Résumé
I.

Les élections municipales de 2020 ont été balayées par l’abstention

II.

Malgré un contexte politique et médiatique très favorable au vote écologiste…

III.

… Il n’y pas de « vague verte », même dans la France des métropoles

IV.

Les partis qui l’emportent sont ceux qui perdent le moins d’électeurs

1.

En 2020, LR et PS peinent à conserver leurs capacités de candidatures

2.

Un revers pour le Rassemblement national

V.

En nombre d’électeurs, EELV recule aussi par rapport à 2014

VI.

En 2020, EELV domine les coalitions de gauche dans la France des métropoles…

VII.

… Mais EELV n’emporte que 6 mairies dans les villes de plus de 100.000 habitants

Conclusion

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Résumé

Lors des élections municipales de 2020, dans un contexte politique et médiatique particulièrement favorable au vote écologiste, EELV a dû composer des coalitions de gauche pour réaliser une percée finalement modeste dans les villes de plus de 100.000 habitants. Pourtant, cette France des métropoles est supposée constituer sa terre de prédilection. En réalité, l’abstention, historique et si peu commentée, a eu raison de tous les partis, sans exception, et sans doute même de ces élections municipales.

Pour le moins, l’observation des données conduit à rejeter la thèse d’une « vague verte », annoncée par les sondages avant même la tenue du second tour. L’étude que nous publions ici procède de la base de données que nous avons élaborée, disponible en open data sur data.fondapol.org.

Dominique Reynié,

Professeur des universités à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique.

Auteur, entre autres, du Triomphe de l’opinion publique. L’espace public français du XVIe au XXe siècle (Odile Jacob, 1998), du Vertige social nationaliste. La gauche du Non (La Table ronde, 2005) et des Nouveaux Populismes (Pluriel, 2013). Il a également dirigé l’ouvrage Où va la démocratie ? (Plon, 2017) et Démocraties sous tensions (Fondation pour l’innovation politique, 2020), deux enquêtes internationales de la Fondation pour l’innovation politique.

Liste des abréviations utilisées dans cette étude pour les principaux partis politiques cités

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

I Partie

Les élections municipales de 2020 ont été balayées par l’abstention

Notes

1.

« Adresse aux Français du président de la République », 12 mars 2020. Cette allocution d’Emmanuel Macron a été suivie par 24,80 millions de téléspectateurs.

+ -

3.

« Adresse aux Français du président Emmanuel Macron », 13 avril 2020. Cette allocution d’Emmanuel Macron a été suivie par plus de 36 millions de téléspectateurs.

+ -

4.

Voir Madeleine Hamel, Covid-19 : Cartographie des émotions en France, Fondation pour l’innovation politique, mai 2020.

+ -

5.

Voir Anne Muxel, De la distanciation sociale à la distanciation intime, Fondation pour l’innovation politique, juin 2020.

+ -

6.

« L’état d’esprit des Français à la veille du second tour des élections municipales », enquête Ipsos-Steria réalisée les 26 et 27 juin 2020, ipsos.com, p. 10.

+ -

Le taux d’abstention enregistré lors des élections municipales de 2020 est historique, aussi bien au premier tour (55,34%) qu’au second tour (58,40%), alors même qu’il s’agit traditionnellement du scrutin favori des Français avec l’élection présidentielle. À titre de comparaison, ce taux d’abstention record est supérieur de 8,5 points à celui enregistré lors des élections européennes de 2019 (49,88%), supposées être le scrutin qui intéresse le moins les Français.

Les conditions exceptionnelles dans lesquelles se sont déroulées ces élections municipales expliquent au moins en partie cette abstention. Il est évident que la crainte de la Covid-19 a joué un rôle dans la désertion des bureaux de vote. À la veille du scrutin du premier tour, une invitation à ne pas sortir de chez soi a été lancée par le président de la République lors d’un discours solennel, le 12 mars1, puis, le 14 mars, la veille du premier tour, par le Premier ministre2. Nécessaires dans le contexte d’un risque sanitaire élevé, ces consignes de prudence n’en contredisaient pas moins frontalement le devoir de voter, tout en brisant les mécanismes de la mobilisation électorale. Conséquence du premier tour par l’élimination des listes et le jeu des fusions, le second tour ne pouvait plus en être le prolongement. En raison de la pandémie, l’entre-deux-tours a duré trois mois et demi, au lieu d’une semaine, et a été occupé par l’expérience collective du confinement, inédite et impressionnante, dont le prolongement a été annoncé par le chef de l’État dans un discours du 13 avril3, puis, à partir du 11 mai, par l’expérience du déconfinement. Saturés d’informations complexes, contradictoires, souvent angoissantes4, exposés à un constant orage de polémiques politico-médicales, désireux de retrouver leurs proches5, les Français ne pouvaient guère avoir l’esprit disponible pour s’intéresser à un second tour d’élections municipales, d’autant plus que celui-ci n’avait presque plus aucun rapport avec le premier tour. Notons néanmoins que, selon une enquête de l’institut Ipsos-Sopra Steria, réalisée juste avant le second tour, les Français se disaient d’abord préoccupés par « l’avenir du système social (santé, retraites…) » (44%), « les difficultés en termes de pouvoir d’achat (salaires, impôts…) » (39%) et « la protection de l’environnement » (38%), devant « la Covid-19 » (35%), qui arrive en quatrième position6.

Par le passé, l’abstention a le plus souvent été contenue à des niveaux très inférieurs, a fortiori lors des élections municipales auxquelles les électeurs sont particulièrement attachés. L’abstention n’avait jamais atteint un tel niveau au plan national, dans aucun scrutin. Si, en 2017, la force relative de l’abstention avait marqué l’élection présidentielle (22,23% au premier tour, 25,44% au second tour) et les élections législatives (51,30% au premier tour, 57,36% au second tour), les élections européennes de 2019 avaient au contraire fait apparaître pour la seconde fois consécutive une hausse de la mobilisation électorale en France, l’abstention étant passée de 59,37% en 2009 à 57,57% en 2014 puis à 49,88% en 2019. Finalement, seul le scrutin de 2000 décidant la révision constitutionnelle du passage au quinquennat dépassait le niveau d’abstention observé lors de ces élections municipales (69,81%), mais il s’agissait d’un référendum.

II Partie

Malgré un contexte politique et médiatique très favorable au vote écologiste…

Notes
+ -

8.

Voir Florent Gougou et Simon Persico, « Élections municipales : “Dans la quasi-totalité des cas, les listes à direction EELV se sont imposées en l’absence des maires sortants” », Le Monde, 2 juillet 2020.

+ -

9.

Voir Florent Gougou et Simon Persico, « La poussée (inachevée) des Verts : leçons tirées du premier tour des municipales de 2020 », Les Notes de la FEP, n°19, mai 2020, p. 3.

+ -

Sur le plan politique, la crise des partis de gouvernement est une opportunité pour les écologistes. Les primaires de 2016 et l’élection présidentielle de 2017 ont provoqué l’effondrement des deux grands partis de droite et de gauche, LR et PS. Trois ans plus tard, aucun de ces deux partis n’a récupéré ses forces. Découragés, déçus, perplexes ou perdus, nombre de leurs électeurs se sont abstenus en 2020. Certes, certains de leurs membres sont restés fidèles, mais d’autres ont fait un nouveau choix électoral. L’espace créé par l’affaiblissement de LR et du PS offre donc des opportunités électorales nouvelles. À la faiblesse de l’opposition s’ajoute la fragilité du parti présidentiel, LREM, qui subit les conséquences de l’exercice du pouvoir ; notons encore le retrait, volontaire ou contraint, des partis populistes, avec le RN qui a présenté moins de listes qu’en 2014 et LFI qui a fait le choix de ne pas s’investir dans ces élections municipales.

Une partie de cette abstention record peut être analysée comme l’expression d’un rejet de l’offre politique, comme nous l’avions observé en octobre 2019 lors de la première édition de notre indicateur de la protestation électorale7. Ici cesse la symétrie entre la gauche et la droite. En effet, si en 2020 les droites et les gauches sont durement touchées par l’abstention, les électeurs de gauche sont plus souvent que les électeurs de droite attirés par un vote alternatif. Les électeurs  de droite s’abstiennent beaucoup mais délaissent peu la droite LR pour le RN, en dehors de cas particuliers, comme Perpignan, tandis que les électeurs de gauche pratiquent à la fois l’abstention et le changement de vote au profit de EELV, au détriment du PS et de LFI. Le parti écologiste nourrit donc ses progrès électoraux en aimantant de nouveaux pans du vote de gauche non écologiste. Conséquemment, la poussée de EELV est aussi le résultat d’un simple déplacement des forces à l’intérieur des gauches. Ce phénomène explique le résultat des élections européennes de mai 2019 : avec 13,48% des suffrages exprimés, EELV est devenu la première force de gauche, loin devant FI (6,31%) et la coalition conduite par le Parti socialiste (PS, Radicaux de gauche, Place publique et Nouvelle Donne), qui n’est parvenue à réunir que 6,19% des suffrages exprimés, tandis que Génération.s échouait plus nettement encore, à 3,27%. C’est donc au sein d’une gauche mal en point que prospère EELV. De plus, des victoires de EELV ont eu lieu dans des villes où le maire sortant ne se représentait pas et n’était pas parvenu à organiser sa succession, comme à Bordeaux ou Lyon8.

Sur le plan médiatique, il ne fait pas de doute que, depuis plusieurs années, les enjeux environnementaux en général et la question climatique en particulier sont des thèmes à la fois marquants, par leur dimension anxiogène, et omniprésents dans l’espace public. En témoigne la multiplication du nombre d’articles dédiés à ces sujets dans la presse quotidienne nationale et dans la presse quotidienne régionale, telle que signalée dans une récente étude de la Fondation de l’écologie politique9. Ces dernières années, par exemple, des manifestations étudiantes ou des marches pour le climat, à Paris et en région, comme celle du 21 septembre 2019, ont ainsi largement été relayées par la presse. Par ailleurs, des leaders écologistes, des personnalités ou des médias ont suggéré l’existence d’un lien entre la pandémie de coronavirus et l’économie de marché. Quelle que soit la réalité de ce lien, très contestable, ces discours ont amplifié la résonance écologique de la crise sanitaire pendant les trois mois qui ont précédé le second tour.

Attention médiatique accordée à l’écologie dans les six mois précédant le premier tour en 2020 (en % du nombre total d’articles)

Source :

Fondation de l’écologie politique ; Europresse ; articles comportant les mots « climat », « écologie », « environnement » ou « pollution » dans les quatre principaux titres de la presse quotidienne régionale (Ouest-France, Le Parisien, Sud-Ouest, La Voix du Nord) et de la presse quotidienne nationale (Le Figaro, Le Monde, La Croix, Libération) dans les six mois précédant le premier tour de l’élection.

III Partie

… Il n’y pas de « vague verte », même dans la France des métropoles

Notes

10.

Sophie de Ravinel, « Municipales: les écologistes se préparent à une vague verte », Le Figaro, 29 janvier 2020.

+ -

11.

+ -

12.

Voir, par exemple, « Une abstention record pour les municipales 2014 », lefigaro.fr, 31 mars 2014, ou encore « Élections municipales : un taux d’abstention record », lemonde.fr, 23 mars 2014.

+ -

13.

Voir Brice Teinturier, « Municipales 2020 – Après le second tour : bilan et perspectives », ipsos.com, 28 juin 2020.

+ -

14.

Voir Anne Muxel, « “Le surcroît d’abstention des jeunes accentue le problème posé à la démocratie” », propos recueillis par Luc Cedelle, Le Monde, 2 juillet 2020.

+ -

15.

« L’état d’esprit des Français à la veille du second tour des élections municipales », art. cit., p. 12.

+ -

Il est saisissant de constater que, sans attendre le premier tour, de nombreux médias annonçaient une « vague verte ». Dès le 29 janvier 2020, Le Figaro titrait ainsi : « Municipales : les écologistes se préparent à une vague verte10 ». Quelques semaines plus tard, RFI titrait sur son site : « Vers une vague verte aux municipales en France11 ». De nombreux autres exemples illustrent cette prophétie fondée sur des enquêtes d’opinion.

Une fois les élections municipales passées, de façon surprenante, dans un premier temps, le commentaire public n’a fait qu’effleurer la réalité pourtant incontournable d’une abstention historique ; il lui a été préféré la thèse, certes plus reluisante, d’un triomphe du vote écologiste, toujours présenté comme une « vague », un « tsunami », etc. Si le recours aux superlatifs est de plus en plus fréquent, il est curieux qu’ils n’aient été que rarement employés à propos du niveau d’abstention. Pourtant, en mars 2014, la presse s’inquiétait déjà à ce sujet, qualifiant de « massive » ou de « record » une abstention alors jugée en forte hausse12.

En 2020, avec environ 20 points de plus qu’en 2014, tant au premier tour qu’au second tour, l’abstention au niveau national est pourtant largement restée à l’écart des centres d’intérêt de l’immédiat après-scrutin, dont les écologistes et tout particulièrement EELV ont été aussitôt déclarés grands vainqueurs. Pendant quelques jours, on a pu avoir le sentiment qu’ils étaient devenus la première force politique du pays. S’il est attendu qu’une telle interprétation soit portée par EELV, d’autant plus que ce parti est auréolé de la prise de quelques villes importantes, la thèse d’une « vague », rapportée à une si faible participation, n’est pas recevable.

Un autre élément qui vient tempérer le récit d’une victoire de EELV réside dans la forte abstention des 18-34 ans, estimée à 72%13. Donné pour la France entière, ce chiffre est probablement plus élevé dans les métropoles où la participation a tendance à être moins élevée qu’ailleurs. Si cette forte abstention des jeunes est, comme le fait remarquer la sociologue Anne Muxel14, un phénomène connu, élection après élection, elle signale toutefois que l’attrait plus prononcé des jeunes pour les questions écologiques, qui dans la tranche 18-34 ans placent la protection de l’environnement comme la préoccupation numéro un15, ne se manifeste pas dans les urnes. EELV ne parvient pas à convaincre l’électorat qui devrait lui être favorable de voter.

L’inanité de cette interprétation immédiate est encore plus nette si nous observons les performances du vote EELV dans le biotope social qui est a priori le plus propice à ses progrès électoraux, celui des métropoles. Nous avons ainsi choisi de concentrer notre étude sur les 41 villes de plus de 100.000 habitants en comparant les résultats avec ceux de 2014. Les données présentées ici concernent donc exclusivement les villes de plus de 100.000 habitants, que nous désignerons principalement ci-après comme « la France des métropoles ».

Les performances des différentes forces politiques aux élections municipales de 2014 et 2020 ont été mesurées à partir de deux classifications :

  • par type de candidatures : les listes candidates sont dites « autonomes » lorsqu’une liste est portée par un seul parti, et en « coalition » lorsqu’une liste est soutenue par plusieurs Dans ce dernier cas, la mention « leader » désigne le parti dont un candidat est la tête de liste de la coalition ;
  • par regroupement politique : afin de comparer les performances de EELV et celles des autres forces politiques, nous avons intégré l’ensemble des résultats en distinguant un « bloc des gauches », un « bloc central » et un « bloc des droites » :
    • le bloc des gauches comprend le résultat de toutes les listes, autonomes ou en coalition, menées par le PS, FG/LFI, Génération.s, le PCF, LO, le NPA et EELV, ainsi que les partis ou mouvements classifiés comme « divers gauche » ou « divers écologistes » par le ministère de l’Intérieur. Plusieurs mesures permettent d’autonomiser EELV afin d’évaluer les performances spécifiques de ce parti aux élections municipales de 2014 et 2020 ;
    • le bloc central comprend le résultat de toutes les listes, autonomes ou en coalition, menées par le MoDem, LREM ou d’autres partis classés dans la catégorie « divers centre » par le ministère de l’Intérieur ;
    • le bloc des droites comprend le résultat de toutes les listes, autonomes ou en coalition, menées par les partis de la droite et du centre droit (UMP/LR, UDI et autres partis catégorisés comme « divers droite » par le ministère de l’Intérieur) ainsi que les partis populistes de droite (FN/RN, UPR, DLF).

À noter que les listes émanant du Parti animaliste, les « sans étiquettes » et classées comme « divers » par le ministère de l’Intérieur n’ont pas été retenues ici, sans effets significatifs sur les données recueillies.

Résultats du bloc des gauches, du bloc central et du bloc des droites au premier tour des élections municipales de 2014 dans la France des métropoles

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Résultats du bloc des gauches, du bloc central et du bloc des droites au premier tour des élections municipales de 2020 dans la France des métropoles

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Résultats du bloc des gauches, du bloc des droites et du bloc central au second tour des élections municipales de 2014 dans la France des métropoles

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

* Dans le graphique ci-dessus, le bloc central n’apparaît pas puisqu’aucune liste où le MoDem ou d’autres partis classés dans la catégorie « divers centre » sont leaders ou autonomes ne passe le premier tour des élections municipales de 2014 dans la France des métropoles. Le bloc central obtient donc 0% des suffrages exprimés et 0% des électeurs inscrits au second tour de 2014.

Résultats du bloc des gauches, du bloc des droites et du bloc central au second tour des élections municipales de 2020 dans la France des métropoles

Copyright :

Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

IV Partie

Les partis qui l’emportent sont ceux qui perdent le moins d’électeurs

Notes

16.

La droite fait traditionnellement de meilleurs scores dans les villes moyennes par rapport aux métropoles, qui représentent pour elle un défi électoral. Voir à ce sujet Nelly Garnier, Allô maman bobo. L’électorat urbain, de la gentrification au désenchantement, 2 vol., Fondation pour l’innovation politique, juillet 2019 (http://www.fondapol.org/etude/allo-maman-bobo-1-lelectorat-urbain-de-la-gentrification-au-desenchantement/ et http://www.fondapol.org/etude/allo-maman-bobo-2-lelectorat-urbain-de-la-gentrification-au-desenchantement/).

+ -

Les résultats présentés en pourcentage des suffrages exprimés dressent un tableau dans lequel, dans la France des métropoles, un électeur sur deux (51,01%) a voté pour la gauche au second tour 2020, un score en progression par rapport à 2014 (46,96%). Le bloc des droites subit un revers avec une position nettement dégradée par rapport à 201416.

Résultats du bloc des gauches, du bloc des droites et du bloc central aux élections municipales de 2014 et 2020 dans la France des métropoles (en % des suffrages exprimés)

 

 

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

NB : Pour chaque tour, le total des trois blocs n’est pas égal à 100 car les données n’intègrent pas les résultats résiduels issus de listes n’appartenant à aucun de ces trois blocs.

En 2014, au premier tour, l’abstention était de 36,45% au plan national mais de 45,92% dans la France des métropoles ; au second tour, elle était de 37,87% au niveau national et de 43,27% dans la France des métropoles. En 2020, au premier tour l’abstention est de 55,34% au plan national et de 63,13% dans la France des métropoles ; au second tour, l’abstention est de 58,4% au niveau national et de 64,38% dans les 41 villes de plus de 100.000 habitants.

La ville de Saint-Paul, à La Réunion, est la seule ville française de plus de 100.000 habitants où le taux d’abstention au second tour de 2020 est inférieur à 50% (46,14%). Les taux d’abstention les moins élevés après Saint-Paul sont enregistrés à Perpignan (52,77%), dans l’autre grande ville de La Réunion, Saint Denis (54,52%), Toulouse (55,15%), Nancy (57,78%) et Le Havre (57,98%). Dans six villes, plus de sept citoyens sur dix se sont abstenus : Rouen (70,33%), Saint-Étienne (72%), Nice (72,25%), Le Mans (73%), Villeurbanne (75,11%) et Mulhouse (75,43%). Lors du second tour de 2014, le taux d’abstention le plus élevé parmi ces 41 villes avait été de 55,2%, à Saint-Denis (93).

Déjà élevée en 2014, l’abstention a donc fortement augmenté en 2020 dans la France des métropoles : + 40,36% lors du premier tour et + 59,85% lors du second. Les niveaux historiques d’abstention rendent indispensable l’analyse des résultats au prisme des électeurs inscrits, et non seulement à celui des suffrages exprimés.

L’abstention aux élections municipales de 2014 et 2020 (en %)

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Entre 2014 et 2020, en pourcentage des électeurs inscrits, le bloc des gauches recule de 7,2 points au premier tour (passant de 23,89% à 16,72%) et de 8 points au second tour (de 25,60% à 17,59%). Mais le bloc des droites subit un recul plus sévère encore, en chutant de 14,7 points au premier tour (passant de 27,17% en 2014 à 12,45% en 2020) et de 16,2 points au second tour (de 28,63% à 12,39%).

Résultats du bloc des gauches, du bloc des droites et du bloc central aux élections municipales de 2014 et 2020 dans la France des métropoles (en % des électeurs inscrits)

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

NB : Pour chaque tour, le total des trois blocs et de l’astention n’est pas égal à 100 car les données n’intègrent pas les résultats résiduels issus de listes n’appartenant à aucun de ces trois blocs.

Dans la France des métropoles, sur une population électorale de 5,6 millions d’inscrits en 2014 et de 5,7 millions en 2020, le bloc des gauches perd 383.532 suffrages au premier tour par rapport à 2014. Le bloc des droites en perd un peu plus du double (813.066). À l’exception du Havre, avec la liste menée par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et ici considérée comme une liste du centre, le bloc central ne remporte aucune ville de plus de 100.000 habitants en tant que leader de coalition ou sur une liste autonome. Cependant, l’existence de LREM, apparu après 2014, se manifeste dans l’augmentation du nombre de votes au premier tour en faveur du bloc central, passant de 18.355 électeurs en 2014 à 348.722 en 2020.

Nombre de voix au premier tour des élections municipales de 2014 et de 2020 dans la France des métropoles

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

* Cela n’aurait pas grand sens de calculer le taux d’évolution du bloc central puisque sa très forte progression entre les premiers tours de 2014 et de 2020 s’explique principalement par l’apparition de LREM, qui n’existait pas en 2014.

1

En 2020, LR et PS peinent à conserver leurs capacités de candidatures

Notes

17.

En 2020, des listes l’ont emporté dès le premier tour à Angers, Boulogne-Billancourt, Caen, Montreuil, Reims et Toulon.

+ -

18.

À Dijon, Tours et Nancy, alors que l’UMP était leader de coalition au premier tour en 2014, LR s’est en 2020 allié à des listes de coalition menées par le parti Agir à Dijon et le Mouvement radical à Tours et Au Havre, à Rouen et à Montreuil, alors que l’UMP était leader de coalition au premier tour en 2014, LR s’est en 2020 allié à des listes de coalitions menées par LREM. À Saint-Denis (93), une liste UMP-UDI était candidate en 2014 mais le match se jouait à gauche en 2020 avec, sur 9 listes, 7 listes de gauche, 1 liste LREM-MR-MoDem-UDI et 1 liste menée par un dissident de l’UDI. À Saint-Denis (La Réunion), l’UMP était présente avec une liste autonome au premier tour en 2014. En 2020, on ne compte pas de candidature LR, mais plusieurs listes « divers droite » et centristes. À Amiens, Brest et Rennes, il n’y a pas de candidatures UMP/LR sur liste autonome ou en leader de coalition au premier tour ni en 2014 ni en 2020. À Nîmes, l’UMP n’avait pas de liste en 2014 (Jean-Paul Fournier était candidat sous l’étiquette « divers droite » mais il est réélu maire en 2020 sous l’étiquette LR).

+ -

Au premier tour de 2014, LR a mené des coalitions ou a présenté des listes autonomes dans 37 des 41 métropoles étudiées. Pour ce même scrutin, le PS a dirigé des coalitions ou a présenté des listes autonomes dans 40 métropoles. Au premier tour de 2020, leurs capacités de candidatures se sont affaiblies avec 30 listes pour LR (leaders de coalition ou listes autonomes) et 28 listes pour le PS (leaders de coalition ou listes autonomes). En 2020, cette difficulté à piloter des listes dans les villes de plus de 100.000 habitants s’accentue au second tour : dans les 35 villes où un second tour a eu lieu17, le PS menait 20 listes, contre 34 en 2014, tandis que LR en dirigeait 20, contre 32 en 201418.

Avec l’apparition de LREM, le centre a accru sa capacité à présenter des listes autonomes ou des listes dont il dirige la coalition. En 2014, au premier tour, les partis composant le bloc central présentaient des listes autonomes ou des listes de coalition dont ils étaient leader dans 5 villes sur 41. Aucune d’entre elles n’était parvenue à passer au second tour. En 2020, des listes émanant de ce bloc central, principalement LREM, étaient présentes dans 33 villes, dont 15 ont participé au second tour. Au sein de la gauche, EELV a pris la tête d’un grand nombre de coalitions.

Nombre de listes présentées par les partis dans la France des métropoles

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

* Aux municipales de 2014, 4 villes de plus de 100.000 habitants (Bordeaux, Le Havre, Orléans et Toulon) ont été remportées au premier tour.

** Aux municipales de 2020, 6 villes de plus de 100.000 habitants (Angers, Boulogne-Billancourt, Caen, Montreuil, Reims et Toulon) ont été remportées au premier tour.

2

Un revers pour le Rassemblement national

Les élections municipales de 2020 montrent un RN à la peine dans la France des métropoles. L’élection de Louis Aliot à Perpignan ne peut dissimuler le recul général. Entre 2014 et 2020, le nombre des métropoles dans lesquelles le FN/RN se présente avec des listes autonomes ou en tant que leader de coalition a diminué, passant, entre 2014 et 2020, de 37 à 23 au premier tour. Au second tour, on relève un effondrement du nombre de villes de plus de 100.000 habitants où une liste du FN/RN est encore en lice : 23 en 2014, 6 en 2020.

Nombre de listes présentées par le FN/RN dans la France des métropoles

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

* Aux municipales de 2014, 4 villes de plus de 100.000 habitants (Bordeaux, Le Havre, Orléans et Toulon) ont été remportées au premier tour.

** Aux municipales de 2020, 6 villes de plus de 100.000 habitants (Angers, Boulogne-Billancourt, Caen, Montreuil, Reims et Toulon) ont été remportées au premier tour.

Le revers du RN se manifeste également à travers le nombre de suffrages obtenus : en 2014, au premier tour, 345.792 électeurs ont voté pour le Front National, contre 123.494 en 2020, soit un recul de 64,29%, contre un recul de 28,56% pour le bloc des gauches et de 50,95% pour le bloc des droites (en excluant les populistes).

Nombre de voix pour le FN/RN au premier tour des municipales de 2014 et de 2020 dans la France des métropoles

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Performance du FN/RN aux élections municipales de 2014 et 2020 dans la France des métropoles

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

V Partie

En nombre d’électeurs, EELV recule aussi par rapport à 2014

La prise en considération de l’abstention dans la France des métropoles fait apparaître une érosion du vote EELV (en coalition et en liste autonome). En nombre de voix, EELV passe de 491.141 votes favorables au premier tour 2014 à 348.474 au premier tour 2020, soit une baisse de 29,05% et, au second tour, de 987.219 voix en 2014 à 750.169 voix en 2020, soit une baisse de 24,01%.

Nombre de suffrages EELV au premier tour des élections municipales de 2014 et 2020 dans la France des métropoles

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Nombre de suffrages EELV au second tour des élections municipales de 2014 et 2020 dans la France des métropoles

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

En pourcentage des électeurs inscrits, entre 2014 et 2020, on enregistre pour EELV (en coalition et en liste autonome) une baisse des suffrages de 2,7 points au premier tour (de 8,73% à 6,07%) et de 5,9 points au second tour (de 20,26% à 14,33%). Dans la France des métropoles, EELV était leader de coalition au premier tour dans 4 villes en 2014 et dans 27 en 2020. Dans les 41 villes, dans cette configuration, EELV a obtenu 0,65% des inscrits au premier tour en 2014 et 4,49% en 2020. À l’inverse, au premier tour, EELV a présenté plus de listes autonomes en 2014 (12) qu’en 2020 (6). Dans ce cas, les résultats ont été plus élevés en 2014 (2,17% des électeurs inscrits) qu’en 2020 (0,84%).

Résultats d’EELV dans différentes configurations aux élections municipales de 2014 et 2020 dans l’ensemble des 41 métropoles (en % des électeurs inscrits)

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

Grille de lecture : Au premier tour des municipales de 2014, l’ensemble EELV (leader de coalition, membre de coalition et listes autonomes) obtient un score de 8,73% des électeurs inscrits dans la France des métropoles. En prenant en considération uniquement le score des listes où EELV est leader d’une coalition, le parti écologique récolte 0,65% des électeurs inscrits.

Résultats d’EELV dans différentes configurations aux élections municipales de 2014 et 2020 dans les métropoles concernées* (en % des électeurs inscrits)

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

* Ces calculs ont été effectués sur une base d’inscrits constituée du total des électeurs inscrits dans les villes concernées par ces

Grille de lecture : Au premier tour des municipales de 2014, l’ensemble EELV (leader de coalition, membre de coalition et listes autonomes) obtient un score de 8,94% des électeurs inscrits dans les villes où le parti a déposé des listes autonomes ou de coalition. En prenant en considération uniquement les villes où EELV est leader d’une coalition, le parti écologique récolte 6,81% des électeurs inscrits.

Victoire de coalition dont EELV était leader ou membre aux élections municipales 2014 dans la France des métropoles

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Moyenne nationale de l’abstention au second tour 37,87%.

Victoires de coalitions dont EELV était leader ou membre aux élections municipales en 2020 dans la France des métropoles

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Moyenne nationale de l’abstention au second tour : 58,40%.

VI Partie

En 2020, EELV domine les coalitions de gauche dans la France des métropoles…

Au premier tour des élections municipales de 2014, dans les 41 villes de plus de 100.000 habitants, EELV a participé à 27 coalitions, dont 4 sous son leadership, et a présenté des listes autonomes dans 12 villes. Une majorité de ces coalitions (21) sont menées par le PS. En 2020, EELV a participé à 34 coalitions, dont 27 sous sa direction, et n’a présenté que 6 listes autonomes. Le PS ne mène qu’une seule des coalitions auxquelles EELV participe au premier tour en 2020.

Listes EELV au premier tour des élections municipales de 2014 et 2020 dans la France des métropoles

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Cette évolution spectaculaire entre les scrutins de 2014 et de 2020 montre :

  • la capacité de EELV à prendre la tête d’une liste de coalition de gauche malgré des forces électorales encore incertaines ;
  • l’affaiblissement de la gauche de gouvernement, qui donne le sentiment de n’avoir désormais d’autre choix que de se ranger derrière des listes EELV afin de perdurer à l’échelle locale.

 

Performances de la gauche avec ou sans EELV dans la France des métropoles (en % des électeurs inscrits)

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

 

Grille de lecture : Au premier tour des municipales de 2014, le bloc des gauches obtient un score de 23,89% des électeurs inscrits ; le bloc des gauches, si l’on ne prend pas en compte les résultats des coalitions avec EELV ou des listes autonomes EELV, obtient un score de 15,15% des électeurs inscrits ; le bloc des gauches, si l’on ne prend pas en compte les résultats des coalitions où EELV est leader, obtient un score de 23,24% des électeurs inscrits ; le bloc des gauches, si l’on ne prend pas en compte les résultats des listes autonomes EELV, obtient un score de 21,71% des électeurs inscrits.

VII Partie

… Mais EELV n’emporte que 6 mairies dans les villes de plus de 100.000 habitants

Notes

19.

Voir Philippe Faner, « Marseille : EELV tire un trait sur le rapprochement à gauche », La Provence, 6 octobre 2019.

+ -

20.

Rappelons ici que nous n’avons pas inclus la ville d’Annecy dans cette analyse car, à la suite d’une fusion intercommunale en 2017, le nombre d’habitants y a significativement augmenté, ne permettant pas une comparaison entre les scrutins de 2014 et 2020. Le nouveau maire d’Annecy, Fançois Astorg était à la tête d’une coalition écologiste mais n’avait pas l’étiquette EELV. Cette victoire est donc considérée ici comme la victoire d’une coalition dont EELV est membre, mais pas leader.

+ -

En 2020, EELV a remporté 6 villes (Besançon, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Strasbourg et Tours) en tant que leader d’une coalition. Certains ont compté Marseille dans ces villes remportées, mais c’est un cas spécifique : Michèle Rubirola, conseillère départementale EELV des Bouches-du-Rhône et militante historique des Verts, est à la genèse de la liste d’union de la gauche, le « Printemps marseillais ». En octobre 2019, EELV avait fait le choix de mener une liste autonome et de ne pas rejoindre ce mouvement. Michèle Rubirola avait alors décidé de continuer au sein du « Printemps marseillais » et avait été suspendue par son parti19. Au second tour, les écologistes de EELV ont rejoint le « Printemps marseillais ». Le 4 juillet, Michèle Rubirola a été élue maire de Marseille. Cette victoire est ici comptabilisée comme la victoire d’une coalition de gauche à laquelle a participé EELV à partir du second tour sans en être tête de liste.

Dans 11 métropoles (Annecy20, Brest, Le Mans, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Paris, Rennes, Rouen, Saint-Étienne), EELV, après avoir mené une coalition au premier tour, a fusionné et intégré au second tour une plus large coalition de gauche mais sans la conduire. À l’exception de Saint-Étienne, ces villes ont vu la coalition gauche-Verts l’emporter. La mairie de Villeurbanne a également été remportée par une coalition menée par un autre parti de gauche, après un premier tour avec une liste EELV autonome.

En 2020, à Amiens, Argenteuil, Clermont-Ferrand, Nice, Nîmes, Saint-Denis (93) et Saint-Paul (La Réunion), EELV a intégré dès le premier tour des coalitions de gauche mais sans en prendre le leadership. Clermont-Ferrand est la seule ville où une union de la gauche menée par le PS a eu lieu dès le premier tour en 2020. En 2014, cette configuration concernait 21 villes : Amiens, Angers, Besançon, Bordeaux, Boulogne-Billancourt, Brest, Clermont-Ferrand, Dijon, Le Havre, Le Mans, Limoges, Marseille, Metz, Montpellier, Mulhouse, Nancy, Nice, Orléans, Reims, Saint-Denis (La Réunion) et Toulon.

La véritable question soulevée par les résultats des élections municipales de 2020 n’est pas celle de la « vague verte », mais bien celle d’un effondrement du civisme électoral. Certainement liée à la crise sanitaire de Covid-19, l’explosion de l’abstention ne s’y limite cependant pas, comme en témoignent les taux relevés pour la dernière élection présidentielle et les dernières élections législatives.

L’échec de la participation en 2020 peut fragiliser les exécutifs municipaux et il est, à n’en pas douter, le signe supplémentaire et particulièrement préoccupant de la crise démocratique française.

Évolution des résultats de EELV aux élections municipales entre 2014 et 2020 dans les 6 mairies remportées par EELV dans la France des métropoles en 2020

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Évolution des résultats de EELV aux élections municipales entre 2014 et 2020 dans les 6 mairies remportées par EELV dans la France des métropoles en 2020

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

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Fondation pour l’innovation politique, juillet 2020.

Sous la direction de :

Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique

Auteurs

Victor Delage, Willy Delvalle, Anne Flambert, Madeleine Hamel, Katherine Hamilton, Matthieu Hanisch, Loïse Lyonnet

Relecture et correction

Francys Gramet, Claude Sadaj

Maquette et réalisation

Julien Rémy

Parution

Juillet 2020

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