Il y a 80 ans, les françaises votaient pour la 1ère fois

Les premières électrices françaises
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Il y a 80 ans, le 29 avril 1945, les Françaises votaient pour la 1ère fois.

C’est pour nous l’occasion de vous présenter un important travail de recherche et de mémoire mené par notre équipe. Au cours de l’été 2009, des membres de la Fondation ont sillonné la France pour recueillir les témoignages de 18 femmes qui ont été parmi les premières votantes en 1945.

Les souvenirs de ces citoyennes permettent de prendre pleinement conscience du bouleversement qu’a représenté ce moment historique pour les femmes, mais également pour la démocratie de notre pays. Il est au cœur de l’activité de la Fondapol, fondation reconnue d’utilité publique, d’assurer la transmission du savoir des différents objets de la science politique.

L’instauration progressive du suffrage universel en deux temps, d’abord masculin en 1848 puis universel à proprement parler en 1944, est un élément essentiel de notre histoire, jalonnée d’avancées progressistes. Nous avons souhaité participer à la conservation du patrimoine que représente le témoignage de ces premières actrices de la démocratie française.

Ces témoignages ont été recueillis par Charlotte Duc-Bragues.

Vidéo 1 : Étiennette Clauzure

Elle avait 24 ans lorsqu’elle a voté pour la première fois lors des élections municipales d’avril 1945. Etudiante en droit, elle rappelle que les femmes avaient droit au chapitre du fait de leur engagement dans la vie pratique, à la place des hommes, pendant la guerre.

« C’était une injustice et il fallait qu’elle soit comblée ». Ses frères étaient pour le vote des femmes, le justifiant par la plus-value qu’elles avaient apportée à la résistance et disant « C’est un merci qu’on leur doit ».

«  Il faut se battre pour faire admettre qu’on n’est pas des quantités négligeables ».

 

Vidéo 2 : Odette Roux

Résistante, elle adhère au parti communiste clandestin puis est nommée conseillère municipale au lendemain de la guerre. En 1945, elle est élue maire, avec le sentiment de participer à un moment historique pour son pays. Elle nous parle de la fierté des femmes d’avoir pu participer à cette élection et partage avec nous son sentiment : « On ne nous a pas accordé le droit de vote, nous l’avons gagné ! ».

Odette Roux revendique le droit pour les femmes de s’occuper de tout, d’apporter à la politique non seulement de l’humanité mais surtout du savoir. Elle souligne que les femmes sont capables de s’occuper des œuvres sociales, mais aussi d’être des techniciennes de valeur, ce qui, selon elle, n’est toujours pas acquis en 2009. Elle insiste enfin sur l’importance pour les jeunes de s’engager, quel que soit le but, et de donner un sens à sa vie.

 

Vidéo 3 : Rolande Trempé

Pupille de la nation, à la suite de la Première Guerre mondiale, Rolande Trempé entre très vite dans la résistance comme agent de liaison. Elle nous explique le long cheminement législatif du droit de vote des femmes. Très engagée, il lui semblait naturel d’avoir le droit de voter et elle a beaucoup agi pour convaincre les « ménagères » d’aller voter, elles qui avaient le sentiment d’être plus en retrait.

Rolande Trempé nous raconte l’hostilité sournoise des hommes face à l’implication des femmes en politique, le droit de vote mais également le droit d’être élue. Son récit permet de prendre conscience de la difficulté pour une femme de s’engager en politique et d’obtenir la considération des hommes à cette époque.

 

 Vidéo 4 : Françoise Rogier

Originaire de Nantes, aînée de 12 frères et sœurs, Françoise Rogier a connu les bombardements et avait 24 ans en 1945 lorsqu’elle a voté pour la première fois. Elle raconte avoir trouvé cela « normal » d’avoir le droit de vote en 1944 et se rappelle avoir été heureuse d’avoir pu participer et exprimer sa voix. Pour autant, elle n’avait jamais pensé faire une action pour obtenir le droit de vote.

« C’est après coup que j’ai trouvé les choses anormales, que j’ai compris les mouvements qui existaient », explique-t-elle. Pour elle, les féministes, à cette époque, étaient avant-gardistes. Le droit de vote des femmes n’était pas le problème majeur de la société.

 

Vidéo 5 : Le rôle de le femme à la sortie de l’Occupation

Le droit de vote des femmes semblait être un objectif lointain au regard de la situation précaire à laquelle le peuple français devait faire face à cette époque.

« On n’y pensait pas », affirme Odette Bafar. L’idée d’être un jour à égalité avec les hommes était impensable. La femme était par nature cantonnée à la gestion du foyer familial. La dépendance à l’égard du mari était à son comble, puisqu’une femme ne pouvait divorcer ni ouvrir un compte en banque sans l’accord de son conjoint.

« Il fallait suivre leurs idées. C’était eux qui avaient raison » relate Geneviève Breiheux. Les femmes sont décrites comme étant peu heureuses, dénuées de réelles ressources, libres de partir mais sans perspective d’avenir.

« Ce n’était pas du mépris, puisqu’ils aimaient leur femme, mais c’était pour la maison et pour travailler dans les champs aussi », déclare Paulette Merlin. Les mouvements féministes sont décrits comme avant-gardistes par ces femmes trop occupées par leurs tâches domestiques pour se rendre compte de l’enjeu en cause.

« Après coup, j’ai compris que la chose était anormale », conclut Paulette Legras.

 

Vidéo 6 : La place de la politique dans la vie des femmes à la sortie de la guerre

Elles racontent qu’elles se trouvaient tout aussi capables que les hommes de s’impliquer dans les affaires publiques, de comprendre la politique, et de prendre des décisions. Etiennette Clauzure et Pierette Ewald affirment avoir eu une conscience politique dès l’enfance, souvent influencées par un père engagé politiquement. La guerre apparaît comme un moment charnière : les femmes prennent des responsabilités en l’absence des hommes permettant par la suite de légitimer leur droit de vote. Elles considèrent que ce droit n’a pas été offert, mais gagné par leur action pendant la guerre.

Paulette Merlin, qui avait 25 ans en 1945, raconte quand les hommes lui faisaient remarquer qu’elle n’y connaissait rien, elle ne se gênait pas pour leur répondre « qu’elle en connaissait autant ou peut-être plus en politique ».

Les femmes soulignent l’injustice flagrante du refus persistant de leur droit de vote avant 1944.  Aucune ne dit avoir été surprise ou émue : c’était juste logique après ce que les femmes avaient traversé. Suzanne Jeanningros ajoute « On travaillait comme les hommes, nous, alors pourquoi pas voter ? »

Les femmes s’accordent à dire que le droit de vote n’était qu’une étape parmi d’autres dans la lutte pour l’égalité. Elles ont dû s’imposer dans un monde d’hommes, souvent en prouvant par leurs actes leur compétence, leur intelligence et leur engagement.

 

Vidéo 7 : Le jour du vote

Ces femmes racontent le souvenir du jour où, en 1945, elles ont voté pour la première fois. Certaines gardent un souvenir très précis de leur joie et de leur fierté. Marie Dubet se rappelle « On sautait de joie de pouvoir voter ».

Et d’autres ne se souviennent plus ou ne sont pas allées voter lors de la première élection où elles ont eu le droit de vote. « Tout le monde disait que les femmes n’avaient pas besoin de voter, alors non, j’y suis pas allée » confie Paulette Merlin.
Elles rapportent leur conviction sur le choix de leur vote, ou leur hésitation, les regards réprobateurs de certains hommes, leur sentiment d’avoir contribué à un moment important de l’histoire. Ainsi, Odette Roux explique « On a l’impression de participer à la vie du pays ».

Vidéo 8 : Être élue

Dans ce dernier volet, qui vient clore ce retour dans le passé, le droit de vote n’est plus le sujet central, mais c’est le droit d’être élue qui est au cœur des réflexions de ces premières électrices. Pour une part politisé dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale, l’engagement de ces femmes s’est fait comme une suite normale aux convictions qu’elles avaient portées jusque-là.

« Il était logique qu’il y ait des éléments féminins », témoignent Henriette Elissèche, candidate aux élections municipales.

Malgré tout, « il fallait avoir le culot de le faire » reconnaît Rolande Trempé, et même de l’audace. En effet, la place que prenaient progressivement les femmes n’était pas encore acquise dans les mentalités masculines. Beaucoup y voyaient un danger, une inquiétude… Pourtant, ces femmes ont su s’imposer comme une nouvelle force, à l’exemple d’Odette Roux élue maire des Sables d’Olonne.

Chacune, à leur échelle, elles ont senti le grand bouleversement de cet après-guerre, elles ont eu l’impression de faire avancer les choses par leur engagement. Et aujourd’hui, quand on leur demande ce que les femmes ont apporté à la politique, elles en viennent toutes à la même idée : du renouveau.

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