonstances de leur structuration, leur corps doctrinal et leur assise électorale.
Deux partis que tout oppose ?
En termes de date de création, PiS et PO sont à peu près contemporains : tous les deux ont vu le jour en 2001, au moment où la droite, divisée et épuisée par quatre années difficiles au gouvernement, s’acheminait vers une défaite électorale au profit des postcommunistes sociaux-démocrates.
De 1997 à 2001, la Pologne était gouvernée par une majorité parlementaire de droite composée de partis héritiers de Solidarność, réunis au sein d’un groupement nommé Akcja Wyborcza Solidarność (AWS-Action électorale Solidarność), mosaïque politique dont seule la droite polonaise avait le secret, disait-on à l’époque. Le syndicat Solidarność, le parti des frères Kaczyński, Porozumienie Centrum, ainsi qu’au total une quarantaine d’organisations politiques en faisaient partie. Ce groupement était en recomposition interne permanente. De plus, jusqu’en 2000, AWS a gouverné en coalition avec UW. Durant cette période, Leszek Balcerowicz était de nouveau ministre des Finances, et quatre importantes réformes ont été adoptées, dans les domaines de la fonction publique, de l’éducation nationale, de la santé et des retraites. UW est ensuite passée dans l’opposition et un gouvernement minoritaire est allé jusqu’au bout du mandat d’AWS, alors que cette formation était en pleine Lech Kaczyński a été ministre de la Justice dans le gouvernement AWS en 2000-2001. Son volontarisme dans le domaine de la lutte contre l’insécurité, le crime organisé et la corruption lui a valu une forte popularité. Armé de ce capital politique, il crée début 2001, avec son frère Jarosław, le parti PiS, dont le nom exact, «Droit et justice», renvoie à l’entreprise de renforcement de l’ordre public dont s’était chargé Lech Kaczyński. Fondé en quelque sorte sur les décombres d’AWS, PiS attire un spectre large de politiques et de militants, allant du centre droit à l’extrême droite.
L’intransigeance face au crime et à la corruption ainsi que la volonté d’empêcher les anciens collaborateurs du régime communiste d’accéder à des fonctions publiques sont deux principaux axes du programme du nouveau parti qui le dotent d’une voix puissante dans l’opposition face au camp postcommuniste. Celui-ci, représenté par le parti social-démocrate SLD, au gouvernement de 2001 à 2005, se retrouve déstabilisé par d’importants scandales de corruption qui finissent par le discréditer durablement aux yeux de l’opinion. Pendant ce temps, PiS démarre sa conquête du pouvoir avec une importante victoire à l’élection municipale de Varsovie, en novembre 2002. Avec près de 70% des voix, Lech Kaczyński devient maire de la capitale polonaise. Il continue à consolider sa popularité à travers un discours inspiré des principes de la «tolérance zéro» face à l’insécurité, et en œuvrant pour une plus grande reconnaissance des vétérans de l’insurrection de Varsovie de 1944. La mémoire de cet événement tragique, bafouée pendant des décennies par le régime communiste, trouve en Lech Kaczyński un ardent défenseur. Il initie la construction, au cœur de la capitale, d’un grand musée de l’Insurrection et, pour le 60e anniversaire de celle-ci, organise une cérémonie de commémoration à très grande échelle, en présence du chancelier allemand Gerhard Schröder et du secrétaire d’État américain Colin Powell.
La popularité des frères Kaczyński et de leur parti est à son comble en 2005, année d’élections législatives et présidentielle. Le parti de gauche SLD est vaincu avant l’heure : divers scandales ont eu raison du gouvernement de Leszek Miller et un gouvernement minoritaire, avec à sa tête un technocrate, l’économiste Marek Belka, expédie les affaires courantes. C’est ainsi que s’ouvre devant PiS un véritable boulevard politique et que le parti a l’opportunité de marginaliser son principal rival à droite, le parti libéral PO.
PO : des débuts troublés par un tâtonnement idéologique
Deux dynamiques politiques conduisent à la création de PO en 2001. Premièrement, lors de l’élection présidentielle de 2000, si le président sortant postcommuniste et social-démocrate Aleksander Kwasniewski est réélu au premier tour, un candidat indépendant, Andrzej Olechowski, arrive de manière inespérée en deuxième position avec 17% des voix. Ancien ministre des affaires étrangères, Olechowski est un libéral qui cherche à apporter son capital politique à la construction d’un nouveau mouvement. Deuxièmement, dans les rangs d’UW, le mécontentement gronde face à la diminution du rôle de ce parti sur la scène politique nationale. Ses grandes figures (Leszek Balcerowicz, Bronisław Geremek…) ne semblent pas en mesure de l’emmener plus loin après l’échec de sa coalition avec AWS. Frustrée, une génération plus jeune de cadres d’UW, Donald Tusk en tête, crée PO en janvier 2001, avec le concours d’Andrzej Olechowski et de Maciej Płażyński (ex-AWS). Tusk, Olechowski et Płażyński multiplient les apparitions publiques et sont rapidement surnommés les «trois ténors». Cependant, ils tardent à définir la nature du nouveau mouvement et les axes de son programme. Répétant souvent, au cours des premiers mois de leur travail commun, «ce n’est pas un parti, c’est un mouvement citoyen», et oscillant entre libéralisme et conservatisme, les fondateurs de PO contribuent à désorienter les électeurs. Andrzej Olechowski connaît un échec retentissant face à Lech Kaczyński lors de l’élection municipale à Varsovie.
Ces débuts un peu laborieux n’empêchent pas PO de se faire entendre dans l’opposition face au gouvernement de gauche accablé par les scandales. Mais c’est autour des enjeux européens que le nouveau parti arrive à se distinguer. En contradiction avec son ADN de mouvement libéral et proeuropéen, motivé par des considérations à court terme, PO s’oppose au compromis sur le projet de Constitution européenne et met une forte pression sur le gouvernement de gauche chargé des négociations lors du Conseil européen de décembre 2003. L’une des figures de proue de PO de l’époque, Jan Rokita, s’exclame : «Nice ou la mort !», en défense du traité de Nice contre le projet de traité constitutionnel.
Subissant la pression de son rival PiS, qui galvanise par ses prises de position moralistes un électorat lassé du long feuilleton des affaires de corruption éclaboussant la gauche au pouvoir, PO peine à se forger une ligne idéologique claire. Lors de la campagne électorale des législatives de 2005, PO essaie tantôt de se distinguer de PiS par son libéralisme économique, tantôt de reprendre à son compte les positions conservatrices de ses rivaux, jusqu’à la surenchère.
2005, le début d’une opposition frontale entre les deux partis
Aux élections législatives de septembre 2005, PiS arrive en première position avec 26,99% des voix, suivi par PO avec 24,14%. Le faible taux de participation (à peine 40%) démontre qu’en se déconsidérant elle-même à cause des multiples «affaires», la précédente majorité de gauche avait aussi réussi à discréditer la politique en général aux yeux des électeurs. En témoigne également le relatif succès de deux petites formations extrémistes et radicalement antieuropéennes : Samoobrona (Autodéfense), 11,41% des voix, parti populiste défendant les intérêts des paysans, et Liga Polskich Rodzin (LPR – Ligue des familles polonaises), 7,97%, parti ultracatholique et nationaliste. PiS sort vainqueur de ces élections mais n’est pas majoritaire et doit former une coalition pour gouverner. Tout au long de la campagne électorale, PO semblait être un partenaire de coalition naturel, puisque issu lui aussi de Solidarność et très critique envers les postcommunistes sortants. Pourtant, les négociations entre les deux partis rencontrent rapidement d’importantes difficultés. PiS rechigne à proposer à PO des portefeuilles ministériels de premier rang, entendant se réserver la Justice, l’Intérieur et la Défense. PO jette l’éponge et le gouvernement de PiS est investi avec le soutien de Samoobrona, d’un autre parti représentant le monde rural, Polskie Stronnictwo Ludowe (PSL – Parti populaire polonais), et de LPR. Contraint de passer dans l’opposition, PO subit un nouvel échec lorsque son leader et candidat à l’élection présidentielle, Donald Tusk, est battu au second tour par Lech Kaczyński, vainqueur avec 54,04%.
Il est important de faire ici un point plus détaillé sur les programmes de PiS et de PO en 2005, afin de mettre en lumière l’étendue de leurs divergences doctrinales sur des questions clés.
Doctrine et références historiques du PiS et de PO
Introduction au projet de « Constitution de la IVeRépublique », document PiS, 19 mars 2005
Ibid
Le préambule de 1997 stipule que « tous les citoyens de la République, autant ceux qui croient en Dieu, source de vérité, de justice, de bien et de beauté, que ceux qui ne partagent pas cette foi et dérivent ces valeurs universelles d’autres sources », sont « égaux dans leurs droits et leurs devoirs devant leur bien commun – la Pologne».
Paweł Wroński, Gazeta Wyborcza, 7 décembre 2005
Aux élections législatives et présidentielle de 2005, PiS a su mobiliser les électeurs autour d’un programme ambitieux, la construction d’une «Quatrième République». Ce projet reposait sur la nécessité de rompre définitivement avec ce que le parti des frères Kaczyński appelait «le système», c’est-à-dire la collusion des élites du pays avec les intérêts privés, notamment ceux de puissants hommes d’affaires. Cette collusion était, selon PiS, mise en évidence par la manière dont ont été conduites les privatisations des entreprises publiques depuis le début des années 1990, la bienveillance des gouvernements précédents à l’égard des investisseurs privés et les nombreuses affaires de corruption. Pour PiS, l’autre partie de cette équation était la présence, parmi les personnes exerçant de hautes fonctions au sein de l’État ainsi que dans le secteur privé, d’anciens fonctionnaires et collaborateurs du régime communiste, corrompus par essence.
La «Quatrième République» était plus qu’un slogan : il s’agissait véritablement d’un projet de rénovation institutionnelle porté par une nouvelle Constitution. En effet, PiS considérait que la Constitution polonaise en vigueur depuis 1997 présentait des défauts rédhibitoires, n’ayant réussi à mettre en place «ni un État solidaire, source de justice sociale, ni un État catholique appartenant à la nation polonaise ni un État fort, facteur d’ordre public5 ». Ainsi, cette Constitution ne serait pas celle d’un «État de droit démocratique» et aurait plutôt permis «le renforcement du postcommunisme au détriment du bien de la République6». Le projet de Loi fondamentale proposé par PiS se voulait inspiré partiellement de la Constitution française, car il renforçait le rôle du président de la République au sein de l’exécutif bicéphale en étendant ses pouvoirs.
Mais la ressemblance s’arrête là. Le préambule démarre par une invocatio dei pure et simple, censée remplacer la formule du préambule de 1997, qui mentionne au même niveau les croyants et les non-croyants7. L’accent est mis sur la «nation polonaise» au détriment de l’ensemble des citoyens polonais ; la question des droits des minorités nationales n’est pas traitée ; la séparation des pouvoirs est remise en question par la marge de manœuvre et le pouvoir d’ingérence du président ; l’avortement ainsi que la fécondation in vitro sont interdits. Enfin, le droit international se retrouve subordonné au droit interne polonais. En cela, le projet de Constitution proposé par PiS en 2005 (puis de nouveau en janvier 2010, avec peu de modifications) est un texte révolutionnaire, en rupture avec les principes qui ont présidé à la construction de l’État polonais depuis 1989.
La rupture définitive avec à la fois l’ancien régime communiste et la spoliation des citoyens causée par le nouveau régime capitaliste devait s’accompagner d’une politique économique et sociale à caractère redistributif. Le pari était de renforcer et centraliser davantage l’État-providence afin de maximiser la solidarité nationale (couverture santé généreuse, prestations sociales étendues), tout en évitant les hausses d’impôts, les économies réalisées sur la fonction publique et des injections de capital grâce à de nouvelles privatisations. Le volet économique et social de la politique de PiS devait être financé essentiellement par la croissance.
En termes de références historiques antérieures à la période de Solidarność, PiS se veut un héritier des idées et de l’action politique du maréchal Józef Piłsudski, l’un des artisans de la renaissance de l’État polonais en 1918. Józef Piłsudski a dirigé la Pologne, de jure ou de facto, pendant la majeure partie de la période 1918-1935 ; on lui doit notamment la victoire polonaise dans la guerre polono-bolchévique en 1920. Il est resté une figure historique vénérée en Pologne, malgré les efforts du régime communiste pour réduire la portée de sa mémoire. Mais l’action du maréchal à la tête de l’État polonais se caractérise également par des aspects sombres, notamment son autoritarisme et son antiparlementarisme virulent qui l’ont mené à faire emprisonner de ses ennemis politiques en 1930. La politique du maréchal à partir de son coup d’État de 1926 est fondée sur le besoin d’«assainissement moral» (sanacja) de l’État polonais, idée de laquelle PiS se sent proche.
Il est nécessaire de mentionner ici en quelques mots une autre tradition de la droite polonaise, celle de la «national-démocratie» (endecja), dont les représentants se sont disputés le pouvoir avec le camp de Józef Piłsudski dans l’entre-deux-guerres. Le camp national-démocrate se distinguait, entre autres, par sa volonté de créer un État polonais unifié du point de vue ethnique, ainsi que par son antisémitisme. LPR est le principal parti de droite contemporain se présentant comme héritier direct de la national-démocratie. Etant donné que ce parti est quasiment inexistant sur la scène politique polonaise depuis son échec aux élections législatives de 2007 (avec 1,30%, il n’a obtenu aucun mandat), nous avons choisi de ne pas lui consacrer une étude plus exhaustive dans le cadre de cette note.
En 2005, PO traversait une telle crise d’identité qu’un éditorialiste du quotidien Gazeta Wyborcza posait la question : «Quelle est la différence entre PiS et PO, à part le fait que PO ne sait pas gagner ?8» Certes, en termes de programme, PO se voulait un parti à orientation clairement libérale, proposant notamment de baisser les impôts et de mettre en place un taux d’imposition unique de 15%, qui s’appliquerait aux prélèvements obligatoires sur le revenu, sur les sociétés, et même à la TVA. PO souhaitait également réduire les dépenses publiques, réaliser des coupes dans la fonction publique et supprimer le sénat. Pour «responsabiliser» l’administration, PO suggérait de punir par des amendes des fonctionnaires responsables d’erreurs et de mauvaises décisions qui auraient entraîné des conséquences financières pour des individus ou des entreprises. Le parti se montrait très favorable à une accélération des privatisations et aux investissements étrangers.
Cependant, PO a eu des difficultés à assumer pleinement son programme libéral. Lors de la campagne des législatives de 2005, PiS accusait PO de vouloir faire de l’«expérimentation libérale», en soutenant les intérêts des milieux des affaires au détriment des plus démunis. Un spot télévisé de PiS illustrait cette démarche, en faisant d’un réfrigérateur vide le symbole de la politique proposée par PO. Le parti libéral n’a pas su se défendre contre ces critiques et a tenté de se repositionner comme «libéral-conservateur», sans grand succès. Après sa défaite, PO a adopté un positionnement de centre droit, dénonçant la radicalisation de PiS, la nature de la coalition gouvernementale et les dérives de l’entreprise de «rétablissement de l’autorité de l’État» à laquelle s’était attelée la majorité.
En tant que parti libéral, PO n’est pas une formation aspirant à proposer un nouvel ordre moral et sociétal ni à créer de nouvelles institutions. S’il propose lui aussi de modifier la Constitution polonaise, c’est plutôt dans un objectif d’«amaigrissement» de l’État et de réduction du rôle du président. Sa volonté affichée est de contribuer à rendre l’État plus efficace et de limiter son champ d’intervention pour favoriser le dynamisme du secteur privé. Conservateur sur les questions sociétales, PO ne se distingue pas par un militantisme particulier dans ce domaine. Admiratif des réalisations de Balcerowicz au début des années 1990, PO ne semble pas avoir de référent historique plus ancien en Pologne, étant donné la faiblesse de la tradition libérale dans le pays. Si l’on recherche des éléments d’une telle tradition dans l’histoire polonaise, tout au plus peut-on mentionner une personnalité politique de l’entre-deux- guerres, Władysław Grabski, ministre du Trésor de la jeune République polonaise, puis Premier ministre de 1923 à 1925. Cet agronome et économiste, diplômé de l’École libre des sciences politiques et de la Sorbonne, a mené pendant son mandat une réforme complète du Trésor public. Il est à l’origine de la mise en place des principales institutions financières du pays, ainsi que de la création d’une nouvelle monnaie, le złoty. Réformateur zélé et homme politique éminemment pragmatique (issu du camp national-démocrate, il fut adepte des alliances politiques larges, à géométrie variable), il reste une référence pour les réformateurs libéraux d’aujourd’hui. Fait intéressant, son arrière-petite-fille, Małgorzata Kidawa-Błońska, dirige les structures de PO dans la région de Varsovie.
Comparaison de l’électorat du PiS et de PO
Ces chiffres proviennent de sondages sortie des urnes réalisés par TNS OBOP pour la télévision polonaise au moment des élections législatives d’octobre 2007
Les trois grandes variables sociodémographiques autour desquelles s’opère la distinction entre l’électorat de PiS et celui de PO sont l’âge, le niveau de diplôme, ainsi que la taille de la population de la commune de résidence des électeurs. Aux législatives de 2007, le vote PiS était majoritaire seulement parmi les personnes âgées de plus de 60 ans (39,9%, tandis que PO réalisait un résultat de 30,2% dans cette catégorie). L’avance de PO sur PiS était la plus importante dans la catégorie des 18-24 ans (56,4% d’entre eux donnant leur voix à PO, contre 21,8% pour PiS). Toujours importante chez les 25-39 ans (52,4% pour PO, 24,2% pour PiS), cette avance se réduisait chez les 40-59 ans (39,7% pour PO, 33,1% pour PiS). En termes de niveau de diplôme, PiS était majoritaire en 2007 parmi les personnes n’ayant pas dépassé le niveau du baccalauréat, tandis que PO dominait dans les catégories des post-bac (44,9% contre 29,4% pour PiS) et des diplômés de l’enseignement supérieur (55,7% contre 21,4%)9. Enfin, PO était plébiscité en 2007 par 53,8% des électeurs résidents de villes de plus de 500.000 habitants (27,1% dans le cas de PiS), contre 23,4% des habitants de communes de moins de 5.000 personnes (35,9% pour PiS). Ces tendances se sont confirmées aux élections européennes de 2009 et lors du scrutin présidentiel de juin-juillet 2010. Un avertissement cependant : la forte domination du vote PO parmi les plus jeunes et les plus diplômés n’est pas nécessairement le facteur déterminant de sa victoire sur PiS en 2007. C’est plutôt la courte avance de PO sur PiS dans les catégories de la population les plus nombreuses – les 40-59 ans, les diplômés de l’enseignement secondaire – qui a fait basculer l’élection.
Il est intéressant de noter également que l’importance des variables discutées ci-dessous était bien moindre aux élections législatives de 2005, lorsque PiS bénéficiait d’un soutien plus marqué dans les grandes villes, parmi les plus diplômés et les jeunes. Après l’arrivée au pouvoir du parti, sa rhétorique radicale semble avoir éloigné de lui une partie de ces électeurs.
Ces éléments semblent indiquer que PiS devient, de manière de plus en plus marquée, le parti des «laissés-pour-compte» de la transformation capitaliste du pays, des milieux où les craintes liées à la modernisation du pays et à son adhésion à l’Union européenne s’expriment le plus fortement. Les électeurs de PO, eux, sont nettement plus enthousiastes face à l’évolution économique du pays et son appartenance à l’Union européenne. Ils sont également moins conservateurs que les électeurs de PiS sur les questions d’ordre sociétal et moral (même s’il faut préciser que PO ne souhaite remettre en cause ni le cadre des rapports entre l’Église et l’État, régis par un concordat, ni la loi sur l’avortement qui restreint la possibilité de pratiquer l’IVG à une poignée de cas définis de manière très stricte). L’institut d’études CBOS a publié une analyse très intéressante des enjeux sur lesquels les électorats des différents partis politiques polonais se distinguent. Les éléments clés de cette analyse sont présentés dans les tableaux ci-dessous.
Tableau 1 : , «Les électorats des principaux partis politiques : caractéristiques des idées», octobre 2009
Source :
Étude CBOS
Dans le cadre de l’étude CBOS citée ici, les personnes interrogées étaient priées de déclarer leur proximité par rapport à l’une de deux propositions opposées, en se situant sur une échelle allant de 1 à Les réponses 1, 2 et 3 ont été regroupées pour obtenir le nombre de personnes proches de la première des deux propositions ; idem pour les réponses 5, 6 et 7 pour obtenir le nombre de personnes proches de la proposition opposée. La réponse 4 correspond à la réponse « intermédiaire » ou équidistante aux deux propositions.
Le niveau d’intégration de la Pologne dans l’Union européenne, le rôle de l’Église dans la vie publique ainsi que le droit à l’avortement sont des points sur lesquels les électorats PO et PiS se distinguent nettement, même s’il est frappant de remarquer que les sympathisants des deux partis sont très largement en faveur d’une séparation de l’Église et de l’État.
Sur les questions relatives au rôle de l’État dans l’économie, il devient clair que l’électorat PO n’a rien d’«ultralibéral». Certes, les sympathisants de PO sont bien plus nombreux que ceux de PiS à appeler de leurs vœux un rythme plus soutenu des privatisations ou bien un taux unique de l’impôt sur le revenu. Cependant, une majorité importante des sympathisants de PO se montrent prudents quant aux privatisations et acquis à l’idée de la progressivité de l’impôt. Ils sont également favorables à l’État-providence.
Tableau 2 :«Les électorats des principaux partis politiques : caractéristiques des idées», octobre 2009
Source :
Étude CBOS
Ce qui remet fortement en cause l’idée selon laquelle il existerait une «Pologne sociale» et une «Pologne libérale». Ainsi, en matière de choix entre les deux partis, les questions sociétales sont bien plus clivantes que les attitudes envers le rôle de l’État dans l’économie. La forte mobilisation de l’électorat PiS sur les questions d’ordre moral a permis à certains commentateurs de constater que là où PO avait des «électeurs», PiS avait des «fidèles11». Si on s’en tient à la nature des évolutions économiques et sociales en cours dans le pays (une population de plus en plus diplômée, l’exode rural, etc.), on pourrait conjecturer que, dans les années à venir, les «fidèles» de PiS seront de moins en moins nombreux. Une vision linéaire de l’histoire peut porter à croire que l’arrivée de PiS au pouvoir en 2005 a été alimentée par une dernière résurgence des craintes liées à la mise en place du système capitaliste et à l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, partagées avant tout par un électorat voué à se rétrécir au fil du temps12. Mais l’évolution de la situation économique et de la position de la Pologne dans l’Union européenne pourrait encore réserver des surprises aux partisans de ce raisonnement. Par ailleurs, dans un contexte où les niveaux d’abstention restent élevés lors des élections nationales (entre 50 et 60%), on peut se demander lequel des deux grands partis de droite réussira le mieux dans les années à venir à mobiliser les abstentionnistes, principalement des centristes modérés. Le conservatisme sociétal de PiS et le libéralisme économique de PO sont sans doute les principaux handicaps des deux partis dans cette perspective.
Les différences idéologiques séparant les deux principaux partis de droite polonais, visibles lors des campagnes électorales de 2005, ont été davantage mises en évidence par leur manière de gouverner dans la période qui a suivi. Deux gouvernements PiS, celui de Kazimierz Marcinkiewicz et celui de Jarosław Kaczyński, se sont succédé jusqu’en 2007, date des élections législatives anticipées qui ont porté PO au pouvoir et permis l’investiture du gouvernement de Donald Tusk.
PiS et PO à l’épreuve du gouvernement
Witold Gadomski, Gazeta Wyborcza, 19 décembre 2005
Mariusz Janicki, Wiesław Władyka, Polityka, 5 novembre 2007
C’est l’opinion du professeur Tomasz Nałęcz, exprimé lors d’une conférence de l’ISP le 29 novembre 2007
Ibid
Selon la Konfederacja Pracodawców Polskich (KPP – Confédération polonaise des entrepreneurs), communiqué de presse, 5 novembre 2009
Chiffre du Główny Urząd Statystyczny (GUS – Institut central de la statistique), 22 avril 2010
D’après les sondages CBOS mensuels mesurant la « cote du gouvernement », avril 2010 et périodes précédentes.
Ibid
PiS condamnait vivement tous ceux qui s’étaient résignés à «brader l’État» et qui regardaient les nouveaux programmes de dépenses publiques par le prisme d’une «logique purement comptable» (selon les termes du discours de politique générale du Premier ministre Kazimierz Marcinkiewicz). Cependant, en matière économique et sociale, peu de promesses électorales de PiS ont dépassé le stade des effets d’annonce. Le manque de financement adéquat s’est fait ressentir dès la préparation du budget pour 2006. Cela était prévisible, le gouvernement n’ayant pas augmenté les recettes ni mis en place de programme d’économies significatif dans le domaine de la fonction publique. Finalement, l’augmentation des dépenses publiques en matière sociale et économique s’est réduite principalement au financement des mesures suivantes :
- l’allongement du congé maternité ;
- la mise en place d’une prime de naissance généralisée sans conditions de revenu ;
- des crédits d’impôt favorisant les familles au détriment des célibataires et des personnes sans enfant ;
- un programme de lutte contre la malnutrition chez les jeunes ;
- l’augmentation des subventions pour les producteurs de biocarburants.
Comme l’a souligné l’éditorialiste Wiktor Gadomski, «ce qui est resté du programme de PiS – une brochure de plusieurs dizaines de pages promettant une “Pologne solidaire” –, ce sont quelques objectifs piochés au hasard, pour lesquels un financement a été trouvé. […] Au prix de 800 millions de złotys le gouvernement se sera acquitté de sa promesse de mener une politique familiale, sociale et favorisant les agriculteurs. Ce n’est pas une somme de nature à résoudre quelque problème que ce soit, mais elle permet à Marcinkiewicz d’affirmer qu’il réalise le programme de PiS. Oui, il le réalise, mais seulement sur un plan symbolique13».
Les mesures évoquées ci-dessus témoignent autant de l’importance de la famille et du monde rural dans la rhétorique politique de PiS que de l’influence sur le gouvernement de ses deux alliés au Parlement (devenus ensuite partenaires de coalition de PiS). LPR réclamait une politique favorisant la natalité et Samoobrona se montrait intransigeante quant à la nécessité de soutenir les agriculteurs. Ces deux formations ne manquaient jamais l’occasion de prendre en otage le gouvernement sur des questions en rapport direct avec leur électorat.
Faute de moyens, de nombreux points clés du projet de PiS sont restés lettre morte. Un vaste programme de construction de logements, annoncé pendant la campagne des législatives, est apparu très vite comme irréaliste, de même qu’un programme de modernisation et de construction d’infrastructures routières. Il va de soi que la maîtrise des déficits publics n’a pas été réalisable. Néanmoins, jusqu’à sa chute précoce en juillet 2006, le gouvernement de Kazimierz Marcinkiewicz est resté populaire. Cela a été possible notamment grâce au charisme et à l’enthousiasme du jeune Premier ministre (45 ans au moment de sa nomination). L’état de grâce du gouvernement a été prolongé par un succès remporté au Conseil européen de décembre 2005, au cours duquel a été scellé un compromis sur les perspectives financières 2007-2013. La Pologne y a obtenu 3 milliards d’euros de plus que ce que prévoyait initialement la proposition d’un groupe de pays réunis autour du Royaume-Uni; de surcroît, le statu quo sur le financement de la Politique agricole commune a été maintenu. Cet épisode, interprété comme une importante victoire du gouvernement, était en cohérence avec le discours combatif de PiS en matière européenne, promettant de défendre les intérêts polonais coûte que coûte et de faire en sorte qu’une «Pologne forte» pèse de tout son poids sur les négociations au sein de l’Union européenne, sans hésiter à bloquer tout le processus si nécessaire.
Au-delà de ces éléments, il faut admettre que l’économie, la croissance, la politique monétaire et les finances publiques sont des questions que PiS a reléguées à l’arrière-plan une fois au pouvoir. Tout au plus le gouvernement Marcinkiewicz peut-il compter à son actif une réforme de la fiscalité (adoptée en 2006, mais entrée en vigueur en 2009), mettant en place deux taux d’imposition sur le revenu (18% et 32%) au lieu des trois taux préexistants. Mais les principales réalisations du gouvernement Marcinkiewicz, ainsi que de celui de Jarosław Kaczyński qui lui a succédé en 2006, se situent dans les domaines de prédilection traditionnels du parti. N’ayant pas obtenu la majorité nécessaire au parlement, PiS a renoncé à faire adopter son projet de Constitution, mais a mis en œuvre des réformes affectant la justice, l’appareil répressif et de renseignement, ainsi que certaines institutions de contrôle. L’adoption des mesures suivantes a marqué l’historique de PiS au gouvernement :
- des modifications du code civil et du code pénal, visant globalement à alourdir les peines et à accélérer le fonctionnement de la justice, notamment avec la création des «tribunaux de 24 heures» destinés à expédier des affaires relatives aux délits passibles de moins de 5 ans d’emprisonnement ;
- une nouvelle loi de lustration, stipulant notamment une extension de la lustration à de nombreuses catégories de la population (professeurs des universités, enseignants au sein d’établissements d’enseignement privés, journalistes…), avec l’obligation, pour les personnes concernées, de déposer une déclaration de collaboration ou de non-collaboration avec les services de sécurité communistes. Les personnes accusées de faire de fausses déclarations sont obligées de se défendre devant un tribunal civil, ce qui constitue un renversement de la charge de la preuve ;
- l’obligation pour tous les agents de la fonction publique de déposer une déclaration (rendue publique) faisant état de leurs ressources et de leur patrimoine, ainsi que de la provenance de ces actifs ;
- la suppression des droits de retraite des anciens cadres des services de sécurité communistes ;
- la réforme des services de renseignement militaires, dont le personnel, selon PiS, n’avait pas fait l’objet d’une décommunisation suffisante ;
- la création d’une nouvelle agence de l’État chargée de la lutte anti-corruption, en plus des agences déjà existantes aux prérogatives similaires, ayant parmi ses compétences le recours aux «méthodes opérationnelles», telles les écoutes. Cette nouvelle agence, nommée Centralne Biuro Antykorupcyjne (CBA – «Bureau central anti-corruption»), n’est responsable que devant le Premier ministre et la commission parlementaire en charge des services spéciaux ;
- la réforme du Conseil national de la radiophonie et de la télévision, organisme de surveillance de la télévision et radio publiques. Cette réforme a notamment permis le remplacement de l’ensemble des membres de ce conseil par des personnalités proches du président et du gouvernement.
C’est donc un véritable programme de refondation de l’État que PiS avait essayé de mettre en œuvre. Mais l’activisme juridique et institutionnel des gouvernements PiS n’a pas eu libre cours : il s’est heurté à une résistance venant des institutions, de certains élus et de pans entiers de la société civile. Le Tribunal constitutionnel, chargé en Pologne d’opiner sur la constitutionnalité des lois, a invalidé les points les plus controversés de la nouvelle loi de lustration. L’opposition de Bronisław Geremek à cette loi a contribué à focaliser l’attention des médias nationaux et européens sur l’affaire. En effet, l’eurodéputé, vétéran de Solidarność et intellectuel respecté au-delà des frontières de la Pologne, avait refusé de déposer sa déclaration comme l’exigeait le nouveau texte. Si PiS avait exhumé un certain nombre de scandales politico-financiers impliquant la précédente équipe gouvernante, il n’a pas réussi à faire traduire devant le Tribunal d’État (équivalent de la Cour de justice de la République française) les grands artisans de la «Troisième République». Sur le plan sociétal, la répression policière de manifestations contre l’homophobie ainsi que la nature du langage employé par les représentants de PiS au sujet de l’homosexualité ont marqué les esprits dans toute l’Europe, mais n’ont pas été suivies de lois qui ancreraient davantage dans le droit polonais la discrimination en raison de l’orientation sexuelle des individus.
La période 2005-2007 fait penser à une révolution avortée, les gouvernements PiS n’ayant pas accumulé suffisamment de capital politique pour transformer véritablement le pays. C’est peut-être dans le domaine des médias que l’influence de PiS a été la plus durable. La télévision publique polonaise (trois chaînes principales et une chaîne d’information continue) ainsi que la radio publique étaient, en juin 2010, toujours contrôlées par des sympathisants de ce parti, même si cette domination touche actuellement à sa fin (l’arrivée à la Présidence de la république du candidat issu des rangs de PO devrait changer ce rapport des forces). Le journal Rzeczpospolita (quatrième quotidien du pays, avec un tirage d’environ 170.000 exemplaires), dont l’État est propriétaire à 49%, est favorable à PiS, surtout depuis qu’il a opté pour une ligne éditoriale plus conservatrice en 2006. Parmi les médias privés, l’hebdomadaire Wprost (environ 180.000 exemplaires) s’était sensiblement rapproché des idées de PiS, mais a renoncé à cette orientation en juin 2010, à la suite d’un rachat et à un changement d’équipe. PiS bénéficie également du soutien des médias de tendance catholique et nationaliste, parmi lesquels le quotidien Gazeta Polska (70.000 exemplaires), ainsi que la nébuleuse de médias contrôlés par l’ordre des Rédemptoristes et le père Rydzyk : le quotidien Nasz Dziennik (tirage non communiqué), Radio Maryja et la chaîne de télévision Trwam. Ces derniers, traditionnellement proches du milieu de LPR, ont bénéficié de multiples attentions de PiS du temps de sa coalition avec la Ligue ; Kazimierz Marcinkiewicz a d’ailleurs été le premier chef de gouvernement polonais à accepter une invitation de Radio Maryja.
La tentative de gouverner par la révolution institutionnelle permanente, dans une ambiance de chasse aux sorcières, et de répondre aux dysfonctionnements de la démocratie en limitant les contre-pouvoirs ainsi que les libertés publiques a fini par desservir PiS sur le plan électoral. Les élections législatives anticipées de l’automne 2007, organisées à la suite de l’échec de la coalition gouvernementale PiS-LPR-Samoobrona, ont vu 4,5 millions de personnes de plus qu’en 2005 se rendre aux urnes. La majorité de ces électeurs n’ont pas voté pour PiS : avec 41,51% des voix, c’est PO qui arrive en tête. PiS a certes obtenu un meilleur résultat qu’en 2005 (32,11%, contre 26,99% aux élections précédentes). Il a su conserver le cœur de son électorat de 2005 (environ 3 millions de personnes) et attirer de très nombreux électeurs de Samoobrona et LPR. Grands perdants de 2007, ces deux partis n’ont pas dépassé la barre des 5% nécessaire pour obtenir des mandats parlementaires : Samoobrona a obtenu 1,53% des voix (contre 11,31% en 2005) et LPR, 1,30% (7,97% en 2005). La récupération d’une grande partie de l’électorat des deux partis extrémistes est sans doute le plus important succès politique de PiS dans la période 2005-2007.
La hausse de la participation électorale en 2007 (53,88%, soit la participation la plus élevée depuis 1989) n’a pas joué en faveur de PiS. Largement abstentionnistes en 2005, les habitants des villes et les jeunes se sont exprimés en 2007 en votant PO (la participation dans les villes de plus de 250.000 habitants a dépassé les 60% ; à Varsovie, elle a été de 73,44%). Comme l’ont constaté des commentateurs de l’hebdomadaire Polityka, «la hausse de la participation a fait que [le message de PiS], destiné à quelques millions d’électeurs choisis, a échoué. Car ce message ne pouvait pas parler aux électeurs au-delà de ce groupe ; il était trop simpliste, univoque14».
PO a profité de ses deux années dans l’opposition pour consolider son programme et s’inscrire en rupture avec la rhétorique messianique et clivante de PiS. Le parti libéral a réussi à reprendre la mairie de Varsovie à son rival, avec l’élection de sa candidate Hanna Gronkiewicz-Waltz. Mais s’il est arrivé en première position aux élections législatives de 2007, PO n’était pas majoritaire et a dû s’allier avec le PSL, représentant du monde rural, pour mettre en place un gouvernement de coalition. Les exigences de ce partenaire, ainsi que la dynamique de cohabitation avec le président Lech Kaczyński (PiS), ont sérieusement limité la portée de l’action gouvernementale dans la période 2007-2010.
Certains estiment d’ailleurs que la nécessité de former une coalition avec PSL a été une aubaine pour PO, une formidable «excuse» pour justifier le fait que « PO ne met pas en œuvre son programme libéral orthodoxe15». En effet, le poids électoral de PO et sa victoire en 2007 peuvent être vus comme «disproportionnés par rapport au soutien réel [de la population ] pour le libéralisme16». PO ne peut toujours pas s’assumer entièrement en tant que parti libéral.
Ainsi, la proposition de mettre en place un taux d’impôt fixe n’est plus évoquée par le gouvernement Tusk. Néanmoins, celui-ci entreprend de faire adopter une série de réformes des finances publiques d’inspiration libérale et tendant vers la rigueur budgétaire, notamment un programme de transformation du système de santé. Selon ce projet, les dettes des établissements de santé (qui sont gérés par les communes) devaient être refinancées par l’État, puis les établissements seraient transformés en sociétés de droit commercial et leurs directeurs en seraient pleinement responsables sur le plan budgétaire. Adopté par la Diète, le projet s’est heurté au veto présidentiel de Lech Kaczyński, tout comme dix-sept autres projets de loi de la nouvelle majorité. (Un veto présidentiel ne peut être repoussé qu’à la majorité des trois cinquièmes ; réunir une telle majorité n’a été possible que dans le cas d’un projet de loi limitant la portée des «privilèges» de retraite anticipée pour un certain nombre de professions.)
Le gouvernement Tusk a pour l’instant essuyé deux échecs majeurs, relatifs à la réforme mort-née du système de santé et à la réforme du fonds de retraite des agriculteurs. Ce fonds draine des ressources importantes du budget de l’État, tandis que les agriculteurs eux-mêmes y contribuent à très faible niveau. La Commission européenne invite la Pologne depuis des années à revoir cette situation désastreuse pour l’équilibre budgétaire. Mais malgré des effets d’annonce initiaux, la coalition PO-PSL n’a pas réussi à se mettre d’accord sur un projet ambitieux, étant donné l’hostilité de la base rurale de PSL.
Parmi les principales réalisations du gouvernement, au-delà de la victoire sur les privilèges de retraite, nous pouvons citer :
- la réforme des forces armées, réduisant l’armée de 150.000 à 100.000 personnes et mettant en place une armée professionnelle (fin du service militaire) ;
- le retrait des forces polonaises d’Irak en 2008-2009 et le renforcement de la présence polonaise en Afghanistan ;
- la mise en place d’une feuille de route pour l’entrée de la Pologne dans le mécanisme de taux de change européen (MCE II) et dans la zone Initialement, 2012 était la date mise en avant par le gouvernement pour l’adoption de la monnaie européenne ; en raison de la crise économique de 2008, l’objectif a été repoussé à 2015 ;
- l’adoption de mesures favorisant la liberté d’entreprendre, comme la réduction du niveau de capital nécessaire à la création d’une société, la mise en place d’un «guichet unique» pour le démarrage d’une activité économique, la redéfinition du « partenariat public-privé » visant à rendre ce cadre plus attractif ;
- une modification de la Constitution interdisant aux personnes condamnées par un tribunal de se porter candidats aux élections législatives.
Au total, dans les deux premières années du gouvernement Tusk, 57% des projets de loi adoptés étaient relatifs à l’entreprenariat17. Le rythme de l’action législative, soutenu en 2008, a baissé en 2009, sans doute en raison de la crise économique et du découragement provoqué par l’«épée de Damoclès» du veto présidentiel.
En cohérence avec ses principes libéraux, en réponse à la crise financière et à la récession économique, le gouvernement Tusk n’a pas réalisé d’injection massive de fonds publics dans l’économie. Les mesures anti-crise adoptées en 2008 et 2009 se sont limitées au refinancement d’une banque, à l’extension des garanties de l’État sur les dépôts bancaires, à l’augmentation du crédit d’impôt pour les investisseurs et à l’introduction d’une plus grande flexibilité du travail. Il est difficile d’évaluer l’effet de ces mesures. Toujours est-il que la Pologne a été le seul pays de l’Union européenne à connaître une croissance de son PIB en 2009 (+1,8%18). Diverses raisons ont été évoquées pour expliquer ce résultat, parmi lesquelles :
- la faible «contamination» du marché financier polonais par des produits financiers complexes à haut risque, comportant des éléments «toxiques» ;
- le faible niveau d’endettement des Polonais, qui a permis un maintien du niveau de la consommation sur le marché intérieur ;
- un maintien des exportations grâce à l’affaiblissement du złoty polonais
La tendance positive semble se confirmer : le taux de croissance du PIB polonais au premier trimestre 2010 a été de 3%.
Cette situation économique explique pour partie la relative popularité du gouvernement de Donald Tusk : en avril 2010, 43% des Polonais déclaraient soutenir le gouvernement (contre 29% qui ne le soutenaient pas). Depuis son investiture, le gouvernement Tusk n’a jamais vu se croiser les courbes de ses sympathisants et de ses opposants, les premiers étant toujours plus nombreux que les derniers – fait inhabituel en Pologne19. Toujours en avril 2010, les personnes qui partageaient le sentiment selon lequel «la politique du gouvernement crée les conditions d’une amélioration de la situation économique» étaient, pour la première fois depuis l’automne 2008, plus nombreuses que celles qui exprimaient l’avis contraire20.
Dans le domaine de la politique européenne et étrangère, le gouvernement Tusk a réussi à réchauffer les relations germano-polonaises et russo-polonaises, au risque de voir PiS coller à PO l’étiquette de «parti de l’étranger». Ces relations avaient connu une détérioration du temps des gouvernements PiS et du fait de l’action du président Lech Kaczyński, notamment lors du conflit armé entre la Russie et la Géorgie en 2008. Donald Tusk avait œuvré avec succès pour assurer la présence du Premier ministre Vladimir Poutine lors du 70e anniversaire du début de la Seconde Guerre mondiale, le 1er septembre 2009 à Gdańsk. Enfin, en 2009, l’élection à la présidence du Parlement européen de Jerzy Buzek, ancien premier ministre AWS puis eurodéputé PO depuis 2004, a été considérée en Pologne comme un succès pour le pays, pour son gouvernement et pour le parti dont il est issu.
En termes de relations avec médias, si un réchauffement des rapports de PO avec la télévision et la radio publiques n’est pas envisageable avant un changement radical dans la composition du Conseil de la radiophonie et de la télévision, le parti libéral bénéficie de nombreux soutiens au sein de Gazeta Wyborcza, journal historique fondé en 1989 par des personnalités appartenant à Solidarność. Gazeta est actuellement le deuxième quotidien du pays (son tirage frôle les 460.000 exemplaires). L’hebdomadaire Polityka (200.000 exemplaires) ainsi que les chaînes de télévision privées TVN et TVN24 sont également favorables à PO.
Après deux années et demi au gouvernement, PO semble bien positionné pour être reconduit au pouvoir en 2011. Mais afin de s’en donner les moyens, le parti libéral a souhaité avant tout remporter l’élection présidentielle de 2010 pour éviter une nouvelle cohabitation douloureuse.
Du nouveau à droite
Dans la perspective de l’élection présidentielle, initialement prévue pour octobre 2010, PO s’est distinguée par la mise en œuvre d’une idée innovante : la décision du leader du parti, le Premier ministre Donald Tusk, de ne pas se présenter et d’organiser des primaires pour désigner un candidat. Cet événement, qui a permis la désignation du président de la Diète Bronisław Komorowski, mérite que l’on s’y attarde dans l’avant-dernière partie de cet exposé. Peu après, la tragédie de Smolensk a amené une autre surprise : après la mort du président sortant, c’est son frère Jarosław Kaczyński qui a décidé de représenter PiS dans cette élection. Sa rupture avec la rhétorique de règlement de comptes à laquelle PiS avait habitué les Polonais et son apparente renonciation à la mise en place d’une «Quatrième République» relèvent-elles d’un choix «stylistique» ou bien d’une nouvelle manière de faire de la politique à droite ?
Un exercice de démocratie interne chez PO
Avec son pedigree «Solidarność», la relative popularité de son gouvernement et fort du «miracle économique» de 2009 lorsque la Pologne a été le seul pays membre de l’Union européenne à afficher une croissance du PIB, le Premier ministre Donald Tusk aurait été un bon candidat présidentiel. Certes, en 2005, PiS avait réussi à faire planer des doutes sur l’«identité nationale» de Tusk, issu d’une minorité ethnique du nord-ouest de la Pologne, les Kaszub (en médiatisant notamment le fait que son grand-père, résidant en Poméranie occidentale, terre d’origine des Kaszub qui était sous contrôle allemand, avait été recruté par la Wehrmacht lors de la Seconde Guerre mondiale). Mais, depuis, cet épisode a été clos et toute attaque de cette nature semble plutôt indigner l’opinion.
Toutefois, Donald Tusk préfère conserver son poste de Premier ministre, officiellement pour pouvoir continuer les réformes. Et il est public que PO souhaite limiter le rôle du président de la République – et la possibilité pour celui-ci de s’arroger des prérogatives sur lesquelles il existe une marge d’interprétation constitutionnelle – afin de s’orienter davantage vers un système à l’allemande ou à l’autrichienne. (En février 2010, PO a déposé un projet de révision constitutionnelle allant en ce sens. Cependant, sans avoir la majorité parlementaire nécessaire pour modifier la Constitution, PO espère mettre en place de facto un tel rapport de forces au sein de l’exécutif le jour où le président de la République sera issu de ses rangs.)
L’idée de présenter un candidat autre que le leader du parti faisait également sens politiquement à cause de l’impopularité du président sortant Lech Kaczyński, relativement facile à battre (tout au long de l’année 2009, sa cote de popularité n’a pas dépassé pas les 27%21).
Enfin, PO a vu dans l’organisation de primaires une opportunité de renouer avec la tradition démocratique de ses origines, lorsque le parti se voulait un «mouvement citoyen», en opposition avec les pratiques de népotisme et de cooptation qui avaient libre cours dans le camp d’AWS au début des années 2000. D’ailleurs, à ses débuts, PO avait déjà essayé d’organiser des primaires pour désigner les candidats du parti aux élections législatives de 2001, mais cette expérience s’était soldée par un échec. La présidentielle de 2010 offrait l’occasion de réhabiliter la pratique et d’offrir une image renouvelée, résolument moderne, du parti libéral. La démarche visait aussi à capter l’attention médiatique au profit de PO et, indirectement, de coller une étiquette de parti autoritaire à PiS, formation très centralisée, au sein de laquelle les frères Kaczyński avaient le monopole de la prise de décision.
Deux candidats, Bronisław Komorowski et Radosław Sikorski, se sont affrontés dans le cadre de ces primaires. L’hebdomadaire Polityka a parlé d’une «campagne de velours22», car les candidats ont pris soin de ne pas s’attaquer directement l’un l’autre, ou alors sur un ton amical, afin de donner une impression de cohésion au sein du parti.
À 58 ans, Bronisław Komorowski, président de la Diète, est issu d’une famille aristocratique. Très jeune, il s’est engagé dans l’opposition au régime communiste et a fait partie de Solidarność dès la première heure, en 1980, tout comme Donald Tusk et Lech Kaczyński. Membre de UD, puis de UW, le parti de Tadeusz Mazowiecki, Bronisław Komorowski est vice-ministre de la Défense dans les années 1990-1993 (avec une pause en 1992, au moment du gouvernement conservateur de Jan Olszewski). Ministre de la Défense en 2000-2001 au sein du gouvernement AWS de Jerzy Buzek, il rejoint PO dès les premiers mois d’existence de ce parti en 2001. Lors des élections primaires, il bénéficiait du soutien de la plupart des dirigeants de PO et même, disait-on, de celui de Donald Tusk, qui voyait en lui un candidat plus consensuel, à la personnalité moins clivante que celle du ministre des Affaires étrangères, Radosław Sikorski.
Personnage au CV haut en couleur mais relativement jeune (47 ans), Radosław Sikorski est plébiscité surtout par les jeunes membres de PO. Quittant la Pologne après son baccalauréat, il s’expatrie au Royaume-Uni, réussit à intégrer l’université d’Oxford et à obtenir l’asile politique après l’introduction de la loi martiale en Pologne en décembre 1981. Après son diplôme, il devient journaliste free-lance et correspondant de guerre, notamment en Afghanistan, pour plusieurs titres de presse britannique ainsi que la très conservatrice National Review américaine. De retour en Pologne au début de la transition démocratique, il est, entre autres, correspondant du Sunday Telegraph et conseiller de Rupert Murdoch au moment où sa News Corporation tente, sans succès, de s’implanter dans le paysage médiatique polonais. Radosław Sikorski se lie avec l’aile conservatrice de la droite polonaise et devient vice-ministre de la Défense au sein du gouvernement de Jan Olszewski en 1992. À ce poste, sa nationalité britannique, qu’il a prise au milieu des années 1980 en plus de la nationalité polonaise, lui vaut de nombreuses critiques. Cela ne l’empêche pas d’obtenir le poste de vice-ministre des Affaires étrangères de 1998 à 2001 au sein du gouvernement AWS de Jerzy Buzek. Il est élu sénateur en 2005 sur une liste PiS, puis nommé ministre de la Défense au sein du gouvernement PiS de Kazimierz Marcinkiewicz, puis dans le gouvernement de Jarosław Kaczyński. Fortement atlantiste, il a d’excellents contacts parmi les néoconservateurs de l’administration Bush. Un conflit avec les frères Kaczyński pousse Radosław Sikorski à la démission début 2007. La même année, il change de camp et devient député PO, puis ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Donald Tusk. Doté d’un style politique plus combatif et plus conflictuel que Bronisław Komorowski, moins légitime au sein de PO du fait de son revirement politique en 2007 et de son adhésion relativement récente au parti, Radosław Sikorski présentait aussi une cible idéale pour PiS. Considéré comme un «traître» par Jarosław Kaczyński, il a régulièrement été attaqué par le camp nationaliste au sujet de sa citoyenneté britannique (même s’il y a renoncé en 2006) ou de son mariage avec une citoyenne américaine, la journaliste du Washington Post Anne Applebaum. Il semble donc que c’est avec un certain degré de soulagement que Donald Tusk a accueilli le résultat des primaires : Bronisław Komorowski gagnant avec 68,5% des voix, contre 31,5% pour Radosław Sikorski.
Les membres de PO avaient un mois (du 17 février au 18 mars 2010) pour voter par voie postale, juste avant une semaine (du 18 au 25 mars) dédiée au vote électronique. Chaque votant devait s’identifier par son nom et prénom afin d’éviter que les mêmes personnes votent plusieurs fois. A posteriori, cette exigence a été évoquée comme l’une des raisons possibles de la faible participation, même si le parti n’entendait pas croiser les données personnelles des membres avec leurs choix électoraux. La participation a été de 47,47% (soit un peu plus de 21.000 membres, dont presque 17.000 ont voté par Internet et un peu plus de 4.000 par voie postale). Les experts se sont accordés pour dire que le niveau de participation a été décevant. Selon le professeur Jacek Raciborski, sociologue, PO est «un parti de cadres, et non pas un parti de masse», ce qui signifie que la plupart de ses membres devraient être plus fortement mobilisés lors de ce type d’échéances. Le politologue Marek Kochan a estimé que les membres de PO avaient ainsi exprimé leur déception au sujet de la décision de Donald Tusk de ne pas se présenter. Le professeur de sociologie Andrzej Rychard a mis en avant la possibilité de la présence de nombreuses «âmes mortes» parmi les membres de PO, des membres passifs qui paient leur cotisation mais se désintéressent de la vie du parti23.
Si les dirigeants de PO semblent attachés à la démocratie interne et décidés à avoir de nouveau recours à des primaires dans le futur, l’avenir de cette pratique en Pologne n’est pas clair. Organiser des primaires au sein d’un parti politique reste un défi dans un pays où la participation lors d’élections nationales laisse fortement à désirer.
« Mettre fin à la guerre polono-polonaise »
Le chat du 13 mai 2010, modéré par Igor Janke, journaliste du quotidien Rzeczpospolita et de la radio TOK FM,
Lors de son discours à Zakopane le 29 mai 2010, propos rapportés par Gazeta Wyborcza.
Chat du 13 mai 2010 sur pl, op. cit.
Aleksandra Pawlicka, Wprost, 6 juin 2010
La catastrophe aérienne du 10 avril à Smolensk a bousculé la scène politique polonaise. En tant que président de la Diète, Bronisław Komorowski a dû assumer, en vertu de la Constitution, les fonctions du président par intérim, tout en étant candidat de PO à la présidence de la République. Une élection présidentielle anticipée a été fixée au 20 juin 2010 pour le premier tour et au 4 juillet pour le second. Dans le contexte du deuil national, face au grand mouvement populaire de recueillement pour honorer la mémoire des victimes, il n’était pas possible de mener une campagne électorale «habituelle». Le candidat de PO s’est en outre trouvé confronté à un rival difficile : Jarosław Kaczyński, le frère du président défunt, fort de la sympathie des Polonais pour les familles des victimes. Premier ministre impopulaire en 2006-2007, Jarosław Kaczyński a vu sa popularité grimper rapidement dans les sondages et a réalisé de très bons résultats : 36,5% des voix au premier tour et 46,9% au second tour (contre 41,5% au premier tour et 53% au second tour pour Bronisław Komorowski). Au-delà de sa tragédie personnelle, le président de PiS a pu améliorer ses chances d’être élu grâce à un nouveau style politique, en évitant d’attaquer directement son rival et en prônant le consensus national. Par son discours, il semble vouloir rompre avec le sectarisme qui était jusque-là une marque de fabrique de PiS. Par contraste avec son attitude intransigeante et son approche quelque peu robespierriste de la politique, Jarosław Kaczyński a étonné les commentateurs par les gestes suivants :
- l’enregistrement d’un message vidéo destiné «aux amis russes» et diffusé sur YouTube (avec des sous-titres en russe), dans lequel le leader de PiS, connu auparavant pour sa «russophobie», remerciait le peuple russe pour sa compassion exprimée après la catastrophe de l’avion présidentiel ;
- la renonciation explicite au désir de mettre en place une «Quatrième République» : dans un chat en ligne sur le portail Salon24 organisé le 13 mai, sa première prise de parole publique depuis la catastrophe du 10 avril, Jarosław Kaczyński estimait que la polémique autour du changement institutionnel et de la nécessité d’«épuration» au sein de la classe politique polonaise appartenait au passé. Il parlait également de «nécessité de compromis» avec le gouvernement24, ainsi que de sa volonté de «mettre fin à la guerre polono-polonaise25» ;
- une focalisation toute particulière sur les défis économiques que doit relever la Pologne, notamment le défi de la croissance et la nécessité de rendre le pays «attractif» pour les investisseurs. Jarosław Kaczyński a notamment déclaré qu’il souhaitait «réunir la modernité et la tradition» en Pologne dans son approche des principaux enjeux économiques et sociaux26.
Les sceptiques ont parlé de «Dr Kaczyński et Mister Hyde27», pour mettre en question la réalité du changement qui vient de s’opérer chez le président de PiS. Mais quelle que soit la profondeur de la volonté de réconciliation nationale affichée par Jarosław Kaczyński, il est clair que le candidat PiS a lancé une offensive destinée à gagner des voix au centre du spectre politique. Tout en promettant de continuer l’œuvre de son frère, il affiche une volonté remarquable de désenclaver son parti et le sortir de l’opposition quelque peu stérile à PO dans laquelle PiS s’est longtemps enfermé.
Les deux grands partis de droite ont tenté de chasser sur les terres de la gauche dans le contexte de l’élection présidentielle. Avant même l’élection, Bronisław Komorowski a soumis au parlement la candidature de l’économiste Marek Belka, ancien Premier ministre dans un gouvernement SLD, à la présidence de la Banque centrale polonaise. La candidature a été adoptée avec les voix des députés PO et SLD. Or jusque-là, toute forme de coopération avec la gauche était taboue pour le parti libéral. Ensuite, le résultat honorable du jeune candidat de la gauche, Grzegorz Napieralski (SLD), au premier tour de l’élection présidentielle (13,7%), a été à l’origine de la métamorphose la plus étonnante de Jarosław Kaczyński. A de multiples reprises, le candidat de PiS, connu dans le passé par son anti-communisme virulent, a invité les électeurs de gauche à le soutenir au deuxième tour. Il a non seulement mis l’accent sur le volet social de son programme mais également fait des remarques positives à propos d’un ancien premier secrétaire du parti communiste au pouvoir dans les années 1970, Edward Gierek, et enfin déclaré qu’il souhaitait bannir le terme de «post-communistes», lui préférant celui d’«hommes politiques de gauche». Il semble désormais certain que PiS que PO vont poursuivre leurs efforts pour attirer les électeurs centristes et de gauche dans la perspective des élections législatives prévues pour l’automne 2011.
Quels que soient les termes utilisés pour désigner la nature du clivage entre PiS et PO – «social» contre «libéral», «tradition» contre «modernisation» –, il est évident que ce clivage n’est confortable ni satisfaisant pour aucune des forces en place. PiS semble avoir pris peur de son incapacité à élargir sa base au-delà d’un électorat âgé, caractérisé par une vision du monde et un mode de vie en voie d’extinction. PO a conscience du faible attrait du libéralisme en Pologne. Le résultat serré de l’élection présidentielle de juin-juillet 2010 – un scrutin qui s’est déroulé dans un climat très particulier après la catastrophe de Smolensk – ne permet pas de dire clairement lequel des deux partis est le plus en phase avec l’électorat. La véritable évaluation du rapport de forces droite-droite en Pologne aura lieu lors des élections locales de la fin 2010 et surtout, à l’occasion du scrutin législatif de 2011.
Tout comme l’histoire de la droite a déterminé l’histoire de la transition démocratique en Pologne, l’avenir de la droite a toutes les chances de laisser une forte empreinte sur le pays. Les prochaines élections législatives auront lieu en pleine présidence européenne de la Pologne, qui démarrera le 1er juillet 2011. Cette première présidence européenne de l’histoire de la Pologne sera-t-elle mémorable du point de vue de la construction européenne ou les enjeux électoraux internes contribueront-ils à réduire sa portée ? Avant cela, le bilan de la négociation sur les perspectives financières de l’Union européenne pour les années 2014- 2020, prévue fin 2010, sera-t-il favorable à la Pologne? Le pays saura-t-il convaincre ses partenaires européens de sa vision de la «sécurité énergétique», tout en continuant à améliorer ses relations avec la Russie ? Retirera-t-il ses troupes d’Afghanistan sans affaiblir sa position au sein de l’OTAN comme l’a promis Bronisław Komorowski? Réussira-t-il à réformer ses finances publiques et maîtriser les déficits pour rejoindre la zone euro en 2015 ? L’action politique des leaders de droite sera déterminante dans la réponse à ces questions. Plus de vingt ans après le début de la transformation systémique du pays, les héritiers de Solidarność restent investis d’une lourde responsabilité politique et historique.
Aucun commentaire.