Vox, la fin de l'exception espagnole
Introduction
Et, soudain, Vox est arrivé…
Pourquoi n’y avait-il pas de droite radicale en Espagne jusqu’à présent ?
Pourquoi maintenant ?
Origines et trajectoire de Vox
L’échec initial
Le tremplin catalan
Idéologie
Organisation et financement
Résultats et sociologie électorale
Force électorale
Qui est l’électeur de Vox ?
Conclusion
Résumé
Les élections régionales andalouses de décembre 2018 ont provoqué une surprise majeure en Espagne puisque, pour la première fois, Vox, un parti politique appartenant à la droite radicale, a obtenu assez de voix pour être représenté au niveau régional. Fort de douze députés, ce parti est devenu un faiseur de majorité pour assurer la gouvernance de la région. Vox est ainsi passé d’une représentation minimale et circonscrite au domaine municipal à un parti ayant le potentiel pour gouverner l’Andalousie.
Depuis lors, ses prétentions électorales ont été renforcées et sa présence dans les institutions pourrait être déterminante pour la formation des futures majorités aux différents niveaux de gouvernement. Lors des élections européennes du 26 mai 2019, si Vox a réalisé un score légèrement inférieur à celui qu’avaient prévu certains sondages, le parti a néanmoins quadruplé son score par rapport aux dernières élections, passant de 1,6 % en 2014 à 6,2 % en 2019. L’irruption de Vox semble ainsi avoir mis fin à une exception espagnole dans le paysage politique européen.
Astrid Barrio,
Professeure à l’université de Valence.
politologue à l’Université de Valence, spécialiste des mouvements indépendantistes en Catalogne.
Introduction
Voir par exemple http://www.cis.es/cis/opencm/ES/11_barometros/depositados.jsp.
Voir Astrid Barrio, « El populismo y la excepcionalidad española », Quaderni di diritto e politica ecclesiastica, n° 2/2017, août 2017, 263-276.
Les élections régionales andalouses de décembre 2018 ont provoqué une surprise majeure en Espagne puisque, pour la première fois, Vox, un parti politique de la droite radicale a obtenu assez de voix pour être représenté au niveau régional. Fort de douze députés, ce parti est devenu un faiseur de majorité pour assurer la gouvernance de la région. Vox est ainsi passé d’une représentation minimale et circonscrite au domaine municipal à un parti capable de gouverner l’Andalousie, soit la communauté autonome la plus peuplée d’Espagne. Depuis lors, ses prétentions électorales ont été renforcées, et sa présence dans les institutions pourrait être déterminante pour la formation de majorités aux différents niveaux de gouvernement. Lors des élections européennes du 26 mai 2019, si Vox a réalisé un score légèrement inférieur à celui qu’avaient prévu certains sondages espagnols, le parti a néanmoins presque quadruplé son score par rapport aux dernières élections, passant de 1,6% en 2014 à 6,2% en 2019.
Depuis 2008, des conditions propices à l’émergence d’un parti populiste se sont multipliées en Espagne : la crise économique a favorisé l’explosion du chômage, débouchant sur des politiques d’ajustement, successivement mises en œuvre par des gouvernements de gauche, sous l’autorité du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), et par des gouvernements de droite, sous l’autorité du Parti populaire (PP). Ces majorités ont décidé des coupes drastiques dans les politiques sociales tout en acceptant le renflouement public d’une partie du système bancaire. À la situation économique alarmante se sont ajoutés des scandales de corruption touchant les principaux partis, notamment le PP, au gouvernement depuis 2011. Le mécontentement des citoyens a été mesuré par le baromètre du Centre de recherches sociologiques : depuis 2013 les Espagnols considèrent que les principaux problèmes du pays sont, après la situation économique, la corruption, la classe politique et les partis1.
Dans un tel contexte, il était légitime de s’attendre à voir émerger différentes formations populistes, comme cela a été le cas dans d’autres pays voisins vivant des situations similaires. Bien que la crise économique et le discrédit des anciens partis aient effectivement ouvert une fenêtre d’opportunité permettant l’émergence de nouvelles formations telles que Podemos ou Ciudadanos, partis représentés et influents depuis le cycle électoral 2014-2016, aucune de ces deux formations ne peut être considérée comme populiste stricto sensu. Seule la Catalogne a vu l’expression d’un phénomène populiste sous les traits du mouvement nationaliste2.
Qu’est-ce qui a changé depuis lors ? Comment expliquer l’irruption de Vox en Andalousie et ses aspirations à l’échelle nationale ? Dans cette étude, nous montrerons que la crise déclenchée à l’automne 2017 par la menace indépendantiste en Catalogne est le principal facteur explicatif de l’ascension du parti Vox. Elle a alimenté une compétition nationaliste (ou d’ordre nationaliste) entre le PP, affaibli, et Ciudadanos, alors en expansion, dont Vox a su tirer profit puisqu’il est le seul parti espagnol à plaider ouvertement pour la fin des communautés autonomes et le retour à un modèle d’État centralisé. C’est une caractéristique cruciale.
Et, soudain, Vox est arrivé…
Pourquoi n’y avait-il pas de droite radicale en Espagne jusqu’à présent ?
Voir Cas Mudde, Populist Radical Right Parties in Europe, Cambridge University Press, 2007.
Voir Xavier Casals, « Cataluña: ¿Nuevos partidos para viejas inquietudes? », in, Joan Marcet et Xavier Casals (dir.), Partidos y elecciones en la Cataluña del siglo XXI, ICPS, 2011, 99-132.
Sonia Alonso et Cristóbal Rovira Kaltwasser, « Spain: No Country for the Populist Radical Right? », South European Society and Politics, 20, n° 1, janvier 2015, p. 21-45.
Irene Esteban et Irene Martin, « Is there a hidden populist right in Spain? », 3rd Prague Populism Conference, « Current Populism in Europe and the Role of the Media » (Evening Session II: Left and Right-wing Populism in Iberian Peninsula), Prague, 22-23 mai 2017.
La famille de la droite radicale est caractérisée par un discours nationaliste, nativiste, anti-immigration, anti-mondialisation, par son opposition au multiculturalisme et à l’intégration européenne3. Ce discours a commencé à modifier les systèmes politiques en Europe occidentale dès les années 1980. Cette droite radicale n’avait néanmoins jusqu’à présent guère d’ancrage en Espagne, en dépit d’une insatisfaction politique montante et de certains partis qui tenaient des positions envers les immigrés comparables à celles d’autres partis en Europe.
Le parti de la droite radicale le plus institutionnalisé a été Plataforma per Catalunya (PxC), entre 2002 et 2019. Cette formation remplissait toutes les conditions d’appartenance à la famille idéologique populiste. PxC avait une certaine implantation dans les municipalités catalanes à forte concentration de population d’origine étrangère, mais n’a jamais été représentée ni au Parlement de Catalogne ni au Parlement national4. Il en va de même pour l’extrême droite traditionnelle liée au franquisme. Seul Fuerza Nueva (1976- 1982) a réussi à obtenir un siège au Parlement, en 1979. Depuis lors, cette famille politique est toujours restée en marge des institutions, et ce à tous les niveaux de gouvernement. Son incapacité à générer un discours séduisant, sa nostalgie du passé phalangiste, ses flirts avec la violence, son degré élevé de factionnalisme interne et l’absence de leadership ainsi que la forte préférence des électeurs espagnols pour les choix politiques modérés expliquent pourquoi l’extrême droite classique n’a jamais eu de réelle influence en Espagne depuis le rétablissement de la démocratie.
L’échec des partis de la droite radicale en Espagne, malgré l’existence d’un certain potentiel électoral, a été attribué par Sonia Alonso et Cristóbal Rovira Kaltwasser aux difficultés d’articulation avec l’offre politique5, notamment en raison d’un système électoral qui ne favorise pas l’entrée de petites formations et du poids du clivage gauche/droite comme du clivage centre/périphérie. Ces deux clivages sont si profondément ancrés dans la culture politique espagnole qu’ils rendent difficiles l’apparition de nouveaux clivages, de nouveaux débats et donc de nouveaux partis. C’est pourquoi les quelques partis qui ont tenté de mobiliser sur les questions migratoire ou religieuse ont eu très peu de succès au-delà de l’échelle locale, comme l’illustre le cas du PxC. Enfin, la stratégie électorale du principal parti de centre droit, le PP, lui a permis d’occuper la totalité du spectre idéologique, du centre droit à l’extrême droite.
Récemment, cependant, Irene Esteban et Irene Martin ont remis en question cette thèse6. Si les auteurs admettent que le système électoral espagnol ne favorise pas l’entrée de nouveaux partis, ils pensent que l’irruption récente de Ciudadanos et de Podemos au Parlement doivent amener à relativiser la thèse d’Alonso et de Rovira Kaltwasser. Quant à la prééminence des clivages gauche/droite et centre/périphérie, ils pensent qu’ils n’empêchent pas la montée de partis populistes de droite qui mettent l’accent sur les préoccupations matérielles et identitaires des Espagnols face à l’immigration. En conséquence, la principale raison de l’absence d’un parti radical de droite en Espagne serait la stratégie du PP, réussissant à mobiliser les électeurs potentiels de la droite radicale. Esteban et Martin affirment qu’à certains égards les électeurs du PP ne sont pas si différents des électeurs de la droite radicale en Europe, particulièrement en ce qui concerne l’immigration, notamment sur son impact culturel et religieux ainsi que social (emploi et marché du travail). Notons néanmoins que les électeurs du PP ont généralement confiance dans la politique, puisqu’ils soutiennent le parti au pouvoir ; ils sont moins critiques envers les immigrés qui partagent le même modèle culturel qu’eux ; ils sont aussi plutôt pro-européens et en faveur de la loi et l’ordre.
Pourquoi maintenant ?
Voir Juan Rodríguez-Teruel, Oscar Barberà, Astrid Barrio et Fernando Casal Bértoa, « From Stability to Change? The Evolution of the Party System in Spain », in Marco Lisi (dir.), Party System Change, the European Crisis and the State of the Democracy, Routledge, 2019, 14.
Alvin Rabushka et Kenneth Shepsle, Politics in Plural Societies. A Theory of Democratic Instability, Charles Merrill Publishing Company, 1972.
Voir Astrid Barrio et Juan Rodríguez-Teruel, « Reducing the gap between leaders and voters? Elite polarization, outbidding competition, and the rise of secessionism in Catalonia, Ethnic and Racial Studies, 40, n° 10, octobre 2017, p. 1776-1794.
Voir Astrid Barrio et Bonnie Field, « The push for independence in Catalonia », Nature Human Behaviour, vol. 2, n° 10, octobre 2018, p. 713-715.
Voir Astrid Barrio et Juan Rodríguez-Teruel, « Le parti catalan qui aspire à gouverner l’Espagne », Pôle Sud, n° 45, 2016, p. 65-84.
Le cycle électoral qui a débuté en 2014 a permis à de nouveaux partis, tels Podemos et Ciudadanos, de gagner leur place au sein des institutions, avec un pouvoir potentiel de prendre part à des coalitions aux différents échelons politiques. La fragmentation partisane croissante a conduit à un système de partis plus pluraliste, plus ouvert et plus polarisé7. Vox semble justement avoir bénéficié de cette fragmentation lors des premières élections organisées hors de Catalogne après l’échec de la tentative de sécession menée par l’indépendantisme catalan en octobre 2017. La crise politique de ces dernières années en Catalogne, la pire depuis le rétablissement de la démocratie en 1977, a en effet culminé en octobre 2017 avec la rupture de l’ordre constitutionnel, la tenue d’un référendum illégal, la déclaration d’indépendance et l’application, par conséquent, de l’article 155 de la Constitution provoquant la mise sous tutelle de la Catalogne. L’emprisonnement d’une partie des membres du gouvernement catalan, accusés de rébellion, de sédition, de malversation et de désobéissance, est étroitement lié à la dynamique concurrentielle entre les différents partis indépendantistes. Cette dynamique renvoie à la thèse de la surenchère (outbidding) d’Alvin Rabushka et Kenneth Shepsle8. Selon ces deux chercheurs, la radicalisation d’une « concurrence ethnique », c’est-à- dire reposant sur un puissant référent identitaire, entre plusieurs partis au sein d’un espace politique donné finit par nourrir une concurrence de même type dans l’espace politique opposé, engendrant une polarisation accrue des deux côtés. Les partis se concurrencent en adoptant des stratégies de plus en plus radicales pour obtenir le soutien du groupe national, ici la Catalogne, qu’ils aspirent concurrentiellement à représenter. En d’autres termes, l’affirmation d’une revendication catalaniste engendre l’affirmation d’une revendication nationaliste et unitaire espagnole. À chaque proposition répond une proposition plus extrême, donnant lieu à une véritable surenchère aux conséquences imprévisibles. C’est ce type de compétition qui s’est mis en place à partir de 2012 en Catalogne, d’abord entre Convergència i Unió (CiU), le principal parti nationaliste catalan, qui n’était pas initialement sécessionniste, et Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), un parti plus minoritaire mais ouvertement indépendantiste9. La concurrence entre ces deux partis a fini par nourrir Candidatura d’Unitat Popular (CUP), un parti de gauche radical et indépendantiste, devenu indispensable à la formation d’un gouvernement. La condition de sa participation au gouvernement étant la tenue d’un référendum d’autodétermination, celui-ci eut lieu, illégalement, le 1er octobre 201710. La radicalisation nationaliste en Catalogne a provoqué une polarisation croissante qui a finalement profité à Ciudadanos. Très hostile au nationalisme apparu en Catalogne, le parti s’est érigé en principal opposant au processus d’indépendance, devenant ainsi le premier parti de Catalogne lors des élections de 201711.
De même que l’émergence de Ciudadanos en Catalogne est due à cette polarisation croissante, l’essor de Vox peut s’expliquer par la concurrence grandissante entre Ciudadanos et le PP, au moment où ce dernier se trouvait affaibli par sa perte d’hégémonie à droite. Comme en Catalogne, où la lutte entre CiU et ERC a permis l’essor d’un troisième parti plus radical comme la CUP, l’offre nationaliste entre Ciudadanos et le PP a alimenté la croissance de Vox, qui se revendique ouvertement nationaliste. Sans nier les autres facteurs ayant contribué à son émergence, la crise catalane et la dynamique de surenchère qu’elle a provoquée ont créé la fenêtre d’opportunité ayant permis son essor.
Origines et trajectoire de Vox
L’échec initial
Voir Juan Rodríguez-Teruel, Astrid Barrio et Oscar Barberà, « Fast and Furious: Podemos’ Quest for Power in Multi-level Spain », South European Society and Politics, 21, n° 4, septembre 2016, p. 561-585.
Voir Astrid Barrio et Juan Rodríguez-Teruel, « Going National: Civils from Catalonia to Spain », South European Society and Politics, 21, n° 4, septembre 2016, p. 587-607.
Voir Andrés Gil, « El ‘hombre’ de Steve Bannon en Europa: “Cuando vayamos a España a vernos con Vox, también queremos reunirnos con Pablo Casado” », eldiario.es, 8 décembre 2018.
La naissance de Vox s’inscrit dans un cycle où de nouveaux partis ont émergé, principalement en raison de l’accumulation de troubles politiques, économiques et sociaux causés par la crise économique de 2008. Vox a été fondé fin 2013, en même temps que Podemos et au moment où Ciudadanos prenait une envergure nationale. Mais tandis que Podemos cherchait à capitaliser politiquement sur les mobilisations du mouvement 15M12 et que Ciudadanos voulait bénéficier de son ascension en Catalogne suite au processus souverainiste13, Vox est né de l’initiative d’anciens membres du PP et de centristes déçus par la gestion de la crise économique comme par les nombreux scandales de corruption impliquant leur parti. Parmi les porteurs du projet figuraient des personnalités comme Santiago Abascal, conseiller municipal du PP au Pays basque à la fin des années de plomb et député régional, poursuivi et menacé par l’ETA, José Antonio Ortega Lara, agent pénitentiaire, ancien membre du PP et tristement célèbre pour avoir été la victime de l’enlèvement le plus long de l’ETA (532 jours), Ignacio Camuñas, ancien ministre et membre de l’Unión de Centro Democrático (UCD) et enfin Luis José González, philosophe, ancien membre de l’UCD dont il fut le président provisoire. Lors de l’annonce publique de la naissance du parti, Vox a été présenté comme une réponse à la crise multidimensionnelle qui touchait l’Espagne : crise économique, crise institutionnelle, crise des valeurs et crise de l’unité nationale. Comme beaucoup de nouveaux partis, Vox insistait sur la régénération et la revitalisation de la vie démocratique, ainsi que sur la nécessité d’impulser des réformes institutionnelles, notamment relatives au modèle de l’État, au statut et au fonctionnement des partis politiques.
Les premières élections auxquelles a participé Vox ont été les élections européennes de 2014, scrutin dans lequel la circonscription unique tend à favoriser les petites et les nouvelles formations, l’électorat percevant ces consultations comme des élections de second ordre qui autorisent l’expression d’un choix électoral relativement détaché de ses conséquences institutionnelles locales ou nationales. Alejo Vidal-Quadras, ancien député européen du PP et ancien dirigeant de ce parti en Catalogne, connu pour son hostilité au nationalisme catalan, fut alors nommé tête de liste et premier président de Vox. Il manqua seulement 1 500 voix à Vox pour être représenté au Parlement européen. Cet échec initial entraîna une crise interne qui se solda par la démission de Vidal-Quadras et de certains membres fondateurs du parti, comme Ignacio Camuñas. Santiago Abascal, jusque-là secrétaire général, fut élu président. Le nouveau dirigeant, caractérisé par son nationalisme exacerbé, avait été l’initiateur de la Fundación para la Defensa de la Nación Española (Denaes), inspirée de la pensée du philosophe Gustavo Bueno.
Le changement de direction n’a toutefois pas amélioré les résultats électoraux de Vox. Le parti a présenté des candidatures dans la plupart des communautés autonomes lors des élections de 2015 et des élections générales de 2015 et 2016. S’inspirant du slogan de Donald Trump, Vox a intitulé son programme « Hacer España Grande Otra Vez » (« Rendre à l’Espagne sa grandeur »). Cependant, le parti est resté une force extraparlementaire, et ce n’est qu’à l’échelon local qu’il a réussi à obtenir une certaine présence, avec 22 élus parmi les 120 municipalités dans lesquelles il s’était présenté.
Outre l’appel nationaliste, Vox a conçu une stratégie basée sur le mécontentement d’une frange de la population déçue de plusieurs politiques développées par le PP et le PSOE. Les mouvements pro-vie, pour la défense de la famille et de l’identité de genre traditionnelle ; les citoyens qui se sentaient lésés par la loi sur la lutte contre les violences de genre (majoritairement des hommes) ; les défenseurs de la chasse et de la corrida, pratiques de plus en plus criminalisées par les mouvements animalistes et parfois interdites ou limitées ; les critiques vis-à-vis de l’immigration, notamment suite à l’impact de la crise des réfugiés… tous ont trouvé un refuge commun dans la démarche de Vox. Et, en soulevant ces questions, le parti s’est retrouvé placé dans l’orbite de divers partis de la droite radicale européenne. Il a même assisté au sommet de Coblence, en janvier 2017, auquel étaient notamment présents le Front national, Alternative pour l’Allemagne (Afd) ou encore le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders. Il semble également avoir été en contact avec Steve Bannon, dans la perspective de rejoindre The Movement14.
Le tremplin catalan
Voir Joan Faus, « Vox s’empassa Plataforma per Catalunya », elpais.com, 16 février 2019.
Ce qui a véritablement donné une impulsion à Vox, c’est le sentiment que l’unité de l’Espagne était menacée par le processus indépendantiste en Catalogne et que les autres partis manquaient de vigueur à le combattre. Depuis sa naissance, Vox était le parti avec la position la plus belliqueuse à ce sujet, davantage encore que Ciudadanos, au point d’avoir déposé plusieurs plaintes et de s’être fait le porte-parole de l’accusation populaire dans le procès contre les chefs indépendantistes (membres du gouvernement catalan et du bureau du parlement régional). Les critiques portées par Vox ne se limitaient pas aux indépendantistes, mais s’étendaient au PP et à Ciudadanos pour leur gestion du conflit et leur responsabilité dans l’application, selon eux trop légère, de l’article 155 de la Constitution, en vertu duquel l’exécutif de Mariano Rajoy a suspendu le gouvernement catalan et dissout le Parlement en organisant des élections.
La nouvelle victoire indépendantiste après les élections du 21 décembre ainsi que l’impression que l’application de l’article 155 n’avait pas affaibli le mouvement ont exacerbé les critiques, poussant Ciudadanos à militer pour plus de fermeté, ce qui a inauguré un phénomène de surenchère que nous avons déjà évoqué plus haut. Selon plusieurs sondages, cette stratégie semblait lui être favorable, alimentant ses espoirs de dépasser le PP et de devenir le premier parti de droite. Mais cela impliquait de renoncer à l’électorat modéré, comme en témoigne le refus de Ciudadanos de soutenir la motion de censure lancée par le PSOE contre Mariano Rajoy après la condamnation de l’affaire Gürtel, qui attestait pourtant que le PP avait bénéficié de la corruption.
Le succès de la motion de censure permit au socialiste Pedro Sánchez de prendre la tête du gouvernement, notamment grâce au soutien des partis indépendantistes, provoquant un renouvellement à la tête du PP. Le nouveau dirigeant Pablo Casado adopta dès lors une ligne plus dure vis-à-vis du mouvement indépendantiste, en réponse à la concurrence croissante de Ciudadanos.
C’est ce contexte de concurrence politique qui a permis l’émergence de Vox. Le parti a également bénéficié d’une audience importante de par son rôle de procureur du peuple dans le procès des leaders indépendantistes. L’appel à des peines élevées ainsi que son opposition au système des communautés autonomes ont placé Vox dans une position plus radicale sur la question nationale et le parti est dès lors apparu comme le principal défenseur des Espagnols face à la menace sécessionniste.
En parallèle, Vox s’est opposé avec véhémence à certaines politiques du nouveau gouvernement socialiste. Ceci s’est manifesté en particulier face à la décision d’exhumer le général Franco de la Valle de los Caídos, en application de la loi sur la mémoire historique, ou encore contre les politiques du genre, à un moment où le courant féministe se mobilisait fortement à l’occasion du mouvement #MeToo et du succès de la grève du 8 mars 2017, largement suivie en Espagne. Dans ce contexte, au début du mois d’octobre 2018 et quelques semaines avant les élections andalouses, Vox put organiser un grand événement au Palacio Vistalegre, une grande salle de spectacles située à Madrid. À l’époque, les sondages ne reflétaient pas encore l’avancée électorale de Vox, mais leur remarquable croissance organisationnelle était évidente. Plus la campagne électorale andalouse avançait, plus les espérances de Vox grandissaient.
En décembre 2018, le parti obtint finalement plus de 395.000 voix lors de l’élection en Andalousie, et 12 sièges, décisifs pour la formation du gouvernement régional. Il signa un accord de législature avec le PP qui gouvernerait en coalition avec Ciudadanos, parti réticent à tout accord avec une force de droite radicale. Depuis lors, les ambitions politiques de Vox se sont élevées dans les différents types de scrutins qui ont suivi. Cette impulsion lui a permis de présenter des candidatures dans toutes les circonscriptions pour les élections générales et régionales, et dans les différentes communes pour les élections municipales. Il a aussi pu attirer quelques petites formations de droite radicale comme PxC15 et intégrer dans ses listes certains candidats issus de l’extrême droite traditionnelle.
Idéologie
Vox, Manifiesto Fundacional, s.d.
Voir, par exemple, 100 medidas para la España Viva, s.d.
Voir « Catalogne : Puigdemont crée un gouvernement parallèle en Belgique », leparisien.fr, 30 octobre 2018.
Voir Leonor Mayor Ortega, « Vox propone condecorar a quien “mate o hiera a un criminal” », lavanguardia.com, 26 mars 2019.
Contrairement à la plupart des partis traditionnels, la position idéologique de Vox n’est pas développée de manière exhaustive dans des documents officiels issus des congrès du parti, mais son manifeste fondateur16 et ses programmes électoraux17 égrènent un certain nombre d’axes fondamentaux permettant d’en déduire son idéologie politique. Vox est un parti nationaliste, traditionaliste, libéral économiquement, antiféministe, nativiste, soucieux de la sécurité, modérément eurosceptique et à vocation régénérationniste. Dans les grandes lignes, ces axes sont conformes aux grands principes des programmes des partis relevant de l’univers de la droite radicale, bien que la composante populiste qui les accompagne habituellement soit très diluée dans le cas de Vox. Il conteste en effet les partis établis et il appelle à la régénération démocratique et à la nécessité d’entreprendre des réformes institutionnelles face à la dégradation dont il tient responsable les grandes formations, touchées notamment par des scandales de corruption. Mais Vox ne met pas l’accent sur l’opposition entre les élites et le peuple, pourtant centrale dans le populisme traditionnel. Cela peut s’expliquer en partie par le passé politique de ses principaux dirigeants : Alejo Vidal-Quadras puis Santiago Abascal, tous les deux membres du PPE, ont occupé à ce titre des postes de représentants politiques ou dans la haute fonction publique, rendant plus difficile l’élaboration d’une rhétorique anti-caste qui apparaîtrait en profonde contradiction avec leur appartenance passée à une classe dirigeante. En outre, Vox ne conçoit pas non plus la politique comme une lutte entre une élite politique qui serait corrompue et un peuple homogène qui serait vertueux ; il ne porte pas aux nues la souveraineté populaire, placée au même niveau que les autres composantes de la démocratie libérale. Si Vox n’échappe pas à la contagion populiste qui touche la plupart des partis du monde occidental, en particulier dans ses aspirations moralisantes à l’égard de la vie politique, il ne répond pas non plus à l’ensemble des caractéristiques du populisme identifiées par la littérature académique, bien que de nombreuses analyses journalistiques l’aient considéré comme tel.
Le trait le plus caractéristique de Vox est son nationalisme exacerbé. De ce dernier découle une préoccupation fondamentale pour l’unité de l’Espagne, d’après lui menacée par les velléités du séparatisme catalan, passé d’autonomiste à sécessionniste, et du séparatisme basque qui, jusqu’à récemment, incluait le groupe terroriste ETA, désormais dissout, aux côtés des partis démocratiques. Vox se montre très critique vis-à-vis du modèle de décentralisation politique issu de la Constitution de 1978 et du système des communautés autonomes. Il lui reproche de générer des dépenses excessives et d’avoir été incapable d’intégrer les nationalismes périphériques. Vox prône la transformation de l’Espagne en un État unitaire, administrativement décentralisé, qui reconnaît sa pluralité culturelle, linguistique et institutionnelle, mais souligne l’hégémonie du castillan sur l’ensemble du territoire. Il propose aussi la centralisation des politiques publiques, notamment en matière de santé, d’éducation et de culture ainsi que de promotion économique et industrielle. Vox défend également l’abrogation du système de financement basque et navarrais, d’où ce fait que ses leaders mettent en avant avec ostentation d’être le seul parti avec le même programme pour toute l’Espagne. Symboliquement, Vox considère ses progrès électoraux comme une « reconquête » de l’Espagne ; le parti a symboliquement lancé la campagne des élections générales à Covadonga, lieu où s’est déroulée une bataille considérée comme le début de la Reconquista.
Cette défense absolue de l’unité de l’Espagne et de sa continuité historique conduit Vox à proposer l’interdiction des organisations politiques indépendantistes, ce qui suppose, sans y faire explicitement référence, de miser sur un modèle de démocratie militante, ici un modèle promouvant une interprétation unitaire du pays, ce que le système constitutionnel espagnol actuel ne prévoit pas. Vox propose un plan complet de diffusion et de protection de l’identité nationale, affichant un nationalisme décomplexé qui va même jusqu’à dénier le caractère injurieux de facha (« fasciste »), utilisé en Espagne pour désigner de manière désobligeante des personnes d’idéologie réactionnaire et nationaliste. Le parti est en outre très hostile à la loi sur la mémoire historique, qui vise à indemniser les victimes de persécutions et/ou de violences durant la guerre civile et la dictature ; Vox s’oppose donc au transfert de la dépouille du général Franco, transfert décidé par le gouvernement socialiste.
Le traditionalisme de Vox est particulièrement visible dans sa défense du modèle familial qu’il conçoit comme une institution antérieure à l’État. Le parti veut encourager la natalité, augmenter les allocations familiales pour les familles nombreuses et les « aides aux mères ». Le parti veut également interdire l’avortement et supprimer les interventions médicales accompagnant les changements de genre de la liste des prestations dont la gratuité est assurée par le système de santé publique. Vox prévoit aussi l’introduction du contrôle parental pour les activités liées à des contenus éthiques, sociaux, civiques, moraux ou sexuels, revendiquant ainsi une approche que l’on peut qualifier de réactionnaire. Il est également ouvertement hostile au féminisme, qu’il accuse, comme le font d’autres mouvements de la droite radicale, de promouvoir la théorie du genre. Il prône la suppression des organismes féministes ainsi que la suppression des quotas de femmes. Le parti défend également l’abrogation de la loi sur la violence à caractère sexiste, car il considère qu’elle discrimine les hommes ; il propose de la remplacer par une loi sur la violence intrafamiliale où tous les membres d’une famille sont traités de la même manière. Son traditionalisme s’exprime encore dans son idée d’enracinement à la terre et dans sa volonté d’encourager les manifestations folkloriques traditionnelles ; Vox revendique en particulier la protection de la tauromachie comme faisant partie du patrimoine culturel espagnol. De la même manière, Vox promeut le monde rural pour garantir l’égalité des chances sur l’ensemble du territoire et revendique la protection de la chasse, considérée comme une activité nécessaire et traditionnelle dans ce milieu.
Du point de vue économique, l’approche de Vox est incontestablement libérale. On trouve dans son programme la réduction des dépenses publiques, la suppression des organismes d’État, dont la multiplication est liée, dans la plupart des cas, au système de gouvernement à plusieurs niveaux, la baisse de l’impôt sur le revenu, la baisse des impôts sur les sociétés, la réduction des coûts de création d’entreprise ainsi que des quotas pour les travailleurs indépendants. De même, Vox défend la suppression de l’impôt sur le patrimoine et de l’impôt sur les successions, donations et plus-values, et propose que les retraites soient fiscalement exonérées. Ses propositions de libéralisation des sols et la possibilité de le convertir en surface urbanisable, la réforme du système des retraites en évoluant vers un système mixte de capitalisation et de répartition, et enfin la défense du chèque scolaire font partie des mesures qui le démarquent des autres partis.
La sécurité est une autre question prioritaire pour ce nouveau parti, d’où ses propositions de renforcement des peines et des conditions de détentions des personnes incarcérées, ainsi que le retrait de l’espace Schengen tant que n’existe pas une garantie européenne contre son utilisation dans le but de contourner les décisions de justice. Sur ce point, Vox fait clairement allusion aux responsables politiques catalans qui se sont enfuis à l’étranger et qui ont bénéficié du refus des justices belge et allemande de les extrader18 ; cette partie du programme vise aussi à la prévention des flux migratoires internes à l’espace Schengen mais d’origine extracommunautaire. Le parti défend également la prison à vie pour les anciens membres de l’organisation terroriste ETA, désormais dissoute, ainsi que l’inéligibilité à vie pour tous leurs soutiens. Il a récemment défendu le droit à l’armement et à la défense du foyer, prônant même la décoration des citoyens qui tuent ou blessent un criminel chez eux dans le cadre de la légitime défense19.
La composante nativiste peut se lire dans la position de Vox sur l’immigration qui doit, d’après lui, répondre uniquement aux besoins économiques, en privilégiant par ailleurs les immigrants ayant un lien historique, culturel ou linguistique avec l’Espagne. Vox est favorable à l’expulsion des immigrants illégaux comme des immigrants légaux qui commettent des délits graves, à l’impossibilité pour les immigrants illégaux de régulariser leur situation et d’accéder aux aides publiques, ou encore à la suppression de l’arraigo (« enracinement ») qui permet d’accélérer la régularisation des personnes en situation irrégulière. Inspiré par Donald Trump, le parti propose la construction d’un mur entre l’enclave de Ceuta, Melilla et le Maroc, mais qui serait financé par le royaume chérifien. Vox affiche clairement son hostilité à l’égard de l’islam, prônant la fermeture des mosquées fondamentalistes et la lutte contre les imams intégristes et l’exclusion de l’enseignement de l’islam dans les écoles. Le principe de réciprocité pour l’ouverture des lieux de culte compte également parmi ses propositions. Enfin, Vox préconise la création d’une agence d’aide aux minorités chrétiennes menacées.
En ce qui concerne l’idée de régénération démocratique, Vox propose de réformer le système électoral, de réduire le contrôle des partis dans l’élaboration des listes et de supprimer les quotas. Il prévoit de renforcer le système d’incompatibilités de même que les mécanismes de contrôle des fonctions publiques. Vox veut également en finir avec le financement public des partis politiques. Il préconise une réduction du nombre de communes et des élus locaux ainsi que du nombre de personnes composant les équipes politiques, assistants et conseillers. D’après le parti, la nomination des membres du Conseil général du pouvoir judiciaire (el Consejo General del Poder Judicial) et du Tribunal suprême (el Tribunal Supremo) doit se fonder uniquement sur la compétence et le mérite. Le Tribunal suprême devrait fusionner avec le Tribunal constitutionnel (el Tribunal Constitutional) tandis que le jury serait supprimé.
La position de Vox vis-à-vis de l’Union européenne est ambivalente. Le manifeste fondateur ne contient aucune référence positive ou négative à l’égard de l’Europe, comme s’il ne s’agissait pas d’une question centrale. Son programme pour les élections européennes de 2014 contient une défense de principe de l’amélioration du fonctionnement institutionnel et des politiques européennes ainsi qu’une plus grande démocratisation. Depuis la crise des réfugiés de 2015, Vox a démontré sa proximité avec les positions du groupe de Visegrád en matière d’immigration. Il a commencé à militer pour un fonctionnement plus intergouvernemental de l’Union européenne, refusant explicitement tout supranationalisme ainsi que la participation subétatique aux décisions européennes, s’opposant ainsi frontalement à une revendication classique des partis régionalistes. Toutefois, Vox ne remet pas en question l’adhésion de l’Espagne à l’Union européenne. Après les élections européennes, il a demandé d’intégrer le groupe des Conservateurs et réformistes européens. Il s’est distancé ainsi de la tentative de Steve Bannon de constituer un groupe unifié de la droite radicale, sous la direction de Marine Le Pen et de Matteo Salvini.
Organisation et financement
Voir Roberto Michels, Les Partis Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties [1914], trad. S. Jankélévitch, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2009.
Si la date de fin du mandat coïncide avec une période électorale nationale, celle-ci sera prolongée jusqu’à la formation du nouveau gouvernement.
313 000 abonnés au 28 juin 2019 (@vox_es).
Voir Joaquín Guil et José María Irujo, « El exilio iraní financió el 80% de la campaña de Vox de 2014 », elpais.com, 11 janvier 2019.
Fernando Valls, « El ejército de financiadores de Vox: email y WhatsApp masivos para dinero exprés », lainformacion.com, 11 décembre 2018.
L’un des principaux arguments des partis émergents est en général la critique des partis traditionnels en place. Vox n’échappe pas à cette tendance et considère que les partis espagnols traditionnels, PP et PSOE en tête, nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. Vox les accusent de dégrader les institutions et de contribuer à la désaffection croissante des citoyens à l’égard de la politique en raison du contrôle monopolistique que ces partis exercent sur la composition des listes de candidats qui, selon les différentes lois en vigueur en Espagne, sont des listes fermées et bloquées à tous les échelons de la vie politique, à l’exception des élections sénatoriales. Le parti propose donc une nouvelle loi électorale assurant un lien direct entre représentants et représentés, ainsi qu’une réforme de la loi régissant les partis permettant d’assurer leur fonctionnement démocratique et la transparence de leurs sources de financement.
En accord avec ces considérations, Vox proposait dans son manifeste fondateur d’organiser au moins deux fois par an des congrès ouverts à tous les membres des partis, ainsi que la tenue de primaires pour choisir les responsables internes et les candidats aux élections. Le parti s’est d’abord organisé conformément à ces principes et à son premier règlement intérieur. Tous les responsables internes candidats à des postes publics devaient être élus par le biais d’élections primaires, à l’exception des circonscriptions comptant moins de 50 adhérents. Dans ce cas, il n’était pas nécessaire d’élire des candidats aux charges publiques : il suffisait de soumettre une liste approuvée par plus de la moitié des adhérents de cette circonscription et de la faire approuver par le comité national de direction.
Ce mode de fonctionnement a été maintenu au sein du parti tant que sa taille était limitée ; mais la croissance enregistrée au cours des deux dernières années l’a contraint au changement au nom de l’efficacité. Cette réforme notable de son mode de fonctionnement a rapproché Vox du modèle des partis traditionnels qu’il critiquait pourtant vivement. Ainsi, lors de sa dernière assemblée générale de février 2019 il a été décidé de limiter la portée des élections primaires aux postes internes (les présidents du comité exécutif national, des comités exécutifs provinciaux et des comités exécutifs des villes autonomes ainsi que leurs listes respectives). Le choix des candidats du parti aux élections relève désormais des comités territoriaux de direction: ils doivent soumettre leur proposition au comité national de direction, qui approuvera en dernière instance la composition définitive des listes. Ceci ne s’applique cependant pas aux élections nationales et européennes pour lesquelles les comités territoriaux ne seront que consultés. Un modèle centralisé de nomination des candidats a été adopté, bien éloigné des postulats initiaux, et validant la vieille loi d’airain de l’oligarchie de Roberto Michels, selon laquelle plus les partis sont grands, plus ils ont tendance à se bureaucratiser et à se hiérarchiser pour prendre rapidement des décisions20.
Cependant, au-delà de l’introduction initiale d’un mécanisme inclusif dans le choix des titulaires des postes et des candidats, Vox n’offre pas aux adhérents, comme le font d’autres nouveaux partis, beaucoup de possibilités de participation interne, par exemple dans l’élaboration et l’approbation de programmes ou la ratification d’accords électoraux et de pactes de gouvernement. Certes, l’organe suprême du parti, l’Assemblée générale, est ouvert à tous les cotisants ; l’Assemblée se réunit une fois par an pour l’approbation des comptes et tous les quatre ans pour l’élection de la direction, tandis que la périodicité était deux ans jusqu’en 201921 ; il n’en demeure pas moins que Vox a adopté un schéma de fonctionnement clairement centralisé et présidentialiste ; au fur et à mesure de l’institutionnalisation de Vox, ce processus s’est accentué, comme en témoigne le changement des critères de sélection des candidats. La direction centrale du parti est désormais très restreinte : l’organe exécutif suprême est le comité exécutif national ; il est composé de onze membres choisis sur une liste unique. Les principaux postes sont celui de président, qui dispose des attributions exécutives et représentatives les plus importantes, et du secrétaire général, qui exerce les fonctions organisationnelles et dont dépendent un nombre variable de vice-secrétaires, trois vice-présidents, un trésorier et trois cadres du parti. Entre les congrès, il n’existe pas d’organe élargi disposant d’un véritable pouvoir de décision, le Conseil politique élu par l’Assemblée générale n’ayant qu’un pouvoir consultatif.
En ce qui concerne la structure du parti, Vox a adopté une organisation classique suivant le modèle de la section, avec des organes locaux, provinciaux et nationaux. Ce qui attire l’attention, étant donné la structure territoriale de l’État en Espagne, est l’absence d’un échelon régional qui, non seulement existe dans les autres partis espagnols, mais bénéficie également de degrés variables d’autonomie. Cette absence est cependant cohérente avec l’opposition de Vox au système des communautés autonomes.
Aujourd’hui, le parti est implanté dans toutes les provinces espagnoles. Les territoires sont au cœur de la construction du réseau de Vox mais on doit noter que les nouvelles technologies n’ont pas été sollicitées pour promouvoir la participation interne ou pour impulser la création d’une communauté virtuelle, comme le font les autres nouveaux partis en Espagne. Au lieu de cela, les réseaux sociaux (Vox est le parti avec le plus grand nombre d’abonnés sur Instagram22) ainsi que des canaux de communication comme WhatsApp ou Telegram sont largement utilisés à des fins de diffusion, de propagande, de mobilisation et pour assurer la viralité de certains contenus. La possibilité donnée aux sympathisants de collaborer et de participer aux activités sans contribution financière obligatoire favorise l’ancrage territorial de Vox.
Depuis sa naissance et jusqu’en 2017, le nombre de militants est resté stable, aux alentours de 3.200 membres, mais il a, depuis cette date, augmenté de façon exponentielle, surtout entre septembre et octobre 2017, en rapport avec le référendum du 1er octobre, période durant laquelle les adhésions ont augmenté de 20%. Selon ses propres données, Vox comptait 18.700 membres en 2018 ; à l’Assemblée générale de 2019, après le succès des élections andalouses, le parti a affirmé avoir dépassé les 36.000 militants. Ils étaient au nombre de 40.000 peu avant les élections régionales.
Sa critique des partis traditionnels a conduit Vox à défendre la suppression du financement public des partis, y compris des organisations patronales et syndicales, à l’exception du financement public des groupes parlementaires et municipaux. Comme c’est le cas habituellement, le financement public des partis, qu’il s’agisse d’un financement ordinaire lié à leurs activités quotidiennes ou d’un financement exceptionnel lié à leurs dépenses électorales, dépend de leur accès aux institutions. Jusqu’à présent, la faible présence institutionnelle de Vox expliquait que, depuis sa naissance, ne figurent dans les comptes du parti que les cotisations des adhérents et les dons, lesquels ont été importants en 2014, lors des élections européennes, et en 2018, année où Vox a connu une forte croissance. Les contributions de 2014 ont fait l’objet de polémiques puisque, comme l’a d’ailleurs reconnu Alejo Vidal-Quadras, candidat aux élections européennes et premier président du parti, une bonne partie de ces contributions, pour un montant de 800.000 euros, provenaient de personnes liées au Conseil national de la résistance de l’Iran (CNRI), une composante d’extrême gauche de l’opposition iranienne en exil23.
Son accès au parlement d’Andalousie a permis à Vox d’accéder au remboursement d’une partie de ses dépenses électorales dans ses comptes 2018. Il n’en est pas encore fait mention et il n’est pas non plus précisé que le parti a renoncé explicitement au remboursement public des dépenses de campagne comme il le préconise pourtant dans ses programmes. Le parti maintient toutefois sa revendication de réduire de 50% le montant des fonds publics affectés au financement de la vie des partis ; Vox s’est engagé à limiter ses dépenses et à restituer les excédents de financement.
Comme beaucoup de nouveaux partis profitant des opportunités offertes par les nouvelles technologies, Vox mène des campagnes de microfinancement, surtout pour financer son activisme judiciaire, intense, contre l’indépendantisme catalan24. Il souligne également la collecte de fonds pour l’événement du Palacio Vistalegre de 2018 et les quelque 150.000 euros obtenus pour la campagne électorale. Pour les élections générales, une campagne visant à récolter 1 million d’euros a été lancée, mais le montant obtenu n’a été que de 727.000 euros, loin de l’objectif afffiché.
Résultats et sociologie électorale
Force électorale
La ”Asamblea de Madrid” est l’assemblée législative de la Communauté de Madrid, c’est-à-dire de la région de Madrid.
Hugo Garrido, « El PP perdió 1,6 millones de votos con Vox y 1,4 con Ciudadanos », elmundo.es, 30 avril 2019.
Depuis son lancement aux élections européennes de 2014, quand, avec 246.833 voix, il avait manqué de peu le seuil de représentation au Parlement européen, jusqu’aux élections andalouses de 2018, les résultats électoraux de Vox ont été modestes, voire insignifiants. Au cours des années 2015 et 2016, il s’est présenté aux élections générales et municipales dans différentes communes et dans divers parlements régionaux, mais en ne parvenant à obtenir qu’une représentation au niveau local, avec seulement 1% des voix lors des élections à l’Assemblée de Madrid25 et dans la ville autonome de la Ceuta. Pendant ces années, ses défauts organisationnels et sa faible implantation territoriale ont été évidents, au point que son chef, Santiago Abascal, fut tête de liste non seulement lors des élections législatives mais aussi lors des élections à l’Assemblée de Madrid et au Parlement basque.
Les élections andalouses ont marqué un tournant dans la trajectoire du parti, non seulement parce qu’il accède alors au seuil de représentation mais aussi parce que les douze sièges qu’il obtient sont indispensables à la formation de la majorité nécessaire au changement de gouvernement régional ; cette position pivot assure à Vox une visibilité extraordinaire à l’échelle de l’Espagne toute entière. Finalement, Vox apporte son soutien au candidat du PP à la suite d’un accord de programme, mais sans obtenir le soutien formel de Ciudadanos. Membre de la nouvelle majorité andalouse, Ciudadanos a cependant refusé la signature d’un accord formel avec Vox.
Les résultats des élections générales du 28 avril 2019 ont confirmé les attentes du scrutin, bien qu’au-dessous de certaines prévisions publiées dans les derniers jours de campagne par quelques instituts de sondages. Vox a obtenu plus de 2,67 millions de voix, soit plus de 10%, et 24 députés, devenant la cinquième force politique du pays. Cependant, le scénario des élections andalouses ne s’est pas répété et l’aspiration à devenir une force déterminante ne s’est pas concrétisée, les trois partis de droite n’ayant pas réussi à atteindre la majorité absolue en raison du remarquable redressement du Parti socialiste. Un scénario identique s’est déroulé dans la Communauté de Valence où des élections avaient lieu le même jour : Vox y a également dépassé les 10% des suffrages, profitant de l’usure du PP, mais son rôle n’a pas été déterminant puisque la majorité de gauche s’est maintenue. Comme prévu, la fragmentation des voix à droite au niveau national a lourdement nui à Vox dans les petites circonscriptions, où il n’a pas obtenu de représentation, mais elle a bénéficié au Parti socialiste, qui a remporté les élections et semble pouvoir conserver le contrôle du gouvernement. Les trois partis de droite sont restés très en dessous de la majorité absolue, bien qu’ayant maintenu le même volume de voix que lors des élections précédentes, soit environ 11 millions. Ils ont cependant reculé de plus de trois points en termes de pourcentage et le fait de se présenter séparément leur a fait perdre de nombreux sièges : en 2016, le PP et Ciudadanos occupaient 169 sièges, aujourd’hui, ils atteignent seulement 147 sièges une fois alliés à Vox.
Vox a obtenu ses meilleurs résultats dans les communautés autonomes de Murcie, Castille-La Manche, Castille-et-León, en Andalousie et dans la Communauté de Valence. Au contraire, dans les communautés historiques où existent des partis nationalistes et régionalistes avec un fort sentiment identitaire, comme la Catalogne, la Galice, le Pays basque ou les Canaries, son implantation électorale est plus faible, au point de n’avoir obtenu qu’un seul siège en Catalogne. Cela n’a rien d’étonnant du fait de son hostilité aux séparatismes régionalistes, de son engagement en faveur du centralisme et de son projet d’interdire les partis indépendantistes.
Le parti s’est surtout nourri des anciens électeurs d’un PP qui a obtenu le pire résultat de son histoire et, dans une moindre mesure, de Ciudadanos qui, malgré une fuite de son électorat vers Vox, a connu une croissance remarquable. Selon les analyses préliminaires, plus de 1,5 million des voix obtenues par Vox seraient issues du PP et près d’un demi-million de Ciudadanos, en plus de 150.000 anciens électeurs socialistes et de 155.000 électeurs de Podemos26.
Les élections régionales, municipales et européennes de 2019, tenues un mois après les élections législatives, suggèrent une certaine stagnation de Vox ; son rôle ne sera finalement pas déterminant dans l’ensemble de l’Espagne et l’électorat de droite a probablement perçu les effets néfastes de la fragmentation. Lors des élections régionales, Vox n’a atteint 10% dans aucune des communautés autonomes : il s’en est seulement approché à Murcia, à Madrid et dans les Baléares, où il a dépassé les 8%. Dans plusieurs autres régions, comme les Canaries, la Castille-La Manche, l’Estrémadure, la Navarre et La Rioja, il n’a obtenu aucune représentation, témoignant ainsi de ses difficultés à améliorer sa présence territoriale. Dans le reste du pays, bien qu’il ait obtenu des sièges, Vox ne parvient aucunement à influencer la décision publique. Les seules exceptions sont Madrid et Murcie, où les accords de droite se concrétiseront sans doute, même si Ciudadanos maintient son refus de prendre part à une coalition gouvernementale incluant Vox.
Les résultats des élections municipales ont confirmé cette impasse. Dans l’ensemble de l’Espagne, Vox n’a pas atteint 1 million de voix, soit moins de 3,57% du total, n’obtenant que 529 sièges, ce qui en fait un parti occupant une opposition marginale. Vox formation n’a pu atteindre la majorité absolue que dans cinq cas et n’occupe une position déterminante qu’à Madrid, la capitale, ce qui, combiné à son rôle dans la même communauté autonome, lui apporte une certaine visibilité, dissimulant une partie d’un recul généralisé. Les élections européennes ont confirmé cette tendance à la baisse. Vox n’a obtenu que 3 députés et 6,2% des suffrages.
Néanmoins, si l’on se place à la fin du cycle électoral 2018-2019, on voit que Vox est désormais présent aux différentes échelles de gouvernement, du niveau local au niveau européen. Dans certains cas, le parti accède aux fonctions gouvernementales et gagne en présence institutionnelle, comme à Madrid, à la fois capitale et communauté autonome, en Andalousie et à Murcie, et il est devenu le cinquième parti politique.
Résultats électoraux de Vox (2014-2019)
Source :
ministère de l’Intérieur, ministère de la Politique territoriale et de la Fonction publique, El País.
Qui est l’électeur de Vox ?
Centro de investigaciones sociolígicas (CIS), « Postelectoral elecciones autonómicas Comunidad autónoma de Andalucía », estudio n° 3236, décembre 2018-janvier 2019.
Une enquête postélectorale réalisée en Andalousie27 permet de dessiner le profil-type des électeurs de Vox. Ce sont majoritairement des hommes (60,1 %), soit un chiffre très supérieur à celui des électeurs des autres partis qui ont une répartition entre les sexes bien plus équilibré ; sur le plan de l’âge, alors que Vox est le parti le moins populaire auprès des 18-25 ans, il est en revanche celui qui attire le plus d’électeurs dans la classe d’âge des 25-34 ans, précisément celle qui a tendance à voter pour les partis émergents. Vox est encore nettement surreprésenté chez les 35-44 ans et chez les 45-54 ans ; mais, ce sont les 55 ans et plus, la fraction la plus âgée de la population, qui sont les moins favorables à Vox, alors qu’ils constituent le principal soutien aux partis traditionnels. Il est frappant de constater que les électeurs de Vox sont très majoritairement mariés (66,8 % de son électorat), soit le pourcentage le plus élevé de tous les électorats ; de même, la plupart se définissent comme des catholiques pratiquants. En ce qui concerne le niveau d’éducation, il s’agit de l’un des partis qui compte le moins d’électeurs non éduqués et qui compte la plus grande proportion, près d’un tiers, de personnes ayant suivi des études supérieures, ainsi que la plus grande proportion d’électeurs reçu un niveau d’éducation moyen. C’est donc l’un des partis dont les électeurs sont les plus diplômés. La plupart d’entre eux sont dans la vie active, même si Vox est également l’un des partis qui comptent la plus forte proportion de chômeurs et la plus faible d’étudiants. Ses électeurs sont majoritairement issus des nouvelles classes moyennes ou du groupe des ouvriers qualifiés.
Profil sociologique des électeurs de Vox (en %)
Source :
données extraites de l’étude du Centro de investigaciones sociolígicas (CIS), « Postelectoral
elecciones autonómicas 2018. Comunidad autónoma de Andalucía », estudio no 3236, décembre
2018-janvier 2019.
Sur le plan idéologique, un peu plus d’un tiers (34,9 %) des électeurs de Vox en Andalousie se considèrent conservateurs et plus d’un cinquième (22,8 %) se définissent comme des libéraux. Sur l’axe gauche-droite, la plupart des électeurs de Vox se situent à droite, Vox étant le parti réunissant la plus forte proportion d’électeurs d’extrême droite et la plus faible d’électeurs du centre. En ce qui concerne l’identité nationale, pour les autres partis, la plupart des électeurs de Vox déclarent se sentir autant espagnols qu’andalous, ils sont plus nombreux que la moyenne à se sentir uniquement espagnols ou plus espagnol qu’andalous. En ce qui concerne les préférences d’organisation territoriale, l’option privilégiée par ses électeurs, avec un taux d’approbation supérieur à 40 %, est celle d’un État disposant d’un gouvernement central n’ayant pas à composer avec des communautés autonomes ; Vox est en effet le parti qui défend le plus une réorganisation de la puissance publique dans l’affirmation du centralisme et de la dimension nationale ; nombreux sont ses électeurs qui soutiennent ce choix : l’électeur de Vox est clairement hostile au statu quo territorial, à l’État autonomique espagnol.
Profil idéologique des électeurs de Vox (en %)
Source :
données extraites de l’étude du Centro de investigaciones sociolígicas (CIS), « Postelectoral
elecciones autonómicas 2018. Comunidad autónoma de Andalucía », estudio no 3236,
décembre 2018-janvier 2019.
Le portrait-robot de l’électeur de Vox est donc celui d’un homme relativement jeune, marié, catholique, diplômé, actif, se déclarant conservateur, qui se positionne à droite sur l’échiquier politique, qui se sent majoritairement espagnol et réclame la suppression du système des communautés autonomes. Il s’agit donc d’un électorat inséré socialement qui, bien que n’étant pas à subir une situation économique difficile, exprime son fort mécontentement envers la situation politique actuelle, particulièrement envers le système des communautés. Si Vox se nourrit principalement d’anciens électeurs du PP, le parti qui souffre le plus de sa présence, il est aussi capable d’attirer des voix de Ciudadanos et, dans une moindre mesure, des autres formations politiques, y compris Podemos.
Conclusion
Voir Alvin Rabushka et Kenneth Shepsle, op. cit.
L’irruption de Vox dans le cycle électoral 2018-2019 illustre l’ouverture du système de partis à plusieurs niveaux en Espagne, sa tendance à la fragmentation, ainsi que la polarisation croissante autour de l’enjeu national qu’a connu le système politique espagnol depuis la crise catalane de l’automne 2017.
Émergeant en 2014, en même temps que Podemos et Ciudadanos, à la suite du mécontentement suscité par la crise économique et les scandales de corruption, Vox n’a commencé à décoller que lors des élections andalouses de 2018.
Première échéance électorale depuis la crise catalane, ces élections coïncidaient avec un moment de grande faiblesse du PP, d’où proviennent beaucoup des électeurs de Vox ; ces élections ont eu lieu dans le contexte d’une concurrence accrue entre le PP et Ciudadanos pour la question nationale, un comportement conforme au modèle de la radicalisation d’une « concurrence ethnique » défini par Rabushka et Shepsle28 : une intensification de la concurrence ethnique dans un espace donné – ici, celui du catalanisme – finit par nourrir la même compétition dans un autre espace – celui du nationalisme unitaire espagnol.
Avec son discours, Vox est parvenu à gagner toutes les positions institutionnelles en Espagne, de l’échelle locale à l’échelle européenne, en s’imposant comme le cinquième parti politique, obtenant parfois une position déterminante. Ce nouveau parti d’extrême droite vient de mettre fin à l’exception espagnole. La question est de savoir si son accès aux institutions l’amènera à modérer ses positions, s’il aura la capacité de déterminer l’agenda politique espagnol et de peser sur les politiques publiques ou s’il se contentera d’un rôle de parti tribunitien.
Aucun commentaire.