La Fondation pour l’innovation politique s’est s’associée à la Fondation Jean Jaurès pour prendre part au colloque organisé par La République En Marche autour du sujet « Progressisme, mais encore ? ». Cet évènement a eu lieu le 20 octobre 2018, de 10h à 16h, au Palais des congrès d’Issy-les-Moulineaux, devant près de 1 000 personnes.
Cette journée avait pour objectif de lancer un grand travail collectif de réflexion autour de l’idée du progressisme. Philosophes, scientifiques et responsables politiques européens ont ainsi débattu sur la notion du progressisme, les valeurs qui le constituent, son avenir, etc.
Comme l’a rappelé Helle Thorning-Schmidt, l’ancienne Première ministre du Danemark, dans son discours d’introduction, partout en Europe, les nationalistes et les populistes gagnent du terrain. Les partis politiques doivent proposer une véritable alternative progressiste pour bâtir une nouvelle grille d’analyse et d’idées.
Lors de cette journée d’interventions, 5 valeurs qui lient l’individu au collectif ont été retenues. Ces valeurs, reprises dans les discours des intervenants, sont les suivantes : dignité, émancipation, engagement, ouverture et responsabilité.
1. La dignité
D’abord la dignité, en s’assurant que personne ne se sente exclu ou déprécié en France. Pour Claire Hédon, présidente de l’ONG ATD Quart Monde, la lutte contre la grande pauvreté est un combat central. « La réalité de la pauvreté, c’est le non-accès aux droits : logement, travail, éducation convenable. La grande pauvreté détruit, humilie les gens, et atteint à leur dignité. » Elle a ajouté : « Il n’y a pas de progrès possible si on laisse des personnes de côté. »
2. L’émancipation
Ensuite, il faut réaliser l’émancipation et permettre à chacun de choisir librement sa vie. Pour Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, le progrès revient à « donner, dès le plus jeune âge, les atouts qui vont permettre aux enfants de progresser ». Avec une plus grande autonomie et en levant les contraintes, chacun aura les moyens de choisir son destin.
3. L’engagement
L’engagement est aussi une dimension essentielle à la construction d’un progrès partagé : plutôt que se replier sur soi, chacun doit pouvoir s’impliquer dans une cause qui le dépasse. Monique Canto-Sperber, philosophe, a ainsi insisté sur l’engagement politique et citoyen, ce dernier étant le premier facteur de la cohésion du corps politique. Les citoyens engagés se « sentent responsables de la politique telle qu’elle est, et en cas de désaccord, sont prêts à la changer ».
4. L’ouverture
L’ouverture, qui voit les défis d’aujourd’hui et de demain comme des opportunités plutôt que des menaces, doit également tenir une place prépondérante. Pour Dominique Schnapper, sociologue, une société démocratique doit s’ouvrir à l’autre, mais elle doit également veiller à la transmission de ses valeurs fondatrices. Elle nous invite à « critiquer l’ouverture, mais également à l’apprécier, et à la défendre ».
5. La responsabilité
Enfin, la responsabilité accompagne constamment la réflexion progressiste. Elle assure que les actions d’aujourd’hui n’amoindrissent pas les opportunités de demain. Pour Hervé Le Treut, climatologue, cette valeur s’illustre dans le devoir d’alerter et d’agir face au changement climatique. La responsabilité y est l’affaire de tous, des gouvernements aux citoyens. Tenir les objectifs fixés, s’impliquer à son échelle, agir ensemble, et promouvoir la pédagogie font partie des moyens responsables pour contenir voire enrayer le réchauffement de la planète.
Synthèse de Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique
Ces réflexions ont été mises en perspective par les deux fondations qui co-organisaient cette journée. Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, résume ainsi l’essentiel du défi progressiste : « passer du pessimisme à l’optimisme, de l’immobilisme au mouvement, et du présentisme à la perspective ». Il faut donc naturellement s’interroger : « le progrès peut-il être prolongé, peut-il être maîtrisé, peut-il être partagé ? ».
Pour Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, « on ne peut pas échapper au changement, mais on peut échapper au progrès. Le progressisme, c’est l’idée d’une organisation du temps qui permet la protection, la construction et la transmission ». D’où l’importance de discuter tous ensemble, même en cas de désaccords : « À notre époque, tout se passe comme si nous ne savions plus discuter, sinon avec ceux qui pensent comme nous. C’est un problème pour notre démocratie ».
Pour le politologue Dominique Reynié, « le progressisme, c’est avant tout de savoir arbitrer, de définir des priorités et de s’y tenir ». Face au réchauffement climatique, « il faut faire de la décarbonisation notre projet principal ». Il faut aussi savoir « choisir entre éradiquer la pauvreté et réduire les inégalités. En ne choisissant pas, nous risquons de n’atteindre ni l’un ni l’autre. Nous devons arbitrer ».
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L’après-midi, quatre pistes permettant d’agir dans le sens du progrès et définissant une méthode de transformation et de réformes ont été abordées : l’écoute et le dialogue, agir à son échelle, l’évaluation et l’expérimentation et enfin tenir un discours de vérité.
1. L’écoute et le dialogue
Pour Nicole Notat, ancienne Secrétaire générale de la CFDT, l’essentiel de la méthode progressiste s’illustre par l’écoute et le dialogue. Tout le monde doit se concerter pour construire un projet politique et être capable de faire les compromis nécessaires à la réussite des réformes.
2. Agir à son échelle
Selon Charlotte de Vilmorin, entrepreneure, il est essentiel d’agir à son échelle. L’implication de chacun compte. Le progressisme ne passe pas uniquement par l’action de l’État, mais aussi parcelle des citoyens, des associations et des mouvements politiques.
3. L’évaluation et l’expérimentation
Cédric Villani, député et mathématicien, a pour sa part relevé l’importance de l’évaluation et de l’expérimentation. Être progressiste, c’est oser généraliser ce qui marche, revoir ce qui ne fonctionne pas et savoir poser des limites quand il le faut.
4. Tenir un discours de vérité
Enfin, Nick Clegg, ancien Vice-Premier ministre du Royaume-Uni, a mis l’accent sur l’impératif de tenir un discours de vérité. À l’époque des raisonnements simplistes des populistes, des raccourcis douteux et des fake news, les progressistes doivent faire front et accepter qu’à défis complexes, il ne peut y avoir de solutions faciles.
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